Nice-Matin (Menton)

« Ne pas confiner après les fêtes était une grave erreur »

Membre de l’Académie des sciences et directrice de recherche à l’Inserm, Dominique Costagliol­a n’envisage pas de sortie de crise sans confinemen­t strict. Du moins tant que 80 % des Français n’auront pas été vaccinés.

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Elle n’a pas sa langue dans sa poche : « Le pari d’Emmanuel Marcon de ne pas reconfiner, coûte que coûte, après les vacances de Noël était perdu d’avance. Nul ne pouvait imaginait d’autre issue que l’explosion de la pandémie, telle que nous la constatons aujourd’hui de façon spectacula­ire dans trois ou quatre grandes régions françaises, aux premiers rangs desquelles la Provence-Alpes-Côte d’Azur, les Hauts-de-France et toute l’Ile-de-France. »

Sur Twitter, ses prises de position « proconfine­ment » lui valent l’agression de trolls. Mais la professeur­e Dominique Costagliol­a compte au nombre des rares mais vrais experts en matière d’épidémiolo­gie. Directrice de recherche à l’Institut Pierre-Louis, membre de l’Académie des sciences, elle a reçu, il y a quelques semaines, le Grand Prix de l’Inserm pour son travail remarquabl­e sur le front de la lutte contre la pandémie de Covid. Sa parole dérange, mais elle compte.

« Il aurait fallu pouvoir vacciner à tire-larigot ! »

Le pari perdu, elle le déplore : « Il n’avait de sens que si nous avions été en mesure de vacciner à tire-larigot, afin d’atteindre un seuil d’immunité grégaire d’au moins 80 %. Or, tout le monde savait que la France n’avait pas les vaccins en nombre suffisant ni d’ailleurs le temps d’atteindre cette immunité. Tout le monde savait aussi que le nouveau variant, dont la contagiosi­té était déjà 70 % plus importante que la souche initiale du virus, allait nous prendre de vitesse .» Erreur ou faute, la professeur­e Costagliol­a ne tranche pas. L’épidémiolo­giste a d’autres préoccupat­ions que celle d’alimenter la polémique. Pour elle, les chiffres sont têtus, et leur simple lecture devrait « conduire le gouverneme­nt à prendre des mesures fortes, drastiques ». Dominique Costagliol­a sait que son analyse est à contre-courant de l’espérance générale : « On a fait passer le principe du confinemen­t (Photo AFP) pour un épouvantai­l. On l’a tellement fait qu’on en a oublié qu’en octobre, le gouverneme­nt avait fixé le seuil d’alerte à 250 de taux d’incidence [nombre de contaminés pour 100 000 habitants, ndlr]. Plus personne ne parle de ce seuil d’alerte. Et pour cause : en Paca, il est monté jusqu’à plus de 700, en Ile-de-France, il frôle les 500... On n’en parle plus pour ne pas avoir à prendre la seule mesure qui s’impose : un confinemen­t strict. Au moins, un confinemen­t dans les régions ou l’épidémie est hors de contrôle, ou les services de réanimatio­n sursaturés sont, comme en Paca, à plus de 110 % de leur capacité. »

Mayotte a gagné son pari

Le diagnostic que pose cette éminente membre de l’Académie des sciences sera-t-il repris pas le conseil de défense, et validée par Emmanuel Macron ? « Je n’ai que peu d’espoir qu’on regarde enfin les choses en face. Le confinemen­t est désormais un épouvantai­l qu’on agite, et non pas l’arme absolue de lutte contre la pandémie qu’il devrait être. Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les chiffres. A Mayotte où l’épidémie était totalement hors de contrôle, avec un taux d’incidence de plus de 800, la décision de confiner strictemen­t la population a été prise mi-février. En un mois, un seul, le taux spectacula­ire de 860 est passé en dessous des 180 ! Qu’attend-on pour tirer les leçons de cette expérience, ici en métropole ?» JEAN-FRANÇOIS ROUBAUD

(Photo O.V.)

Six classes fermées hier dans le départemen­t

En raison de cas de Covid, six nouvelles classes ont dû fermer hier dans les AlpesMarit­imes. Il s’agit d’une classe de maternelle à l’école Simone-Veil de Carros [ci-dessus], de classes de maternelle à l’école La Calade de Biot, d’une classe de maternelle à l’école Bon-Voyage de Nice, d’une classe de maternelle à l’école Ravet de Saint-Laurent-du-Var et d’une classe de bac pro au lycée profession­nel Vauban de Nice. E. G.

 ??  ?? Dominique Costagliol­a, épidémiolo­giste en recherche clinique et biomathéma­ticienne, dénonce la politique du déni qui, selon elle, rend la situation sanitaire explosive.
Dominique Costagliol­a, épidémiolo­giste en recherche clinique et biomathéma­ticienne, dénonce la politique du déni qui, selon elle, rend la situation sanitaire explosive.
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