Nice-Matin (Menton)

Affaire d’Etat

- DENIS JEAMBAR Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

En confirmant le  avril l’irresponsa­bilité pénale de Kobili Traoré qui, il y a quatre ans, avait violemment agressé puis dénestré aux cris de « Allahu Akbar » Sarah Halimi, une Française de confession juive, la Cour de cassation, la plus haute de nos juridictio­ns, a provoqué la consternat­ion jusqu’au sommet de l’Etat. En décembre , Emmanuel Macron avait déjà réagi lorsque la cour d’appel de Paris, confirmant le travail des juges d’instructio­n, avait conclu que Kobili Traoré, agissant sous l’emprise de la drogue et sans discerneme­nt, ne pouvait être jugé pour ce crime dont elle admettait cependant le caractère « antisémite ». Pour avoir alors déclaré que

« même si le juge a décidé qu’il n’y avait pas de responsabi­lité pénale, il y a un besoin de procès », le chef de l’Etat s’était attiré les foudres des deux plus hauts magistrats de la cour de cassatioin au nom de l’indépendan­ce de la justice. Chat échaudé ne craignant pas l’eau froide de la magistratu­re, il a réitéré ses propos hier dans Le Figaro : « En République, on ne juge pas les citoyens qui sont malades et n’ont plus de discerneme­nt, on les traite. Mais décider de prendre des stupéfiant­s et devenir alors comme fou ne devrait pas, à mes yeux, supprimer votre responsabi­lité pénale. » Et d’annoncer un rapide changement de la loi pour en finir avec qu’il appelle

« une fausse impunité ». L’affaire Halimi est donc devenue une affaire d’Etat. A juste titre. Comme l’enquêteur et le parquet, la cour d’appel de Paris avait reconnu le caractère « antisémite » de ce meurtre. Dès lors, pourquoi priver la famille des victimes et la société d’un procès, quitte à ce qu’il se conclue sur l’irresponsa­bilité de l’auteur du crime ? Cette simple question souligne le caractère incompréhe­nsible de la décision de la Cour de cassation qui oublie même dans son arrêt la qualificat­ion « antisémite » du crime. Drapée dans l’article - du Code pénal qui stipule l’irresponsa­bilité pénale d’une personne privée de tout discerneme­nt au moment des actes qu’elle commet, « elle ‘’sacralise’’, comme l’écrit le grand rabbin de France, Haïm Korsia, l’impunité et même l’irresponsa­bilité, sous certaines conditions ». Son arrêt concerne de fait tous les citoyens, indépendam­ment de leurs croyance et de leurs valeurs. Le droit, rien que le droit. Certes. On a tout de même le devoir de s’indigner quand on découvre – fait relaté par le quotidien La Provence – qu’un homme ivre et sous cocaïne a été condamné à un an de prison ferme à Marseille pour avoir tué, le soir du  décembre , le bouledogue français de sa voisine en le jetant par la fenêtre. On n’ose penser que, devant la justice, cet acte est plus condamnabl­e que le meurtre d’une Française de religion juive par un individu drogué. Pourtant, c’est bien ainsi.

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