Nice-Matin (Menton)

Exceptionn­elle »

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(D.R.)

Pauline Deschamps-Kahn est l’auteur d’un mémoire de recherche sur Les dessins sous-jacents des peintres florentins de la première moitié du XVIe siècle – notamment de l’atelier de Raphaël. Elle a vu à trois reprises l’épatante Madone, lors d’un stage auprès de l’experte Laure Chevalier. Elle livre son éclairage sur l’oeuvre, pondéré mais enthousias­te.

« Une palette riche »

« C’est une oeuvre absolument incroyable, témoigne Pauline Deschamps-Kahn. Elle est abîmée mais, malgré ce vernis très oxydé, on distingue une palette extrêmemen­t riche. » Elle remarque l’utilisatio­n du smalt, ce pigment minéral bleu « exploité par les Della Robbia dans des carrières près de

Florence. Cela fait partie des éléments qui permettent d’attribuer une origine géographiq­ue très précise. » Pauline Deschamps-Kahn relève aussi « un travail de recherche de la couleur extrêmemen­t poussé. » Ou encore « le modelé de la bouche, avec une certaine grâce, caractéris­tique du Pérugin ».

Le Pérugin, mentor de Raphaël.

« La main du maître »

Familière des oeuvres de peintres florentins, Pauline DeschampsK­ahn sait qu’elles suivent souvent « un processus de création très long ». La voici en présence d’une « oeuvre inachevée, réalisée en plusieurs années » . Elle en a observé les « repentirs », ces correction­s apportées au fil du temps. La marque d’une oeuvre originale. Peut-être de Raphaël. « On a découvert qu’il retravaill­ait toujours ses dessins sous-jacents. Il peut y avoir des interventi­ons extérieure­s. Mais chez les peintres du Cinquecent­o, le motif du dessin sous-jacent était très souvent de la main du maître de l’atelier. »

« Plus que plausible »

Pauline Deschamps-Kahn se veut « prudente », rappelle « toutes les réserves que l’on peut apporter à l’authentifi­cation d’une oeuvre ». Reste que la piste de Raphaël lui paraît « plus que plausible. J’ai rarement vu une telle recherche de la couleur et un dessin sous-jacent aussi travaillé. On a une émotion très forte en voyant ce tableau qui a traversé toute cette période. C’est une oeuvre exceptionn­elle ! »

voire hostiles du marché de l’art ?

Il n’y a pas d’hostilité dans le marché de l’art. C’est un débat normal entre historiens de l’art. Il se trouve que les gens qui ont combattu l’attributio­n à Caravage du tableau de Toulouse, ce sont mes meilleurs amis !

Le marché est-il porteur, malgré la crise sanitaire... voire grâce à elle ? C’est presque honteux, mais il ne s’est jamais aussi bien porté. Le marché de l’art ancien, du moins. La crise de la Covid l’a bouleversé en faisant gagner dix ans à l’Internet. Depuis troisquatr­e ans, les exposition­s de tableaux anciens sont noires de monde. Cette dynamique a été décuplée par l’effet de la Covid. Oui, le marché de l’art est en plein boom.

Quelle fourchette de prix peut-on imaginer pour un Raphaël inédit ? Et pour une oeuvre d’un élève ?

On raisonne en dizaines de millions d’euros. Certaineme­nt pas à moins. Pour un élève, on n’est pas du tout dans la même cour. Quand vous vendez un tableau de Giulio Romano, son élève le plus doué, on parle de millions d’euros quand c’est très beau. Et de centaines de milliers d’euros quand c’est normal.

 ??  ?? Philippe Walter, directeur d’un laboratoir­e de recherches au CNRS, ici lors d’une campagne scientifiq­ue en Égypte.
Philippe Walter, directeur d’un laboratoir­e de recherches au CNRS, ici lors d’une campagne scientifiq­ue en Égypte.
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