Nice-Matin (Menton)

Rémy Julienne, le casse-cou du cinéma, s’en est allé

Son nom figure au générique de quelque 1 400 films, clips et publicités. Il a doublé d’immenses stars. Rémy Julienne, décédé hier à l’âge de 90 ans, était le plus célèbre des cascadeurs français

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Il était l’as des as de la cascade, l’un des rares de sa profession dont le nom a largement dépassé le milieu du cinéma. Sa filmograph­ie en témoigne. L’engouement populaire que suscitait autour de lui Rémy Julienne à chacune de ses sorties publiques, aussi. Imaginez : six James Bond, (de Rien que pour vos yeux en 1981 à Goldeneye en 1995) au compteur et des classiques du cinéma français à foison sous le capot (Le Mur de l’Atlantique, Le Solitaire, Le Cerveau, L’Aventure c’est l’aventure, La Grande Vadrouille...).

Mais aussi, surtout, plus qu’une doublure, un double pour l’impétueux Jean-Paul Belmondo, du Profession­nel au Solitaire en passant par les Morfalous et tant d’autres... Quatorze au total.

« C’est bien lui qui m’a protégé si souvent et cela n’a évidemment pas de prix », a réagi hier dans un communiqué son complice Bébel, qui résume « une si longue route avec Rémy » par trois mots : « Amitié, confiance et fidélité ».

« Son ultime cascade »

« Fidèle, il l’a toujours été, comme moi-même j’ai toujours voulu travailler essentiell­ement avec lui. » Une confiance et un respect réciproque­s.

« Pour son ultime cascade – celle du saut dans l’au-delà –, Rémy Julienne n’a pas tremblé », a salué pour sa part l’ancien président du festival de Cannes Gilles Jacob. Le cascadeur équestre Mario Luraschi,

à la filmograph­ie toute aussi folle, se souvient de celui qui lui a sauvé la vie après une cascade à cheval ratée, terminée dans des rapides. Il « a fait rayonner le cinéma et la cascade française dans le monde entier ».

Les hommages sont venus également hier du monde du sport auto : c’était un « homme d’exploits (qui) va nous manquer », a salué le président de la Fédération internatio­nale de l’automobile Jean Todt.

Survol de Venise en trapèze

Rémy Julienne, né en 1930 dans le Loiret, a débuté sa carrière en 1964, quand un autre cascadeur, Gil Delamare, lui propose de participer au tournage de Fantômas.

« J’étais champion de France de moto et il fallait quelqu’un de très précis » pour piloter une moto et doubler Jean Marais. « C’est tombé surmoi» , racontait-il volontiers.

« C’est le début d’une grande aventure au musée Louis-deFunès (Photo doc Clément Tiberghien)

», disait celui qui a travaillé auprès des plus grands réalisateu­rs – François Truffaut, Leos Carax, Dino Risi, Terence Young ou Sydney Pollack, parmi une liste qui donne le tournis.

Son plus beau souvenir ? Il aimait citer la rencontre avec le tandem Belmondo-Lautner pour qui il va mettre au point une des plus spectacula­ires cascades : l’acteur va survoler Venise suspendu à un trapèze accroché à un hélicoptèr­e dans Le Guignolo.

« Ce qui m’intéresse, c’est amuser, mais faut être crédible » dans des « conneries qui deviennent quelque chose d’utile », disait Rémy Julienne, en citant Lautner.

Un « fou raisonnabl­e »

Parmi ses prouesses également, les James Bond : un camion-citerne roulant en équilibre sur ses roues gauches dans Permis de Tuer ,une berline qui, d’un tremplin, s’envole dans les airs avant de retomber sur le toit d’un bus, dans Dangereuse­ment vôtre, ou une course-poursuite sur les routes des Alpes-Maritimes dans Goldeneye. Crédibilit­é, précision, rigueur : ces mots revenaient constammen­t chez Julienne, dont la vie devant la caméra, ou celle de ses équipiers, était réglée au millimètre, à la seconde près.

Sinon, « c’est là-haut dans une caisse en sapin ». « Quelquefoi­s, il aurait suffi de peu pour que ça arrive » ,disait cet homme marqué par la mort d’un cameraman lors d’une cascade sur le tournage de Taxi 2 en 1999, qu’il supervisai­t.

Avait-il peur ? « La peur, c’est nécessaire avant et après, mais jamais pendant ». Sinon, « on ne peut pas faire le geste juste au moment juste », répondait ce « fou raisonnabl­e », pour reprendre les mots de Claude Lelouch.

Décédé à l’âge de 90 ans, Rémy Julienne restera un casse-cou de génie, cascadeur populaire à la carrière vertigineu­se.

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Var-matin
En décembre , Rémy Julienne avait rencontré des lecteurs de de Saint-Raphaël. Var-matin

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