Nice-Matin (Menton)

Relaxe pour des bouchers clandestin­s

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C’est un marché clandestin installé sur un parking attenant du foyer Adoma (ex Sonacotra), le long de la RM 202. À l’heure de la traçabilit­é et des normes d’hygiène draconienn­es, le spectacle paraît irréel. Des morceaux de viande, au préalable découpés sur un billot de bois, attendent dans des coffres de voiture d’être vendus. La police municipale confisque régulièrem­ent la marchandis­e de ces bouchers clandestin­s. Trois d’entre eux devaient répondre de leurs actes mardi devant le tribunal correction­nel de Nice. Ils avaient été surpris en flagrant délit en avril 2020.

Messaoud, un retraité algérien de 63 ans, Ali, Tunisien de 62 ans, et Mustapha, Tunisien de 50 ans, commis agricole, se défendent de tout commerce. Les moutons auraient été achetés à Contes, pendus à un arbre, saignés puis découpés.

Ali explique que c’était uniquement pour sa consommati­on familiale. Le modeste retraité a été trouvé avec 480 euros sur lui et une balance. « Pourquoi une balance si vous ne vendez pas ? », s’étonne la présidente Marion Menot. Mustapha dit avoir été sollicité pour lui donner un coup de main. « Le billot de bois était propre », précise-t-il.

Messaoud, lui, se présente comme un simple client.

Le parquet poursuit les trois prévenus pour « abattage d’animal hors d’un abattoir dans des conditions illicites, vente à la sauvette, transport de denrées dans un véhicule non aménagé pouvant constituer un risque de contaminat­ion. » Le procès-verbal de la police municipale, contesté par les avocats de la défense tant le document enfreint, selon eux, les règles de la procédure, totalise 185 kg de viande saisie et 20 kg d’abats. La procureure Brigitte Funel note que Messadoud a déjà été condamné pour des faits similaires, notamment en 2019. Elle réclame contre lui deux mois d’emprisonne­ment et 600 euros d’amende. Un mois avec sursis et 400 euros à l’encontre des deux coprévenus.

Vice de procédure

Me Joëlle Fitoussi, dès l’entame de sa plaidoirie, remet en cause la validité de cette procédure : « S’agissant d’une fouille, seuls les officiers de police judiciaire peuvent y procéder. Ce n’est pas le cas ici, c’est donc une violation des libertés individuel­les. » Autre problème : la pesée de la viande douteuse n’a pas été réalisée dans les règles, selon la défense. Le bâtonnier Roland Rodriguez s’insurge à son tour : « Le PV est clôturé à 20 h 10 tout en évoquant des opérations de police à 20 h 20. Je considère qu’il y a des difficulté­s. On ne peut fonder des poursuites dans ces conditions. Ce n’est ni sérieux, ni raisonnabl­e, ni juridique. » Les avocats (Me Brahimi compris) demandent tous la relaxe. Et ils l’obtiennent. Le tribunal a estimé que la fouille des véhicules était illégale. Toute la procédure est, de ce fait, annulée. En espérant que cette comparutio­n en justice dissuade ces bouchers du dimanche de poursuivre une activité qui présente un risque sanitaire évident pour la population.

CH. P. chperrin@nicematin.fr

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