Heure de vérité pour l’Europe
À l’image des pays qui la composent, l’Union européenne (UE) vit la pandémie comme une épreuve. Certes, la santé publique est de la compétence des Etats membres et, en principe, elle n’est là que pour compléter leur action. À juste titre cependant, les ont décidé qu’elle pouvait jouer un rôle beaucoup plus important que celui qui lui est en principe dévolu sur cette question. Sur le terrain économique, bousculant ses habitudes, elle a pris des mesures très fortes pour permettre de réussir la reconstruction du monde de l’après-Covid. Ainsi a-t-elle débloqué une énorme enveloppe de milliards d’euros, du jamais vu, pour la relance d’une Europe plus écologique, plus numérique et plus résiliente. Mais, voulant aller plus loin, les lui ont aussi confié la tâche d’acquérir les vaccins nécessaires pour lutter contre l’épidémie. A priori, une bonne idée. Hélas, elle a tourné au fiasco. Oubliant que la santé n’a pas de prix, les négociateurs européens ont certes obtenu des vaccins à la baisse mais, du coup, l’Europe a cessé d’être prioritaire dans leur distibution. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Layen, a dû reconnaître cette lenteur devant le Parlement européen mi-février et admettre des erreurs. Le sommet européen qui se tiendra les et mars à Bruxelles ne pourra pas ne pas aborder cette question épineuse qui met en difficulté les dirigeants des Etats face à leurs citoyens. Une heure de vérité en quelque sorte dans laquelle se joue aussi la confiance dans l’UE. Thierry Breton, le « monsieur Vaccin » de la commission, est déjà venu, ce dimanche, au secours du gouvernement français, en difficulté sur ce sujet, en affirmant que « l’immunité collective sera atteinte le juillet sur le continent européen ». Un pari qu’il faut bien sûr impérativement réussir pour répondre à l’urgence sanitaire. Et faire face également aux questions économiques. L’efficacité de la relance de milliards dépend aussi du succès de la vaccination. Si la crédibilité de l’UE est en jeu, celle des gouvernants est aussi en cause. Ils ont en effet remis leur sort entre les mains de l’Union. Déjà certains commencent à n’en faire qu’à leur tête. La Hongrie et la République tchèque se tournent vers le vaccin russe Spoutnik V. L’Autriche a annoncé qu’elle a conclu un accord avec Israël et le Danemark pour les futurs vaccins adaptés aux variants. Ce n’est pas encore la débandade mais le désordre s’installe. Qu’aurait d’ailleurs fait la France si les recherches vaccinales de Sanofi et de l’Institut Pasteur avaient répondu aux attentes légitimes d’Emmanuel Macron ? Il espérait cette solution nationale, on le comprend, mais lui aussi, désormais, doit « faire » avec Bruxelles. Son engagement européen, lui, rend tout cavalier seul difficile, voire impossible.