Aux Liserons à Nice, plongée dans une cité de la drogue
Vingt-huit personnes sont renvoyées en correctionnelle pour avoir participé à un trafic de stupéfiants dans une impasse des quartiers Est de la ville.
Anas explique sans sourire au policier qui l’interroge qu’il gagne 8 000 euros par mois grâce à sa passion du casino. Anice, lui, est tout aussi chanceux. Il affirme que ses confortables revenus mensuels (autour de 8 000 euros lui aussi) sont dus à ses talents de joueur de poker. Quant à Emir, il justifie une somme 19 000 euros à la provenance douteuse par sa science des paris sportifs.
Ces trois jeunes de l’impasse des Liserons, dans les quartiers Est de Nice, font partie des vingt-huit personnes renvoyées par le juge d’instruction en correctionnelle.
Leur procès pourrait se tenir en juillet. L’enquête policière révèle tous les rouages d’une économie souterraine, le fonctionnement très hiérarchisé d’un réseau de trafiquants et les bénéfices exorbitants de ce commerce illégal. Lors d’une perquisition, les enquêteurs ont ainsi mis la main sur une comptabilité édifiante : 1 250 000 euros de chiffre d’affaires en l’espace de quatre mois. 340 000 euros pour 101 kg de cannabis écoulés, 900 000 euros pour 21 kg de cocaïne, 14 000 euros pour 2 kg d’herbe.
euros jetés par la fenêtre
Le point de départ de cette affaire est la découverte fortuite d’une « nourrice » en septembre 2019. Une mère célibataire et sa fille, adolescente déscolarisée depuis deux ans, sont placées en garde à vue alors qu’elles gardaient chez elles, contre rétribution, des armes et 6,8 kg de cannabis. Ont-elles eu le choix ou ont-elles été contraintes de laisser les clefs de leur domicile à des trafiquants qui utilisent leur appartement comme lieu de stockage ? Mystère. Le parquet décide d’ouvrir une information judiciaire. PJ et sûreté départementale travaillent de concert sur cette affaire qui prend un nouveau tournant, en juin 2018, quand, lors d’une banale opération de police dans la fameuse impasse, connu pour être un haut lieu du trafic, un sac avec 94 730 euros est jeté par la fenêtre d’un immeuble. De l’argent tombé du ciel sur lequel les empreintes génétiques de Youssef et Jason apparaissent.
Sur commission rogatoire du juge
Alexandre Julien, la police décide de surveiller de près le point de deal des bâtiments 5 et 7.
Le dispositif est délicat à mettre en place tant les guetteurs quadrillent le secteur et bénéficient de la configuration des lieux, à flanc de coteau. Il est facile pour les trafiquants de repérer des policiers même en civil dès qu’ils s’engagent dans l’impasse.
Une taupe au commissariat
Pour ne rien arranger, une taupe au sein du commissariat du quartier sensible de l’Ariane, un peu plus au nord de la ville, donne des informations précieuses aux dealers qui déjouent ainsi perquisitions et interpellations.
Malgré ces nombreux écueils, les enquêteurs poursuivent leurs investigations de janvier à octobre 2019 et constatent une activité intense : jusqu’à 124 clients en quatre heures sur un point de vente ouvert de dix heures à une heure du matin. La police commence à avoir une idée précise du fonctionnement de cette association de malfaiteurs où certains éléments efficaces gravissent les échelons. Yassine (en fuite et Maroc) et Alain A., sont considérés comme les têtes du réseau. Alamaeddine serait le coordinateur du travail.
Hervé et Anas les managers d’une armée de « charbonneurs » et de « guetteurs », main-d’oeuvre très jeune, inépuisable, parfois recrutée jusqu’en région parisienne.
Jamais de rupture de stock
Les gérants du point de deal sont Djiby et Anice. Ichem et Cyril veillent eux, à ce qu’il n’y ait jamais de rupture de stock.
En octobre 2019, la justice estime avoir suffisamment d’éléments à charge pour déclencher une série d’interpellations.
230 fonctionnaires sont mobilisés et procèdent, dans un premier temps, à 29 interpellations, dont un policier aux mauvaises fréquentations. «Manifestement, l’importation de drogue du Maroc se faisait en petite quantité mais en flux continu », note le patron de l’antenne PJ de Nice. Le Groupe d’intervention régional a pisté, lui, les flux financiers. Plus de 220 000 euros ont été saisis ainsi