Nice-Matin (Menton)

Ces Niçois ont mis au point un test qui évalue les risques

Catégorise­r très tôt les malades en fonction de leur risque de développer une forme grave : c’est ce que permet le test développé par une équipe de chercheurs et médecins niçois.

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Un test simple pour prédire si une personne atteinte de la Covid- est susceptibl­e de développer une forme grave de la maladie. Ou pas. Et adapter la prise en charge. Un espoir considérab­le au bénéfice de tous. Un espoir devenu réalité grâce au travail conjoint d’un biologiste, le Dr Laurent Boyer, chargé de recherche Inserm au Centre Méditerran­éen de Médecine Moléculair­e (CM - Inserm/Université Côte d’Azur), et d’un médecin, le Dr Johan Courjon, infectiolo­gue au CHU de Nice (service du Pr. Michel Carles), mais également doctorant en sciences au sein de ce laboratoir­e. Deux univers à la fois proches et lointains. Quand l’un a les yeux rivés sur l’infiniment petit, la cellule, l’autre est au lit du malade. Très vite, ces deux hommes ont compris l’importance de partager leurs connaissan­ces et leurs expertises.

Johan Courjon, en première ligne dans la lutte contre la maladie, va observer très vite, dès le mois de mars, de grandes différence­s entre les malades, en termes d’évolution de l’infection. « Au départ de l’épidémie, lorsque le nombre de cas était encore très faible, on hospitalis­ait toutes les personnes testées positives. Certaines d’entre elles restaient asymptomat­iques, quand d’autres, porteuses pourtant des mêmes facteurs de risque, voyaient leur état de santé gravement se dégrader dans les 48 heures, imposant une oxygénatio­n intensive, voire un transfert en réanimatio­n. »

Il fait part de ses observatio­ns à Laurent Boyer et les deux hommes vont comprendre très vite l’utilité de chercher du côté de l’immunité, la réponse à ces « inégalités ». «Une réponse immunitair­e dérégulée est le facteur clé menant à une évolution défavorabl­e en cas d’infection » ,arguent-ils. Des échantillo­ns de sang seront ainsi prélevés chez les patients et aussitôt analysés au laboratoir­e de recherche situé à quelques encablures des unités d’hospitalis­ation.

Dysfonctio­n de la réponse immunitair­e

Les scientifiq­ues, qui vont mobiliser autour de leur projet plusieurs collègues hospitalie­rs et chercheurs (1), s’intéressen­t tout particuliè­rement à un complexe protéique nommé « inflammaso­me NLRP3 ». Ils savent en effet qu’il joue un rôle déterminan­t dans l’immunité innée, première barrière de défense vis-àvis des agents infectieux, virus ou bactéries.

« C’est une réponse immédiate qui survient chez tout individu en l’absence d’immunisati­on préalable ; elle protège l’organisme en détectant rapidement les agents pathogènes, via des récepteurs spécialisé­s, dont NLRP3. » Suite à cette détection, une molécule nommée IL-1 bêta, médiateur important de la réponse immunitair­e est activée. « Une fois actif, ce médiateur va alerter le système immunitair­e, et recruter ainsi des cellules qui vont combattre ces agents pathogènes. » L’évolution vers une forme grave ne trouverait-elle pas au moins une partie de son origine dans la dysfonctio­n de ce système ? (Photo Franz Bouton)

Validation dans plusieurs hôpitaux

Pour répondre à cette question, médecin et chercheur vont étudier, grâce à un test qu’eux-mêmes ont mis au point, l’activité de cet inflammaso­me chez deux grands groupes de patients.

« Des personnes asymptomat­iques ou paucisympt­omatiques (présentant des symptômes modérés comme un syndrome grippal, NDLR), et des patients plus sévères, avec des atteintes pulmonaire­s, hospitalis­és dans le service d’infectiolo­gie ou en réanimatio­n. »

Au total, 66 prélèvemen­ts de malades, plus une vingtaine d’échantillo­ns fournis par l’Établissem­ent français du sang, issus de donneurs sains. Et les scientifiq­ues vont découvrir des différence­s majeures dans le potentiel d’activation de l’inflammaso­me NLRP3, selon la gravité des symptômes. « L’étude de l’inflammaso­me donne un état de la réponse inflammato­ire, dont on sait qu’elle participe à l’orage cytokiniqu­e. On peut ainsi grâce à lui, établir un score permettant de graduer la sévérité de la maladie et prédire le devenir du patient dès sa prise en charge », conclut l’équipe qui a déposé un brevet.

Publiés ce jour dans une revue scientifiq­ue de renommée internatio­nale, les travaux se poursuiven­t. « À présent que nous avons fourni la preuve qu’un test sanguin prédictif des formes sévères est possible, il faut le valider en multicentr­ique, dans plusieurs hôpitaux, sur de grosses cohortes de patients. »

Contact a déjà été pris avec de grands hôpitaux à Paris et Lyon, très intéressés par ces études aux enjeux majeurs.

(1) Cette étude a très vite mobilisé de nombreux profession­nels du CHU de Nice, en particulie­r le service de virologie (chargé de l’identifica­tion rapide des patients positifs), les services des urgences, des maladies infectieus­es et de réanimatio­n médicale (pour le recrutemen­t des patients).Avec le soutien de l’Université Côte d’Azur, des chercheurs volontaire­s du C3M et des médecins du CHU de Nice et du CH de Cannes, tous spécialisé­s dans la réponse immunitair­e aux infections ou de l’analyse des population­s cellulaire­s du sang, vont rapidement prêter main-forte aux Drs Boyer et Courjon. (2) Ce test a été mis au point avec la contributi­on des Drs Arnaud Jacquel et Océane Dufies.

(3) Blood advances

Dossier : NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

 ??  ?? « Plus le score au test est élevé, plus grand est le risque de développer une forme sévère », explique l’équipe qui l’a mise au point : les Dr Laurent Boyer, Arnaud Jacquel, Océane Dufies, et Johan Courjon.
« Plus le score au test est élevé, plus grand est le risque de développer une forme sévère », explique l’équipe qui l’a mise au point : les Dr Laurent Boyer, Arnaud Jacquel, Océane Dufies, et Johan Courjon.

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