Negresco : « La fondation sécurisera l’entreprise »
Selon l’administratrice judiciaire, la future fondation qui verra le jour garantira la pérennité de l’hôtel mythique. Qu’un membre du fonds de dotation soit renvoyé en justice n’y change rien.
Le Negresco, joyau baroque de la promenade des Anglais, estimé à 400 millions d’euros, semble endormi depuis qu’il a fermé ses portes en octobre en raison de la pandémie. Mais en coulisse, l’histoire tumultueuse de l’hôtel continue. Où en est le projet de fondation censée protéger l’hôtel mythique de Nice des prédateurs, tout en respectant les dernières volontés de feue Jeanne Augier, sa propriétaire ?
« Nous avons désormais les 2 millions d’euros nécessaires à la création de cette fondation, rassure Me Béatrice Dunogué-Gaffié, administratrice judiciaire parisienne. Je suis en contact avec les services du ministère de l’Intérieur. Nous devrions aboutir à ce projet dans dixhuit mois. »
Le fonds de dotation légataire universel
Après le décès de Jeanne Augier le 7 janvier 2019 à l’âge de 95 ans, la succession a enfin été réglée. Un testament authentique daté de 2009 – et que personne n’a contesté selon l’administratrice – a confirmé les dernières volontés de Madame sans héritiers : «Le testament est très orienté vers la préservation de l’hôtel, de ses collections et du personnel [200 salariés NDLR]. Il faudra aussi mener des actions pour soulager la misère humaine et animale », confirme Béatrice Dunogué-Gaffié. Entre-temps Nicole Spitz a repris du service en étant nommée P.-D.G et Lionel Servant a pris la direction générale. Les planètes sont-elles alignées pour le palace ? Les salariés l’espèrent. Le fonds de dotation créé par Mme Augier avec Christian Palmer et Pierre Couette, demeure à ce jour le légataire universel. Or les statuts stipulent qu’après le décès de Mme Augier, seul un membre fondateur reste administrateur à vie.
« M. Palmer est âgé de 86 ans et M. Couette est mis en examen pour abus de faiblesse », constate Me Dunogué-Gaffié, sans commenter davantage. Même si d’autres personnes ont été ensuite invitées à rejoindre ce fonds de dotation controversé (l’abbé Gil Florini, le Dr Adina Richard et Isabelle Planté de Comeiras), le tribunal judiciaire avait estimé en 2014 – alors que Mme Augier était sous tutelle – qu’il était nécessaire de nommer un administrateur à la tête du fonds de dotation pour à la fois préserver le patrimoine et sécuriser l’entreprise. (Photo Frantz Bouton) « Ce fonds est une structure hybride, située à mi-chemin entre une association et une fondation. Il ne présente pas suffisamment de garanties, admet Me Dunogué-Gaffié. À l’origine Mme Augier voulait créer une fondation mais la procédure était lourde, et complexe. » Il fallait surtout apporter un million d’euros, or l’hôtel était à l’époque déficitaire. 10 000 euros avaient suffi à la création du fonds de dotation.
Le Conseil d’État va trancher
En 2014, une loi a permis d’envisager la métamorphose en fondation et l’administratrice dispose désormais des fonds nécessaires à sa création. De l’argent occulte dans un compte en Suisse a notamment été récupéré. Mais un hôtel peut-il être reconnu d’utilité publique au même titre que la Fondation Lenval destinée aux enfants malades ? Ce sera au Conseil d’État de trancher.
Si la fondation finit par voir le jour (le dossier est à l’étude depuis sept ans !), un nouveau conseil d’administration présidera aux destinées du Negresco. Les membres du fonds de dotation y siégeront mais également des membres de droit désignés par l’État. « Cela respectera les volontés de Mme Augier et l’institution sera définitivement protégée », affirme Béatrice Dunogué-Gaffé.
Qu’importe si Pierre Couette, l’historien de l’art, est reconnu coupable ou déclaré innocent. Qu’importe le résultat de l’enquête du parquet national financier après que le tribunal de commerce de Nice a été dessaisi au profit de celui de Marseille. Le Negresco, navire amiral du tourisme azuréen, devrait être préservé de l’appétit de grands groupes internationaux.
Ce que souhaitait plus que tout Jeanne Augier qui a régné pendant plus de soixante ans sur le prestigieux établissement. CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr
(Photo Louis Bourgue)
Solution bis : la coupe des platanes. Les deux jeunes femmes assurent que si les autorités ne s’en chargent pas, elles s’y mettront.
« On est quasiment 200 dans notre groupe Facebook. Si personne ne bouge, on coupera les platanes, menace Jennifer. On va monter avec des tronçonneuses et on va tout raser. Ils auront tout gagné ».
ANTOINE LOUCHEZ