Grêce : « Une immense solidarité, un peu de système D »
L’ancien élève de l’école hôtelière de Menton, chef étoilé de Lou Cigalon à Valbonne a refait sa vie professionnelle à Athènes. Quelques mois avant l’irruption de la pandémie, Alain Parodi ouvrait avec son épouse Christine un « bistrot français », le Véri Table ,aupiedde l’Acropole. Une aventure, presque une chance : « Je suis littéralement tombé amoureux de ce pays. Et je me dis que ce fut un signe du destin : le confinement, ici, en Grèce, a sans doute été beaucoup moins douloureux que celui qu’on aurait vécu en France ! »
« The place to be » au bout du tunnel sanitaire
La Grèce n’a pourtant pas été en reste en termes d’ordre et de contre-ordre. Après un lockdown total avec couvre-feu et fermeture des écoles qui dure depuis le mois de novembre, le temps du déconfinement progressif semble avoir sonné. Depuis lundi, les magasins rouvrent, la vie reprend tout doucement. Si le soulagement n’est pas encore à l’ordre du jour, c’est un mince mais réel filet d’espoir qui se fait jour dans la population. « Le pays traverse une telle crise économique depuis des années que, finalement, les conséquences sociales de la pandémie sont presque apparues comme une fatale continuité de l’immense galère que vivent les Grecs. La situation était déjà explosive. On entend toujours parler de révolution. Mais ce qui fait tenir les gens ici, et j’y adhère, c’est que la Grèce a les atouts pour très vite devenir la “place to be” en Europe. » En découvrant l’âme grecque, Alain est tombé une seconde fois sous le charme : « Beaucoup de Grecs vivent dans un terrible dénuement. Les aides de l’État ici, c’est 534 euros par mois... Mais c’est sans (DR) compter sur l’immense solidarité, saupoudrée d’un peu de système D, dont les Grecs font preuve entre eux au quotidien. Du coup, malgré l’atmosphère pesante, tout cela rend la vie plus simple ici. »
Au four pendant que son épouse, elle, est au moulin des livraisons, l’ancien chef étoilé azuréen raconte son expérience hellène quitte à faire pâlir d’envie ses copains restaurateurs azuréens. Depuis que la chape de plomb sanitaire s’est abattue sur le pays,
Alain n’a jamais cessé de travailler. Son chou farci braisé légendaire fait le bonheur de ses clients athéniens.
La solidarité comme seule aide
Il est vrai qu’avant le lockdown, les habitudes de consommation gastronomique faisaient déjà du « take away » un vrai marché porteur : « Avec la crise, ça a explosé. De surcroît, ici, on passe peu par les grandes plateformes de livraison qui te prennent 20 à 30 % de ton chiffre d’affaires ce qui contribue à augmenter les prix. Du coup, les gens commandent beaucoup ici ». Là où en France, ses confrères « galèrent » à sortir 500 euros de chiffre d’affaires par jour avec les repas à emporter, Alain, lui, confesse qu’ici à Athènes, les mauvaises semaines, il frôle les 1500euros: « jusqu’à 3 500 euros » pour peu qu’il y ait un jour férié, une fête religieuse. « Les clients qui jouent le jeu du “take away” le font pour s’offrir une expérience gustative, mais tu sens, surtout depuis novembre, qu’il s’agit aussi de leur part d’un vrai acte de solidarité .» Malgré tout, Alain concède qu’à ce train-là, il ne tiendra pas des siècles : « Cela nous permet de résister, d’être toujours dans le jeu socialement. Comme les aides ici sont dérisoires - l’État n’a pas les moyens de faire plus -, on traverse cet épisode difficile sans avoir le sentiment d’être soit une victime, soit un poids mort pour la société. »