Nice-Matin (Menton)

« Si on veut qu’une langue continue à être parlée, il faut un fil rouge, former les futurs locuteurs »

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partout en France, qui ont écrit aux députés et effectué un vrai travail de fond pour sensibilis­er à ce sujet.

Certains redoutent que cette loi ne soit que symbolique…

Il faut rester vigilant. Il faut voir les applicatio­ns concrètes dans chaque établissem­ent afin de proposer l’enseigneme­nt des langues régionales à tous les élèves, car c’est encore compliqué. Cela passe aussi par l’améliorati­on des effectifs et la mise en valeur de la matière. Mais même sur le plan symbolique, le message envoyé est très fort. Toutes les langues régionales étaient dans une telle mauvaise passe qu’on ne pouvait faire que mieux. Sinon, c’était l’extinction.

Le départemen­t et les communes n’ont-ils pas eux aussi un rôle à jouer ? Les articles sur la signalétiq­ue bilingue et les actes d’état civil abordent cet aspect fondamenta­l. Si à Menton, on se met à voir des traduction­s en mentonasqu­e sous les noms de rues, sur les bâtiments publics, dans les documents administra­tifs… Cela aurait une grande utilité ! Ça montre que la langue est valorisée, qu’elle accède à une certaine dignité. Une langue est vivante lorsqu’elle est visuelle, lorsqu’elle sert ! Ça aurait aussi un effet vertueux pour l’enseigneme­nt, pour intéresser les élèves…

Pour l’enseigneme­nt, qu’est-ce que cette loi change concrèteme­nt ? Un professeur souhaitant enseigner l’occitan fera face à beaucoup moins de blocages qu’avant. D’une part, les cours pourront se dérouler à des horaires normales, et non plus seulement entre  h et  h ou le mercredi aprèsmidi, ce qui n’incite pas les élèves à s’inscrire. D’autre part, l’immersif est très bénéfique pour acquérir la langue. Si c’est trop sporadique, les élèves n’imprègnent pas. L’avenir du français, qui inquiète certains, n’est pas en danger. Celui des langues régionales, oui ! Si on veut qu’une langue continue à être parlée, il faut un fil rouge. Il faut former les futurs locuteurs.

Actuelleme­nt, on en est où dans l’instructio­n du mentonasqu­e ?

Je suis le seul professeur du bassin mentonnais, et j’enseigne dans  établissem­ents du second degré : Vento, AndréMauro­is, Pierre-et-MarieCurie, et Rabelais, à L’Escarène. Mes élèves viennent de tous les horizons. Certains ne viennent pas de la région mais sont curieux, d’autres ont de la famille qui parle régulièrem­ent en mentonasqu­e. Cette année, j’ai surtout constaté une chute importante au lycée, où je suis passé de  élèves en Terminale avant la réforme du bac à  élèves, tous niveaux confondus. C’est dû à la baisse du coefficien­t accordé à la matière…

Quels arguments donneriez-vous à un élève pour qu’il s’inscrive à votre cours ?

Je dirais que l’occitan est cool [rires], que c’est ce qu’on porte en nous, parfois même sans le savoir, avec l’accent ! Cette langue est bien vivante, et elle a toute sa place, elle a le droit d’exister.

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