Génocide au Rwanda : « La France a failli »
Un rapport, remis hier au Président, affirme que l’État porte des « responsabilités lourdes et accablantes » dans cette tragédie.
La politique de la France au Rwanda entre 1990 et 1994, menée par un président et son entourage « aveuglés idéologiquement », a été une « faillite » et elle porte des responsabilités « accablantes » dans le génocide des Tutsi, selon un rapport cinglant d’historiens remis hier à Emmanuel Macron. Même si les relations entre les deux pays se sont détendues avec l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron en 2017, le rôle de la France au Rwanda reste un sujet explosif depuis plus de vingt-cinq ans. Les historiens reviennent sur l’engagement français durant ces quatre années décisives, au cours desquelles s’est mise en place la dérive génocidaire du régime hutu, pour aboutir à la tragédie de 1994 : quelque 800 000 personnes, majoritairement tutsi, exterminées dans des conditions abominables entre avril et juillet.
« Un président aveuglé »
Le rapport dessine une politique africaine décidée au sommet par le président socialiste de l’époque François Mitterrand. « Les autorités françaises ont fait preuve d’un aveuglement continu dans leur soutien à un régime raciste, corrompu et violent. L’alignement sur le pouvoir rwandais procède d’une volonté du chef de l’État ». La conclusion du document n’entretient aucun doute sur l’implication du chef de l’État. Il raconte des décideurs « enfermés » dans une grille de lecture « ethniciste » post-coloniale et décidés à apporter, contre vents et marées, un soutien quasi « inconditionnel » au régime du président rwandais Juvénal Habyarimana, face à une rébellion tutsi considérée comme téléguidée depuis l’Ouganda anglophone. Dès octobre 1990, date d’une offensive du FPR (Front patriotique rwandais, ex-rébellion tutsi dirigée par Paul Kagame, devenu président du Rwanda), Paris prend fait et cause pour le régime Habyarimana. Elle s’engage militairement avec l’opération militaire Noroît, censée protéger les expatriés étrangers, mais qui de facto constitue une présence « dissuasive » pour protéger un régime vacillant contre l’offensive rebelle.
Tout en pressant Habyarimana à démocratiser son régime et négocier avec ses opposants - ce qui aboutira aux accords de paix d’Arusha en août 1993 -, la France ignore les alertes, pourtant