Lucile Peytavin : « La virilité a un coût »
Si les hommes se comportaient comme les femmes, la France « économiserait près de cent milliards d’euros par an » : la facture des comportements asociaux masculins. Explications.
Crimes, délits, agressions, dégradations… À une écrasante majorité, ce sont les hommes qui s’en rendent responsables. Dans son essai(1), l’historienne évalue le prix de ces violences qui mobilisent police, justice, services médicaux et éducatifs. Pour elle, pas de fatalité : c’est l’éducation différentiée donnée aux enfants qui prépare ces comportements.
Comment avez-vous eu l’idée de chiffrer « le coût de la virilité » ?
Je suis un jour tombée sur un simple chiffre : % de la population carcérale en France est masculine. Ce chiffre m’a interpellée, en ce qu’il dit que les personnes reconnues coupables de crimes et de délits sont, dans plus de neuf fois sur dix, des hommes. J’ai donc décidé de tirer le fil, pour m’intéresser à ce que coûtent ces comportements à l’État, qui dépense des milliards pour appréhender, enquêter, juger, sanctionner, rééduquer, soigner les auteurs. Sans compter le coût indirect pour la société qui doit répondre aux souffrances des victimes. À ma grande surprise, ce travail n’avait jamais encore été mené.
Les chiffres donnent le tournis : % des homicides, % des viols, % des coups et violences, % des vols avec arme, % des dégradations sont le fait d’hommes... Et pourtant, vous expliquez que le sexe fort n’est pas violent par nature…
En effet, les chiffres sont saisissants : en France, au
XXIe siècle, un homme a six fois plus de risques de devenir meurtrier et cinq fois plus de devenir délinquant qu’une femme. Mais il me paraît important de le dire : rien ne prédétermine les hommes à ces comportements asociaux. Ce n’est ni une question de cerveau, ni de production de testostérone comme on peut l’entendre parfois. La biologie n’a donc rien à voir làdedans. Un simple exemple : une enquête menée auprès de violeurs condamnés a montré que % de ces hommes avaient des rapports sexuels consentis au moins deux fois par semaine avant le crime. Le viol n’est donc pas le fruit d’une pulsion incontrôlable. D’ailleurs, quand les hommes passent devant le tribunal, ils sont bien jugés responsables de leurs actes. La responsabilité incombe à l’éducation qu’on donne aux enfants de sexe masculin.
Et la propension des garçons à adopter des comportements asociaux est mesurable très tôt…
En effet, % des collégiens sanctionnés pour des atteintes aux biens ou aux personnes sont des garçons. Et ça commence même avant : dès l’école primaire, les filles témoignent de l’agressivité verbale ou physique des petits garçons. Des chercheurs ont relevé une violence systémique de la part des ados sur ceux qu’ils considèrent comme faibles : les filles, les timides, les gros, les « intellos », les homosexuels… emprisonnés. Le pays où le plus de femmes sont derrière les barreaux, c’est Hong Kong : mais elles ne sont jamais que % des détenus. Quel que soit le milieu social, les chiffres montrent que les femmes s’adonnent largement moins à la violence que les hommes. Et cela est vrai pour celles qui grandissent dans la pauvreté, sous les coups, ou en subissant des agressions sexuelles. La misère est donc un facteur moins déterminant que le sexe.
Vous avez donc fait le calcul : le coût de la virilité, c’est près de milliards d’euros/an.
Que contient ce chiffre ?
C’est le coût supporté chaque année par l’État français pour faire face aux comportements asociaux des hommes : dépenses directes de sécurité, de justice, de santé, auxquelles il faut ajouter le
Dès bébé, on valorise la force et la vigueur des garçons”
Le mode éducatif, on l’a sous les yeux...”