La poésie s’invitera sous peu dans les jardins Biovès
Dans le cadre du Festival des jardins de la Côte d’Azur, le Mentonnais Franck Roturier s’est entouré d’un éditeur et de deux poètes pour concevoir un projet autour d’Emily Dickinson
l’heure où la culture accuse un coup d’arrêt dans la France entière, la poésie s’apprête à faire une entrée remarquée à Menton. Dans les jardins Biovès.
Pour sa troisième édition, le Festival des jardins de la Côte d’Azur – organisé par le Département – a en effet pris pour thème les jardins d’artistes. Dans le terrain mis à disposition des équipes de la Ville (pour une création hors concours), le directeur des Parcs et jardins, Franck Roturier, a fait le choix de se tourner vers la littérature. Et plus précisément la poésie, grande oubliée des jardins en compétition.
« Traduction inédite en jardin »
« Deux auteures m’ont touché ces dernières années : Flora Bonfanti et Raluca Maria Hanea. Elles sont éditées par François Heusbourg, que j’avais rencontré en achetant des livres. Je me suis dit que ce serait bien de faire quelque chose, pourquoi pas avec leurs textes. Alors j’ai appelé François. Il m’a répondu que cela tombait bien, Flora, Raluca Maria et lui travaillant sur Emily Dickinson », résume Franck Roturier, au milieu des jardins qui commencent à prendre forme, en prévision de l’inauguration fixée le 3 avril. Présent à ses côtés pour un suivi du projet sur site, François Heusbourg confirme éditer depuis plusieurs années les poèmes de la grande poétesse américaine (1830-1886). « Dans chacun des recueils, les postfaces sont réalisées non pas par un scientifique, mais par un auteur contemporain. Flora a fait la première. Raluca Maria travaille sur le quatrième livre, dont la parution est prévue en novembre. Toutes deux participent aussi au choix des poèmes. »
Émue d’être à Menton pour pouvoir s’approprier les lieux autrement que par la pensée, Raluca Maria résume le projet collégial en quelques mots. « Nous allons faire une traduction inédite en jardin. Plutôt que dans une autre langue, ce sera en relief et en vivant. » Vaste défi que de rendre concret une oeuvre poétique, par nature intime. Rapidement, les quatre instigateurs sont tombés d’accord sur le fait de recréer la chambre d’Emily Dickinson – qui vécut recluse la moitié de sa vie. « À partir de là, chacun a proposé des idées, reprend François Heusbourg. À chaque fois qu’on en avait une, on découvrait une passerelle entre les livres de Flora et de Raluca Maria. » Dans le jardin en construction, des échos aux thèmes chers à chacune des trois poétesses seront ainsi à retrouver. Une ruche, un labyrinthe doté d’un banc, un contraste entre le silence et le bruit. Ou encore des vitraux, qui renvoient directement au livre Retirements de Raluca Maria, inspiré de l’église du souvenir à Berlin. « Dans les Lieux exemplaires de Flora, il est beaucoup question de construction/déconstruction. Dans cet esprit, nous avons prévu de reconstruire la chambre d’Emily Dickinson à l’identique. Mais elle sera partiellement détruite. » Symbole, aussi, de la déconstruction de l’esprit dont il faut savoir faire preuve pour entrer dans l’univers poétique. Même si l’installation vise précisément à le rendre accessible. Pour parfaire les choses, quelque vingt poèmes seront dispersés dans le jardin, sur des socles disposés tout le long du parcours. Sept de Dickinson et six des deux auteures contemporaines. « L’idée, c’est que les textes se mettent en valeur les uns les autres. On ne veut pas être