Procès Pastor : comment la PJ a coincé Janowski
La parole était aux enquêteurs, hier, au procès en appel des assassins de la milliardaire La police judiciaire a retracé l’enquête « hors norme » qui a permis de démasquer « un illusionniste ».
Dans un dernier souffle, elle m’a dit : “J’ai peur. Je souhaite vous revoir, car j’ai des choses à dire...” ». Face à la cour d’assises, le commandant Catherine Messineo raconte son délicat entretien avec Hélène Pastor à l’hôpital. Les deux femmes devaient se revoir. L’enquêtrice de la police judiciaire espérait en savoir plus. Découvrir la clé de l’énigme, peutêtre. « Malheureusement, je ne l’ai revue que sur son lit de mort... » Hélène Pastor, 77 ans, a succombé à ses terribles blessures le 21 mai 2014. Quinze jours après les deux coups de fusil à plombs tirés devant l’hôpital l’Archet 2, à Nice. Le second a atteint son chauffeur Mohamed Darwich, 64 ans. La milliardaire monégasque et son majordome égyptien ont été victimes d’un double assassinat planifié avec un cynisme froid. Depuis lundi, cette affaire retentissante est jugée en appel, pendant un mois. Le fruit d’une « enquête hors norme époustouflante », insiste Catherine Messineo.
« L’appât du gain »
Au deuxième jour d’audience à Aix-en-Provence, la parole est aux enquêteurs. à commencer par le commissaire divisionnaire Philippe Frizon, qui a résolu l’affaire à la tête de la PJ de Nice [lire cidessous]. « Vous étiez le patron, le « boss », comme on dit à Marseille », le flatte Me Jean-Jacques Campana... pour mieux égratigner l’enquête ensuite. Mission ardue. Son client, Wojciech Janowski, (Photo Franck Fernandes) nie ce double crime qu’il aurait commandité, et qui lui a valu perpétuité.
Pour remonter jusqu’à lui, il aura fallu « le professionnalisme et la célérité » de la PJ de Nice. «Un peu de chance », aussi, admet Philippe Frizon. Les tueurs ont accumulé les erreur [voir ci-dessous], semant des indices façon Petit Poucet. Encore fallait-il savoir les trouver, et les exploiter. Résultat : l’ensemble du funeste casting a été identifié, « des exécutants au commanditaire, en passant par les intermédiaires ». Leur point commun ? « L’appât du gain. Tout le monde est motivé par l’argent. » Durant sept semaines, l’antenne niçoise de la PJ, épaulée par celle de Marseille, a déployé la panoplie complète du flic enquêteur. L’audition de témoins. Les filatures. Le visionnage des images de vidéosurveillance. La téléphonie. « Nous avons analysé plus de cinq millions de lignes d’appels », rappelle l’enquêteur Bruno Lamade. Sans oublier l’exploration des arcanes financières ou les commissions rogatoires à l’étranger. Ni la dose de réussite qui sourit aux audacieux.
« Elle a découvert un autre homme »
Voilà ce qui a conduit cinq accusés à ce nouveau procès. Il y a là trois petits délinquants marseillais : Samine Said Ahmed (le tireur présumé), Al Hair Hamadi (le guetteur assumé), et Omer Lohoré, l’intermédiaire qui se défend d’avoir su le but de l’opération, le seul à comparaître libre.
Pascal Dauriac, le logisticien repentant, coach sportif du couple Sylvia Ratkowski Pastor Wojciech Janowski. Et ce dernier, bien sûr.
« M. Janowski est un illusionniste. Il essaie de se faire paraître plus beau qu’il n’est », constate l’enquêteur Christian Corbière. Sylvia l’a compris trop tard. Elle s’est dite « anéantie » ,lejouroùlapolice lui a appris que son compagnon était passé aux aveux. «Son monde s’est écroulé. Elle a découvert un autre homme. Elle n’avait pas vu son cynisme et son machiavélisme », assène le commandant Messineo.
La défense tente quelques offensives. Elle se heurte à une enquête béton. Au récit de Philippe Frizon, ultra précis, sans note, « un exposé exceptionnel », dixit l’avocat général Pierre Cortes. Et aux réparties sniper d’une Catherine Messineo maître de son sujet. Pour elle, « on peut être ferme et humaine ». Voilà pourquoi elle a accordé à Sylvia un tête-à-tête avec son compagnon, à la caserne Auvare. Un confessionnal douloureux, après vingthuit années de vie commune : « Comment tu as pu faire ça ? Comment tu as pu faire tuer ma mère ? »
COMPTE RENDU D’AUDIENCE CHRISTOPHE CIRONE
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