Insondables râleurs
Nous serions ainsi millions de « procureurs ». Emmanuel Macron exagère à peine. Nous le savons bien. À la maison, au boulot, sur l’oreiller, nous avons un péché mignon : casser du sucre sur le dos de nos voisins, nos collègues, notre famille, les postiers, les cheminots, les nantis et, évidemment, nos dirigeants, ces incapables par définition. Le Français est ainsi fait. La réussite d’autrui le hérisse plus qu’elle ne le motive. Jaloux velléitaire, il rêve de voir le P.-D.G. se retrouver en guenilles, rarement de prendre sa place. Dans le contexte actuel, le gouvernement ne peut donc qu’être voué aux gémonies. La cacophonie ambiante prête à tous les lynchages, si faramineuse soit la tâche. Et forcément, la séquence mortifère qui s’éternise depuis bientôt un an pousse à reposer la responsabilité des politiques. Exercent-ils un métier, obligation de résultats à la clé, ou sont-ils engagés dans un sacerdoce qui appelle à la mansuétude ? Un peu des deux, c’est tout le problème. Comme ils gagnent plutôt bien leur vie pour des gens qui ne savent pas jouer au foot, dans la dictature de l’impatience qu’est devenue notre société, le dégagisme est leur corde au cou… Et les tribunaux leur hantise, quand l’électeur floué aspire à se faire justice lui-même. Il se trompe alors de voie. Les élections sont là pour ça. On peut ainsi penser qu’Emmanuel Macron fera tout pour que les scrutins régionaux et départementaux se tiennent en juin, afin d’éviter la seule infamie qui vaille : piétiner la démocratie. La participation citoyenne à la vie publique ayant encore du mal à passer de l’utopie à la pratique, l’urne reste la seule arme véritable, fût-elle en carton-pâte, du pékin moyen. D’aucuns diront que des élections massivement boudées, par indifférence autant que par crainte « covidesque », ne feront guère avancer la cause. Mais, sauf enlisement dans la crise que nul ne souhaite, le Président préférera sûrement ce pis-aller et une défaite, sans grande conséquence au fond, à l’accusation de vouloir empêcher ses adversaires. Ce n’est pas un hasard si La République en marche suggère d’ouvrir la porte à de nouveaux outils électoraux, comme le vote par Internet. Mais pas avant la présidentielle de… . En France, même les réformateurs ont le pas lent.
Nos rouspétances perpétuelles n’y sont pas pour rien.
« L’urne reste la seule arme véritable, fût-elle en carton-pâte, du pékin moyen. »