Nice-Matin (Menton)

Céphaz « Je veux porter un message »

Le jeune chanteur, révélé avec le titre Depuis toi, espère repésenter la France à l’Eurovision avec On a mangé le soleil. Une chanson engagée, traitant de la surconsomm­ation et de la pollution. Un acte fort pour un artiste attachant au parcours totalement

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Un large sourire d’innocence, gorgé de bonté. Il pleut sur Paris mais le soleil ne l’a pas quitté, comme un héritage de l’enfance, du Ghana plus exactement, où il a vu le jour. De Navrongo aussi, où Céphaz a grandi jusqu’à ses dix ans. Jusqu’à son adoption. Sa seconde vie... Une vie qui galope de l’Afrique de l’Ouest à l’Afrique du Sud. Du Cap à Mayotte. Et c’est en France, à Saint-Étienne, que ce coureur des continents pose enfin son baluchon. Le « la » en tête pour faire comme si...

Chez Molière, il apprend la rime. Porte un bonnet, enfile des gants. « Passer de plus trente degrés à moins vingt degrés, c’est brutal. » L’oiseau migrateur s’adapte. Avec les frimas de l’hiver, croise le fer. Toujours des mélodies en bandoulièr­e. À l’internat, sautant d’un manuel à une partition. Sa voie lactée, sa voix tracée « depuis tout petit ».

Lorsqu’il écoutait son père (biologique) taquiner la guitare, « fabriquée de ses mains », le gamin l’accompagna­it au clair de lune.

Comme ça. D’un trait coloré pour dissiper les peurs. Éloigner ses angoisses. Toucher la lumière... « La musique, c’est mon antidote quand ça ne va pas. Et quand ça va aussi. Elle me fait avancer. Je n’imagine pas une vie sans... » Sur chaque chemin emprunté, Céphaz chantonne. Dans la chapelle de son collège de Cape Town. « Avec la chorale, on se remontait le moral avant les cours. C’est là que j’ai appris la clarinette, puis le saxo... »

Tel un navigateur solitaire, il s’invente un univers sans fin à l’horizon. Écoute de tout. « Même du Céline Dion. Autour de moi, on trouvait ça plutôt bizarre ! » Le jeune homme, sans penser un instant « en faire un métier », ne quitte plus son océan rythmé. Et, comme souvent, le hasard viendra, un beau jour, lui jouer un joli tour. Le temps d’un allerretou­r chez sa soeur, à Lyon. « C’est à cette époque que j’ai rencontré Pascal Revial. Puis le réalisateu­r Antoine Essertier. Ensuite, tout s’est enchaîné. » Un enchanteme­nt. L’inconnu enregistre Depuis

toi. Avec un soupçon de réticences car « j’avais peur de mon accent. Je n’avais jamais chanté en français.. .»

Mélodies anglo-saxonnes

Finalement convaincu, le déraciné se lance. Le titre, entêtant, se balade sur toutes les ondes. « Là,jemesuisdi­t: “D’accord, ça marche”. C’est parti. Je n’ai même pas eu le temps de réaliser. À croire que j’ai une bonne étoile. » Qu’il a fait le bon choix, lui qui a failli embrasser une carrière de footballeu­r profession­nel. « À Mayotte, j’avais en effet été sélectionn­é pour rejoindre des clubs français. » Le défenseur a préféré une autre scène au but assumé. « Chanter, c’est ma passion. Quelque part, en moi, je savais que j’allais faire ça. C’est inexplicab­le. » Alors, le nouveau venu fonce. Surfe sur la vague « sans vraiment savoir où je vais. » Céphaz, jusqu’ici confidenti­el, découvre les sollicitat­ions, les félicitati­ons. Les ronds de jambe aussi. Mais tel un chat, il retombe à chaque fois sur ses pattes. Donne, « tout ce que je peux », sans renier son indépendan­ce. Fruit de son parcours aux quatre vents...

Un album encore secret

Son premier album, au titre secret, est ficelé. « Il sortira dans les prochains mois. Sera très intime. Il parlera de mes proches, de notre société. Avec des mélodies plutôt anglo-saxonnes. J’ai insisté sur ce point. Je ne voulais pas renier mes racines artistique­s. » Y figurera peut-être, au zénith, ce petit bonheur intitulé On a mangé le soleil. Avec lequel il pourrait représente­r la France lors du concours de l’Eurovision, en mai aux Pays-Bas. Un tremplin de taille « que je ne connaissai­s pas du tout. Je l’ai découvert avec Bilal Hassani... »

Il lui faudra encore passer les sélections nationales lors d’une finale télévisée ce 30 janvier. « C’est énorme. C’est mon équipe qui m’a inscrit. Vous imaginez la belle surprise. » Engagé, il y défendra la planète. Cette terre où tourne, sans cesse autour de nous des morceaux de fer. Comme le martelait, il y a déjà longtemps, Nino Ferrer...

« Ma chanson folk parle de surconsomm­ation. Je veux porter un message... »

Car lui, en Afrique notamment, a subi les morsures du réchauffem­ent climatique. Pas question donc de rester les bras croisés, silencieux devant cette mort à petit feu.

« Ce sera une vitrine énorme et, du coup, je me dis que j’ai bien fait de choisir le chant en français plutôt qu’en anglais ! Mais j’ai un peu la pression. Une double pression vu que ce sera en direct. »

Que sa famille ne le lâchera pas d’une semelle, fière de ce petit bonhomme qui saoulait ses frères de lalalalala et autre chabadabad­a. Eux qui l’ont pris pour un « mytho » à l’annonce de son premier contrat. « Ah ça ! Je les ai surpris... »

D’un coup de baguette magique, il les a scotchés. En particulie­r lors de son baptême du feu à Saint-Malo. En ouverture du concert de Marina Kaye. « Une expérience hors norme. J’ai kiffé ce contact avec le public et j’ai hâte de remonter sur scène. » Jusqu’au champ des étoiles. Dont il est aujourd’hui l’un des pensionnai­res. Heureux. Chanceux. Ses dents ne sauraient mentir sur ses bons sentiments. Dissimulés dans des éclats de rire...

J’avais peur de mon accent. Je n’avais jamais chanté en français...”

La musique, c’est mon antidote quand ça ne va pas. Je n’imagine pas une vie sans”

RAPHAËL COIFFIER rcoiffier@nicematin.fr

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