Nice-Matin (Menton)

Saint-Martin-Vésubie : logements rayés d’un coup

Un an après Alex, l’immeuble l’Écureuil, sain mais situé dans le lit du Boréon, a été condamné par l’État, qui souhaite le démolir au plus vite. Débute, alors, le processus du fonds Barnier.

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La sentence est tombée le 8 septembre, et elle amène autant de questions que de réponses. Un an après la tempête Alex, l’immeuble l’Écureuil, à Saint-Martin-Vésubie, a été officielle­ment et définitive­ment déclaré inhabitabl­e. Coup dur pour les 26 copropriét­aires, (quasiment tous des résidents secondaire­s) : ils ont longtemps cru pouvoir réinvestir leur bâtiment, situé dans le lit du Boréon, mais qui a été protégé des flots. C’est le pont de Venanson, auquel il est adossé, qui a tout pris. Non, il n’y aura pas de digue pour le protéger. Le besoin de reconstrui­re le pont, en plus large, a achevé la décision [lire cidessous]. Coup dur aussi pour la mairie, déjà en déficit de foncier et de bâti pour les sinistrés, de voir 26 logements rayés de la carte d’un seul et même coup.

Il va falloir convaincre tous les copropriét­aires

Par son ampleur, l’Écureuil est un dossier emblématiq­ue du fonds Barnier, mécanisme d’État permettant d’indemniser les biens immobilier­s condamnés à la suite de catastroph­es naturelles.

Déclaré inhabitabl­e, l’immeuble et ses copropriét­aires y sont officielle­ment éligibles. Mais les propriétai­res sont perdus. En colère, déjà, de voir l’immeuble condamné, alors qu’il est encore sain. « L’immeuble a tenu le coup, s’accroche Angèle Brunet, une Niçoise de 68 ans, qui y avait un appartemen­t familial. On pourrait y retourner, mais ce n’est pas possible. Ils devaient procédure à l’amiable : il s’agit d’une « délocalisa­tion » et non pas d’expropriat­ion. Et il faut l’unanimité des 26 copropriét­aires, sinon le processus sera bloqué. En septembre, les autorités publiques ont notamment organisé deux réunions pour convaincre tout le monde que c’est la meilleure des solutions. Mais le message ne passe pas facilement. Y a-t-il encore espoir ? Combien seront-ils indemnisés ? Comment déménager, alors que l’immeuble est condamné, et n’a plus d’accès ? Où pourront-ils reconstrui­re ? Embourbés dans les questions et les doutes, les propriétai­res n’arrivent pas à y voir clair.

« L’administra­tion, c’est la nébuleuse »

« Je comprends qu’on ne soit pas les seuls et les plus à plaindre, mais on a l’impression d’être considérés comme du menu fretin , résume la Mentonnais­e Patricia Favier, qui venait d’acheter un appartemen­t et a lancé le collectif de défense de l’Écureuil. Depuis un an, on a le sentiment d’être écartés de toute décision et de toute informatio­n. Dès qu’on se frotte à l’administra­tion, c’est la nébuleuse. Aujourd’hui, on sait que l’immeuble va être démoli, mais nous n’avons encore aucun document officiel. »

Difficile contexte pour faire le deuil d’un patrimoine debout, mais condamné. Souvent plein de souvenirs et de projets de vie. « Les parents de mon mari ont travaillé dur pour l’acheter, souligne Angèle Brunet. On était bien. On était au bord de la rivière, les petits-enfants venaient pour les vacances, on voulait y passer notre retraite. »

D’autant que les terrains et les logements manquent cruellemen­t à Saint-MartinVésu­bie, même si le maire dit avoir de quoi se projeter. Pas sûr que le destin de ces gens s'écrive au village. «Je pensais qu’ils allaient reconstrui­re des appartemen­ts équivalent­s et nous y loger, regrette Patricia. Ça aurait été bien. Mais bon… »

ANTOINE LOUCHEZ alouchez@nicematin.fr

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L’Écureuil, dans le lit du Boréon, a été préservé des flots grâce au pont de Venanson.

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