Nice-Matin (Menton)

Dominique Costagliol­a, de l’Académie des sciences : « Il aurait fallu anticiper au-delà des Alpes-Maritimes »

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Mieux vaut tard que jamais... C’est en résumé le sentiment de Dominique Costagliol­a, après l’annonce jeudi soir d’une nouvelle formule après les deux premiers confinemen­ts de mars et de novembre. Directrice de recherche à l’Institut Pierre-Louis, membre de l’Académie des sciences, cette épidémiolo­giste qui, il y a quelques semaines, recevait le Grand Prix de l’Inserm pour son travail remarquabl­e sur le front de la lutte contre la pandémie de Covid salue la décision du gouverneme­nt... tout en estimant qu’elle est trop tardive. Et qu’en prime, cette « saison 3 » du confinemen­t n’est pas assortie des mesures d’accompagne­ment, notamment dans les écoles et collèges qu’elle préconise depuis bientôt un an.

Le virus ne connaît pas le principe du « en même temps »

Tardive à cause d’une politique de l’« en-même-temps-isme » que Dominique Costagliol­a juge préjudicia­ble tant sur le plan sanitaire qu’économique : « Face à un virus qui est obsessionn­el et ne dévie jamais de sa route, les demi-mesures nous condamnent à combler les fuites en permanence. Et, du coup, c’est sans fin. Je prône un confinemen­t strict depuis des mois. Il aurait selon moi l’avantage de rompre la chaîne de contaminat­ion - ce qui a été fait avec succès à Mayotte - tout en permettant à la campagne de vaccinatio­n d’avancer, certes à un rythme trop lent, mais suffisamme­nt pour qu’au terme de ce confinemen­t les personnes susceptibl­es de développer des formes graves, voire létale - n’oublions pas que, nous savons depuis peu, que la létalité du variant anglais est 60 % plus importante que celle de la souche initiale de la Covid - soient hors de danger et que la pression sur les services de réanimatio­n ne soit plus qu’un mauvais souvenir. »

L’équation sur le plan sanitaire pour l’épidémiolo­giste de l’institut Pierre-Louis est évidente. Sur le plan économique, son analyse est la même : « Est-ce que notre économie souffrirai­t plus d’un confinemen­t

Pas-de-Calais Seine-Saint-Denis Essonne Var Nord Aisne Somme Seine-Maritime Hauts-de-Seine Val-de-Marne Val-d'Oise Eure Yvelines Paris France strict augurant à son terme d’une reprise totale de l’activité que de ces incessants va-et-vient de demi-mesures ? Je crois que le pari du tout en même temps n’est pas raisonnabl­e. »

Des protocoles ultra-stricts pour recouvrer la liberté ?

En décrétant un confinemen­t même s’il ne dit pas son nom dans seize départemen­ts, le gouverneme­nt n’aurait cependant pris la mesure de la réalité épidémiolo­gique qu’en apparence : « Franchemen­t, est-ce que le variant britanniqu­e de la Covid va limiter son expansion aux régions ciblées par les mesures annoncées par M. Castex ? Bien évidemment non ! Je comprends que ces décisions soient difficiles à prendre, parce qu’elles sont difficiles à vivre pour les Français. Mais comment peut-on leur laisser croire que, tôt ou tard, et je dirais même très vite, les départemen­ts aujourd’hui épargnés ne connaîtron­t pas la même flambée épidémique que celle constatée dans les

Dominique Costagliol­a salue la décision du gouverneme­nt, tout en la jugeant beaucoup trop tardive. (Photo AFP)

Alpes-Maritimes, les Hauts-de-France ou l’Ile-de-France ? De mon point de vue, il eut été sage d’anticiper partout en France. Ce que l’on constate en Normandie où, en quelques jours, le taux d’incidence a grimpé en flèche démontre que ce virus ne connaît ni trêve ni zone de noncontami­nation. »

Mais, par-dessus tout, ce sont les mesures sanitaires d’accompagne­ment qui feraient défaut à ce nouveau confinemen­t.

Dominique Costagliol­a pointe la question scolaire : « On peut d’ailleurs la lier à celle des restaurant­s d’entreprise. Si en milieu scolaire, les protocoles sanitaires se limitent à l’obligation du port du masque, on ne brisera pas la chaîne de contagion. Je suggère depuis le printemps dernier que les protocoles sanitaires dans les écoles s’appuient sur l’installati­on d’instrument de mesure du CO2 dans l’air des zones pédagogiqu­es, sur des protocoles stricts d’aération et sur l’instaurati­on partout de demi-jauge. C’est à ce prix-là qu’on pourra efficaceme­nt rompre le cercle vicieux de la contagion. C’est à ce prix-là qu’on pourra retrouver enfin une vie normale ! »

JEAN-FRANÇOIS ROUBAUD

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