Joseph Gagliardi bientôt sur la touche, pas hors-jeu
En juin prochain, l’assemblée générale de l’ASRCM football verra l’élection d’un nouveau président. Joseph Gagliardi va laisser son poste vacant après 23 ans de mandat.
Il se promène sur la planète football depuis sa plus jeune enfance Joseph Gagliardi. Patron du football roquebrunois depuis 23 ans, il connaît les deux pôles du ballon rond comme personne. Mieux que tout le monde ! Gamin, il débarque de sa Calabre natale, plus précisément de Giffone, au début de l’année 1960, « J’avais 8 ans quand je suis arrivé à Menton, j’avais quatre soeurs et un frère, mon père était manoeuvre dans les travaux publics et ma mère s’occupait du foyer. Comme la majorité des immigrés d’Italie, le Sud étant très pauvre, mon père n’ayant quasiment pas de travail a rejoint un de ses frères exilés quelques années auparavant. Il est resté deux ans tout seul avant qu’on le rejoigne ». Joseph Gagliardi découvre alors le quartier de Garavan, « j’ai eu beaucoup de chance d’atterrir dans ce quartier résidentiel. Je ne parlais pas Français, j’ai été scolarisé au sein de l’école de Garavan et là, j’ai eu la chance de connaître monsieur Curti, un passionné de football. C’est lui qui m’a fait découvrir le premier match international de l’équipe de France. Il avait emmené toute sa classe chez lui pour voir Yougoslavie-France ».
Ses mains ont déjà la parole
Tout en commençant à maîtriser la langue française, Pepino (voir encadré) va faire ses premiers pas au Rapid de Menton (poussin, pupille, cadet, junior) en tant que gardien de but. Ses mains ont déjà la parole. Normal pour un Transalpin diront certains. « En 1968, je me suis cassé la jambe lors d’un match amical contre le Cannet-Rocheville, en face il y avait notamment Christian Lopez. J’ai fait une très mauvaise sortie et à partir de là, j’ai eu plusieurs mois d’arrêt. Quand je suis revenu, j’ai senti que j’avais la peur ». Cette fracture osseuse va couper définitivement les jambes à Joseph Gagliardi. « J’ai joué encore deux ans en seniors pour le plaisir, mais ça ne m’intéressait plus de jouer. Je suis alors parti à l’Étoile de Menton ou je jouais en équipe une tout en entraînant la seconde équipe ». De 1974 à 1989, Joseph Gagliardi deviendra un fidèle étoiliste avec des fonctions d’entraîneur qui le propulseront à la tête de l’équipe première. Pour l’anecdote, c’est lui qui remplace Michel Hidalgo qui venait de descendre en division inférieure. « L’année suivante on remonte en PHA ».
C’est en 1989 que Joseph Gagliardi rejoint le club roquebrunois pour y entraîner l’équipe réserve. « Quatre ou cinq ans plus tard, le comité directeur me propose d’entraîner l’équipe fanion, au bout de trois ans et deux mois, j’arrête car je ne sentais plus le groupe. Je suis resté au club en tant que dirigeant et j’ai entraîné les gardiens de but ».
Président de l’association « au départ pour dépanner »
Lors de la saison 97/98, le président de l’époque Alain Perlade quitte soudainement le navire fin janvier, Joseph Gagliardi est alors sollicité pour prendre les rênes de l’association, « au départ c’était pour dépanner ». Un dépannage de 23 saisons ! Une année charnière pour l’ASRCM football qui verra au passage son équipe fanion accéder au niveau régional. « On se met à travailler pour construire une équipe qui tient la route, c’était l’époque des Petiot, Kucma, Barriera, Paje-Rius...».
La politique du club, après quelques années dédiées à l’équipe première, va finalement changer de cap, Pepino va s’atteler à jouer la carte des jeunes afin que l’ASRCM soit reconnue comme un véritable club formateur. Les saisons s’égrènent et Joseph Gagliardi commence à penser au passage de témoin avouant que l’âge, l’usure et le fait de démarrer une nouvelle dynamique sont autant de points qui motivent sa décision. « Tout ce qu’on a construit ensemble doit perdurer, je resterai tout de même au sein du comité directeur. Les gens savent que je ne serai plus président, mais la continuité est la plus belle des choses ».
Joseph Gagliardi aura connu la réussite de quelques joueurs passés sous la bannière rouge et jaune grâce à certaines actions décisives pour leur carrière. On pense notamment à Olivier Echouafni, Janick Tamazout et dernièrement à Rayan Philippe qui joue aujourd’hui à Nancy en Ligue 2. Mais sa plus grande satisfaction est ailleurs : « j’ai eu l’idée d’imposer il y a quelques années que tous les enfants du club portent la même tenue ». Un acte fort qui a remis les valeurs éducatives en corrélation avec celles du sport. « J’ai connu une époque où à l’école on était tous habillés pareil, moi l’Italien du sud comme le fils de l’architecte. »
Quant à ses pires souvenirs, il évoque sans détour les disparitions de Gérald Julien et Francis
Vienne, deux éducateurs partis trop tôt. Avec humilité, il souligne enfin les qualités indispensables qui, selon lui, font un bon président. « Je ne sais pas... Je pense qu’il faut de la patience, savoir tempérer les choses et arrondir les angles. Dans un club, on a 35 éducateurs à gérer, il faut composer et rassembler. C’est la partie la plus complexe ».
« La violence verbale est présente »
De la diplomatie, l’homme en a toujours eue surtout avec plusieurs générations de parents qu’il a côtoyées. « Ils sont souvent exigeants, versatiles avec les éducateurs. Je note qu’aujourd’hui j’ai l’impression que les parents sont montés d’un cran dans la mauvaise attitude et que parfois dans les tribunes, il ne faudrait pas grandchose pour que ça dégénère. La violence verbale est présente. Fort heureusement le football s’oriente plus vers le beau jeu grâce à des méthodologies d’entraînement qui mettent moins en avant le physique mais plus la technique. Ce sont de bonnes décisions fédérales. Aujourd’hui, il y a plus de violence hors du terrain que sur le rectangle vert...».
Composer et rassembler, la partie la plus complexe ”
Textes et photo : L. BOXITT