« Tu n’auras jamais ton permis. Et méfie-toi… »
Un Niçois d’origine tunisienne désireux de construire une maison en zone rouge à a reçu un courrier de menaces racistes, revendiquant l’appui de la mairie. Les élus condamnent
Falicon, village raciste ? Voilà dix jours que les réseaux sociaux se paient cette petite commune cossue de 2000 habitants proche de Nice.
Point de départ : le 16 février, quand Foued Benhamda va chercher son courrier. Depuis 2017, ce Niçois y possède un terrain situé en zone rouge, qu’il tente de rendre constructible. À défaut de maison, il y a déjà installé une boîte aux lettres. Ce jour-là, il y trouve un courrier anonyme, écrit en lettres capitales : « Nous ne voulons pas d’Arabes à Falicon. Inutile de vouloir construire, tu n’auras rien ici. La préfecture est de notre côté et la mairie aussi. Tu n’auras jamais ton permis. Et si tu insistes, méfie-toi ! Pense que tu as des enfants. Reste bien dans ton quartier pourri, sale arabe ! »
« Climat très toxique »
Dans la foulée, ce chef d’entreprise de 39 ans, d’origine tunisienne, porte plainte contre X. Sur les réseaux sociaux, il fait le lien avec son parcours semé d’embûches et de « menaces », alors qu’il tente depuis des années de construire une maison pour sa famille. « Je n’accuse personne, assure-t-il au téléphone. Tout ce que je dis, c’est que depuis que j’ai déposé ce permis, il y a eu des menaces, des pétitions à mon encontre. Il y a un climat très très toxique à Falicon. » Le courrier anonyme est relayé notamment par Rémy Vienot, président d’une association de défense des gens du voyage de Besançon, communauté dont est issue la compagne de Foued. Rémy connaît Foued parce qu’il a participé au tournage d’un film. « Il m’a contacté, je n’ai pas hésité une seconde, retrace le président d’Espoir et fraternité Tziganes. On a fait une publication. Je ne supporte pas le racisme. » Elle est partagée des milliers de fois, puis reprise, sans plus de vérification.
Il cherche une faille pour construire
L’ancienne maire et l’actuelle condamnent le courrier. Mais Foued Benhamda accuse la mairie « d’acharnement » à propos de son permis de construire. Pourtant, en 2017, ce père de trois enfants savait très bien que le terrain qu’il achetait était situé en zone rouge pour risques de chutes de pierre et de mouvement de terrain. Soit non constructible (et forcément moins cher).
Mais il a quand même tout tenté. « Il s’est un peu entêté, juge la maire de l’époque, Gisèle Kruppert. Ce n’est pas à cause de ses origines qu’il ne peut pas construire, il y a des gens à la même consonance qui ont construit sur la commune, mais à cause des lois de l’urbanisme. Des maires ont été condamnés pour des constructions en zone rouge, je n’avais pas envie de me mettre en danger. »
Un premier projet de garage avec fenêtre est retoqué. « On savait que ce serait une maison. » Plan B : contester le plan de prévention des risques (PPR) et la classification en zone rouge. Il fait appel à un géologue, puis embauche Marc Anzalone, accompagnateur en investissement immobilier. « Mes clients sont ceux avec qui les architectes ne veulent pas travailler, car c’est un peu bancal, se décrit ce dernier. Ici, jamais un architecte n’aurait accepté. M. Benhamda voulait se battre sur l’actualisation du PPR. Je n’étais pas sûr que ça passe, (Photo A. L.) il m’a dit : “T’inquiète, j’ai des études géologiques” ».
Perdu en justice
Les deux hommes déposent une demande de permis fin 2019, dans le but de contester un refus. Contre toute attente, la mairie, avec qui les relations sont de plus en plus musclées, oublie de le retoquer dans les délais. « Une histoire de fou », s’étonne encore Marc Anzalone. Le permis est accordé tacitement. Mais les espoirs sont refroidis : la préfecture s’en saisit, l’affaire part en justice.
Le 14 septembre, le tribunal administratif de Nice décide de la suspension du permis.
« La loi est la même pour tous »
Sur cette même période (20192020), Falicon va mal. Gisèle Kruppert vit une fin de règne difficile : son premier adjoint démissionne avec fracas, son entourage, de plus en plus restreint, supporte mal la critique. Le moindre phénomène tourne à la polémique. Et la campagne municipale est extrêmement tendue.
Foued Benhamda dit avoir fait l’objet de menaces. De son côté, Gisèle Kruppert répond que l’intéressé s’en est régulièrement pris à elle sur les réseaux sociaux…
« Il y a eu des mots avec l’ancienne municipalité », reconnaît Anaïs Tosel, la nouvelle première magistrate, qui condamne la lettre. «Je suis obligée de condamner ces propos abjects, extrêmement choquants de violence, de racisme, réagit-elle, en regrettant que la victime fasse le lien avec sa relation à Falicon. Quatre ans de procédures, ce doit être éprouvant… Mais pour autant, les choses étaient claires. Les lois de l’urbanisme sont les mêmes pour tous. »
Qui a envoyé ce courrier ? L’enquête trouvera peut-être une réponse. En tout cas, son auteur a su souffler sur les bonnes braises.
ANTOINE LOUCHEZ alouchez@nicematin.fr
(Photo Éric Ottino)
Oui. Les femmes enceintes, les enfants de moins de 5 ans, les seniors, les personnes asthmatiques, les pathologies cardiovasculaires et insuffisances cardiaques ou respiratoires. Attention aussi pour les populations immunodéprimées, diabétiques ou sensibles sur les plans neurologiques, respiratoires, cardiaques et infectieux.
Quelles sont les zones les plus touchées dans les Alpes-Maritimes ?
La zone qui s’étend entre Nice, Vence, Grasse et Mandelieu-laNapoule, mais aussi les communes de Blausasc et du Collet. L’arrière-pays niçois est peu touché, tout comme Monaco et Menton.
Grâce au vent, les particules commencent à s’éloigner vers le Var et les Bouches-du-Rhône.
Jusqu’à quand l’épisode risque-t-il de durer dans les AlpesMaritimes ?
« On ne peut pas complètement se fier aux prévisions mais, a priori, le pic de pollution aura disparu demain ou lundi. La concentration de particules désertiques était déjà en baisse hier », soulève Mélanie Selvanizza, d’AtmoSud.
GRÉGOIRE CORNET