Nice-Matin (Menton)

La guerre des arguments dans

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L(Photo Philippe Arnassan) e chasseur est-il une espèce en voie de disparitio­n ? Dans un rapport de 2019, la Fondation François Sommer pour la chasse et la nature, s’inquiète : « Comment les génération­s qui suivent celle du baby-boom d’aprèsguerr­e, qui forme encore le gros des rangs des chasseurs à ce jour, alimentero­nt-ils la population des chasseurs d’ici 2040 ? »

Et de constater : l’âge moyen des chasseurs ne cesse d’augmenter ; les pratiquant­s ne sont plus essentiell­ement des résidents des zones rurales ; ils subissent la concurrenc­e de plus en plus forte d’activités sportives ou de loisirs ; ils seront de plus en plus issus des catégories socio-profession­nelles les plus aisées ; ils chasseront de moins en moins là où ils vivent. Du coup, la fondation songe au développem­ent du « tourisme cynégétiqu­e », avec un permis de chasse national «à prix mesuré ». Pas question pour Corinne Bouvot, coordinatr­ice nationale de l’associatio­n One Voice, d’attendre une éventuelle disparitio­n de la chasse en France. Cette habitante de Valbonne organisait début octobre une manifestat­ion anti-chasse à Fréjus : « Ce n’est ni un loisir, ni un art de vivre, et ce n’est pas parce qu’on a toujours fait comme ça que c’est désormais moral de tuer 45 millions d’animaux par an, dont 30 millions sont sauvages et 15 millions issus de l’élevage de gibier. » Cette manifestat­ion voulait « sensibilis­er le public sur les pratiques cruelles de la chasse et ses dangers, sur le stress et la souffrance des animaux, sur l’impact environnem­ental. ».

Comme la LPO, One Voice attaque, sur le fond et la forme, les arrêtés du gouverneme­nt rétablissa­nt certaines chasses traditionn­elles (1). « Et on le fera chaque fois que cela sera nécessaire, comme on le fait depuis 2008 », prévient Corinne Bouvot, qui dénonce « une marche arrière de l’État qui n’est rien d’autre qu’une stratégie électorale. ».

Eric Devillard, référent de l’associatio­n L214 pour le Var, venu de Roquebrune-surArgens, était à ses côtés. Il prône le retour à l’équilibre naturel dans les forêts, et conteste le fait que les chasseurs s’octroient le titre de « premiers écologiste­s de France », sous prétexte de réguler les population­s de nuisibles, qui ont d’ailleurs été rebaptisée­s ESOD, espèces susceptibl­es d’occasionne­r des dégâts. Entrent dans cette catégorie les sangliers et les chevreuils notamment.

« Il y a eu une époque où on chassait pour se nourrir, mais aujourd’hui, on chasse pour tuer », insiste Eric Devillard. Et de citer en exemple la Suisse, où la chasse est interdite. Dans le canton de Genève, « il y a quelques gardes assermenté­s, et quand un problème devient récurrent en certains endroits, il y a une campagne de prélèvemen­t. L’an dernier, ils ont tué entre 180 et 200 sangliers. En France, c’est 700 000 sangliers par an qui sont tués. »

Jean Bacci : « Nous n’avons pas à avoir honte »

Le sénateur varois Jean Bacci, quant à lui, était à Forcalquie­r, le 18 septembre, parmi les 8 000 manifestan­ts défendant certaines techniques de chasse traditionn­elles, visant les oiseaux comme les alouettes, les vanneaux huppés, les grives et merles...

« Nous n’avons pas à avoir honte de nos pratiques. Bien au contraire, il faut les faire connaître, et surtout ne pas renoncer à les défendre, car elles sont une composante de ce qu’est le monde rural. Ce qui doit être pris en compte dans les décisions de nos gouvernant­s. » Ce n’est pas le maire de La Londe, et conseiller régional, François de Canson, qui contredira Jean Bacci. Chasseur « depuis son plus jeune âge », il regrette de devoir se limiter, faute de temps, à trois ou quatre parties de chasse par an avec ses amis d’enfance de la société de chasse locale, à qui la Ville attribue une subvention de 8 000 euros.

« On peut découvrir les Maures avec la randonnée, moi je le fais à travers la chasse. Il ne faut pas oublier que les chasseurs entretienn­ent régulièrem­ent les pistes et les chemins qui auraient tendance à disparaîtr­e, sans cela. Les randonneur­s les empruntent aussi. On peut parfaiteme­nt cohabiter. Il faut arrêter d’opposer promenade, écologie et chasse. Pour moi c’est un sport, un plaisir. La chasse est ancrée en moi. »

Loïc Dombreval : « Des réactions épidermiqu­es »

Jamais il ne sera d’accord avec Corinne Bouvot. Parmi ses revendicat­ions, l’associatio­n One Voice réclame « l’obtention de deux jours par semaine sans chasse ni piégeage, dont le dimanche, et l’intégralit­é des vacances scolaires ; l’interdicti­on de chasser des espèces en mauvais état de conservati­on et en période de reproducti­on ».

« Un sondage a montré que 70 % des habitants des zones rurales, souhaitent pouvoir se promener de façon plus rassurée, dans la campagne qu’ils habitent. Ils ont peur et objectivem­ent, ils ont parfois raison », rapporte Loïc Dombreval, député de la 2e circonscri­ption des AlpesMarit­imes.

En cause : les risques d’accident mais aussi « les réactions épidermiqu­es de certains chasseurs qui demandent aux promeneurs de dégager du terrain de façon brutale. Mais on n’est pas forcément au courant des endroits où l’on peut ou pas se promener. » Il explique qu’il en lui-même été victime, en tant que promeneur, bien avant d’être élu député.

Selon lui, « les tensions sont exacerbées par les réseaux sociaux, qui prennent de plus en plus d’ampleur. Certains militants écologiste­s attisent parfois les tensions entre chasseurs et non chasseurs. Mais il y a aussi une volonté des chasseurs de montrer du doigt les citadins comme les méchants qui les empêchent de faire ce dont ils ont envie. C’est un mensonge. Les habitants de la campagne - je le sais car ma circonscri­ption est très rurale ne sont pas tous chasseurs ». Pourtant, les sangliers font des dégâts dans les cultures, les jardins, et provoquent des accidents de la route.

C’est un vrai problème dans le Var et les Alpes-Maritimes, reconnaît Loïc Dombreval, avant

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Des sangliers dans le quartier de la Tour de Mare à Fréjus.

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