Nice-Matin (Menton)

Lavilliers par Lavilliers un portrait façon puzzle

En attendant un album à venir cette année, l’artiste proche du Var, commente sur France 3 sa discograph­ie, et donc sa vie.

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L’auteur des Mains d’or qui chemine songeur sur les hauteurs de la Villa Noailles avec vue imprenable sur les îles d’Or. On ne pouvait imaginer meilleure introducti­on pour le documentai­re intime dédié à ce grand fauve anar que demeure Bernard Lavilliers. Son attachemen­t au pays hyèrois, où il possède un pied-à-terre, aurait d’ailleurs dû être au centre du film de Bruno Le Jean, mais un méchant virus en a décidé autrement...

« Son idée était de tout tourner dans le Var, les extérieurs et les entretiens chez lui, mais à cause du contexte, nous nous sommes rabattus sur Paris dans un creux de déconfinem­ent, en août dernier », explique le réalisateu­r qui a tout de même largement exploité ses images hyéroises mises en boîte autrefois pour le making of de l’album Baron Samedi (2013).

Une étape de ce portrait qui fait voyager dans le sillage d’une carrière dont on est loin d’imaginer la tonalité diaprée en découvrant la première télé du sieur Lavilliers. Une prestation en 1968 dans le cadre du Gala de la fine fleur de la chanson française où l’artiste issu des cabarets rive gauche, cultive le style « poète maudit ». Sa première incarnatio­n avant une tripotée de mutations... Du rocker barbare à l’aventurier Corto Maltesien.

Garder l’esprit d’une discussion amicale

Maman imaginait pourtant le petit Bernard comédien de théâtre. Lui se lance dans les cours de guitare classique à quatorze ans, travaille à l’usine de nuit, « au laminoir », avant de se « barrer » à dixneuf ans pour échapper à une voie toute tracée... Une heure durant, Lavilliers ausculte sa légende d’une voix grave, posée et d’un regard amusé. Défilent les chapitres sur ses premiers cachets, avec Higelin et Renaud en comparses de scène, à

La Pizza du Marais où il sera repéré, puis la signature chez Eddie Barclay rencontré en 1976. Elle débouchera sur l’album Les Barbares et sa fameuse Fensch vallée au couplet-couperet : « Viens, petite femme de Saint-Tropez / Nous on fume la came par les cheminées. » « Le film est construit par associatio­n d’idées, comme un puzzle » ,indique Bruno Le Jean qui a tourné en équipe ultra-réduite afin de garder l’esprit d’une « discussion amicale et sincère, sans intervenan­ts extérieurs ».

La magie fonctionne dès les premières images. Une chaleureus­e complicité boisée s’installe même avec le chanteur qui semble si proche de son public.

Le masque de l’épidémie

Entrecoupé d’images d’archives, l’on y voit un Lavilliers qui brandit ses vinyles tels des trophées, replonge dans ses carnets d’écritures, commente ses looks, et ponctue le tout de quelques saillies vindicativ­es sur l’époque.

« Sous le masque de l’épidémie, ils sont en train de virer plein de monde », observe, sourire en coin, cet infatigabl­e porte-voix de ceux qui défendent leur outil de travail. « Je peux vous dire qu’à soixantequ­atorze ans, il est vraiment en super forme et continue plus que jamais ! », conclut Bruno Le Jean. Effectivem­ent, un nouvel album « en cours de fabricatio­n » doit sortir des presses dans le courant de l’année.

L’idée initiale était de tout tourner à Hyères”

LAURENT AMALRIC lamalric@nicematin.fr

Lavilliers par Lavilliers. Ce soir, à 23 h 20, sur France 3.

Thomas André n’a pas encore trente ans. Son personnage principal, tennisman comme il le fut lui-même, a « seize ans, ou peut-être dix-sept ».

C’est flou, à l’image des pensées qui cognent dans le crâne de Marius. Il vient de Lens, il a atterri dans une famille qui l’héberge, le temps d’un tournoi. Il y a Cédric, son pote de circonstan­ce. Plus âgé, vantard, fêtard, soiffard. Rien ne l’arrête, jamais. Il y a Alice, la soeur de Cédric. Parfois, elle rapproche ses jambes dorées de Marius. Elle lui demande de l’emmener quelque part, n’importe où, histoire d’oublier son mémoire et de chasser l’ennui.

Plus las que là

Mais Marius n’est pas vraiment là. « Je n’arrivais pas à exister », dit la première phrase du roman. Elle se rapporte au tennis, ce jeu pour lequel Marius a une forme d’attraction­répulsion. Elle colle aussi au reste de son existence. Comme les autres, il enchaîne les verres de rosé, les longueurs dans la piscine et les virées dans les criques, où les pierres cisaillent le corps, où le sel marin finit par mordre le visage. Sans trop savoir pourquoi. Tout au long de ce roman, à l’écriture simple et pourtant si intense, on est porté par les sensations de ce garçon. Il observe, sent, écoute. Il décrit subtilemen­t le contact des draps avec sa peau, ses frissons nocturnes après un plongeon qui a trop duré, son dégoût pour cette pizza trop grasse.

Ne plus y penser

Et puis, évidemment, il y a le tennis. Ces récits de matchs semblables à des transes. Cette terre battue matraquée sans relâche. Cette lutte mentale entre deux sportifs séparés par un filet, et sans doute par une multitude d’autres choses.

Marius enchaîne les succès sur le court. Pourtant, au détour d’une phrase, puis une autre, il nous fait comprendre que tout cela lui importe peu. Il accueiller­ait même avec soulagemen­t le moment où il pourra décevoir ces suiveurs et amis qui l’observent de l’autre côté du grillage. Quand il remballe ses affaires après une nouvelle victoire, il dit : « L’avantage, maintenant, c’est que je n’avais plus à penser au tennis jusqu’au match suivant. »

Dans L’Avantage, cet été fiévreux est aussi celui des premiers émois. Là encore, Marius est entre deux eaux. Ni totalement désintéres­sé, ni totalement emballé. Intriguant personnage.

JIMMY BOURSICOT jboursicot@nicematin.fr

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