Nice-Matin (Menton)

Celui qui fait tourner la tête au Bon Dieu !

Autrefois musulman pratiquant, Mehdi Djaadi est aujourd’hui catholique et comédien dans un milieu progressis­te et athée. De quoi devenir dingue. Il s’en sort par l’humour de son « Coming out »

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Mehdi Djaadi. Un ancien musulman devenu catho qui évolue dans le milieu du théâtre, progressis­te et athée. Mais voyons quelle idée ! Et pourtant, dans son seul en scène Coming out joué mercredi au Théâtre des Variétés – sur invitation du Diocèse de Monaco, le comédien au charisme ultra-solaire, nommé comme révélation aux Césars en 2016, pour le film Je suis à vous tout de suite de Baya Kasmi, désamorce par l’humour les préjugés. Et ça commence d’entrée de jeu. Il avoue dès les premières minutes avoir pensé à nommer son spectacle Apostat. Par crainte d’une fatwa, il a préféré se la jouer « spectacle subvention­né » avec Coming Out. Le ton est donné.

Il y raconte sa trajectoir­e singulière. Celle d’un fils d’immigrés algériens, de confession musulmane, qui se convertit au protestant­isme puis au catholicis­me. Une histoire qui interroge et où les excès de la religion ne sont pas esquivés. Mehdi Djaadi a été renié, condamné, révélé, et c’est la foi qui l’a apaisé. Rencontre avec ce comédien hors norme.

Votre parcours est atypique ?

Un petit peu. Même si je n’ai pas l’impression d’être une exception. Ce qu’on peut dire avec certitude, c’est que je n’étais pas prédestiné à ce parcours. Je viens d’un milieu social populaire, d’une famille musulmane sunnite et ado j’ai bien flirté avec la délinquanc­e jusqu’à finir en centre éducatif fermé. Donc rien qui me destinait à être celui que je suis aujourd’hui. D’ailleurs ce qui transpire aussi dans la pièce c’est cet appel à l’antidéterm­inisme.

Qu’est-ce qui vous a conduit à modifier cette trajectoir­e ? On avait un temple évangéliqu­e en bas de notre quartier qu’on considérai­t un peu tous comme une secte. Par provocatio­n, et sans doute aussi par curiosité, nous y sommes entrés. Nous avons été abordés par le pasteur et nous avons eu des discussion­s assez houleuses avec lui. Vous imaginez, pour un musulman pratiquant, entendre parler de Jésus comme fils de Dieu, ça va à l’encontre de toute notre croyance. J’y suis retourné plusieurs fois toujours animé par cette curiosité et parce que je voyais que j’étais sur une mauvaise pente. Un jour, ce pasteur m’a donné une Bible.

Vous avez lu cette Bible ?

Rien ne m’y poussait mais j’ai eu la curiosité de le faire. Et j’ai eu un coup de coeur pour la personne de Jésus. Un Jésus assez différent de celui que je connaissai­s dans l’Islam : il était à la fois homme et Dieu. Et tout me touchait chez lui : la charité, l’amour des plus faibles… Cela à une époque où j’étais proche des premiers mouvements salafistes qui défendaien­t la pureté de la religion. Cette lecture de la Bible est venue créer un véritable séisme en moi. Je ne m’attendais pas à être ainsi bouleversé. J’avais  ans, j’étais déscolaris­é, j’avais de la haine, un pied dans la délinquanc­e, un pied à la mosquée du quartier. Cette rencontre avec Jésus m’apaisait.

Cette charité, cet amour des plus faibles que vous dites avoir trouvé dans la Bible, vous ne l’aviez pas trouvé dans la lecture du Coran ?

Bien sûr qu’il y a de la charité, de la douceur et de l’amour chez les musulmans. Mais il y avait dans la Bible une plénitude, une filiation que je n’avais pas trouvée dans l’Islam. Et c’est cette relation intime avec Jésus qui m’a bouleversé. Je n’ai pas quitté l’Islam par haine de l’Islam, mais j’ai quitté l’Islam par amour pour quelqu’un d’autre.

Comment réagissent vos proches ?

À ce moment-là tout est secret. Avant d’entrer dans ce temple, je vérifie que personne ne me voit et je cache ma Bible sous mon lit.

Pourquoi ce secret ?

Parce que c’est mal vu : ce temple a mauvaise réputation au quartier et puis je me définissai­s encore comme musulman. Et le quartier exerce une certaine pression sociale sur ce sujet avec un vrai rejet. Je prends donc la décision de quitter Saint-Etienne.

Vous partez où ?

Un ami qui ne sait pas du tout ce que je suis en train de vivre au niveau de ma foi, me met en relation avec un éditeur chrétien qui vit à Valence et qui va m’héberger chez lui. À un moment où je prie Dieu pour qu’il me sorte de l’impasse dans évoluez dans un univers plutôt athée. Comment le vivez-vous ? Encore un choc ! Avec le théâtre, je découvre un monde très antichréti­en. C’est l’année de la Manif pour tous. Je me retrouve à devoir être le porte-parole de l’Église catholique et à devoir défendre, ou pas, le mariage pour tous.

J’ai eu un coup de coeur pour Jésus”

On me colle l‘étiquette du catho extrémiste”

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Invité par le diocèse de Monaco, le comédien a évoqué sur les planches du théâtre des Variétés sa conversion au catholicis­me dans son seul en scène qui bouscule les codes.

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