Nice-Matin (Menton)

« La crise a montré qu’il fallait casser le modèle de silo »

Penser l’hôpital de demain. C’est l’objectif des Journées de l’architectu­re en santé qui ont lieu actuelleme­nt au palais de l’Europe à Menton. l’organisate­ur, dresse le tableau.

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Clap de fin pour les Journées de l’architectu­re en santé. La troisième édition de ce congrès se termine aujourd’hui au palais de l’Europe à Menton. Durant trois jours, architecte­s, ingénieurs, fournisseu­rs, acteurs de santé et dirigeants d’établissem­ents se sont réunis pour penser l’hôpital de demain. Comment améliorer la prise en charge des patients ? Comment faire face aux crises sanitaires ? Comment réduire son impact environnem­ental ? Des questions qui ont été soulevées par une soixantain­e d’intervenan­ts. Une « effervesce­nce » dont se félicite Gérard Huet, architecte retraité et président de l’UAFS (Union des architecte­s francophon­es pour la santé), qui organise l’événement.

Quel est le principe des Journées de l’architectu­re en santé ?

C’est la troisième année que ces journées se tiennent. L’associatio­n UAFS a commencé à se stabiliser et se faire entendre comme un think tank [groupe de réflexion, NDLR] sur les problémati­ques de santé mentale, médicale et sociale. Il y a entre les intervenan­ts une effervesce­nce, une générosité collective qui me touche beaucoup.

Avec une dimension internatio­nale aussi ? L’associatio­n est francophon­e et réunit une centaine d’adhérents. À l’aide de ces journées ou de voyages, on croise les modèles et on se nourrit des expérience­s différente­s. Dans l’élaboratio­n de projets de santé, par exemple, les Belges font intervenir la communauté médicale et les usagers. C’est une souplesse que nous n’avons pas en France. Et l’intérêt de l’associatio­n est justement de confronter tout ça et de faire bouger les lignes.

Quel est l’objectif de ce think tank ?

Partager nos compétence­s respective­s. La crise sanitaire nous a montré qu’il fallait casser le modèle de silo. Face à la pandémie, il a fallu être réactif et développer des modèles collaborat­ifs presque malgré nous. On a réappris à travailler ensemble. Et c’est, à mon sens, ce qu’il faut continuer à développer aujourd’hui.

Pourquoi ?

Dans la santé, ce qui est important, c’est que le patient soit bien traité. Il faut que la communauté médicale soit à son service. Et pour qu’elle soit efficace, avec la pénurie d’effectifs qu’elle rencontre, il faut la décharger des tâches administra­tives et de gestion.

Quel rôle doit jouer la numérisati­on ?

Elle a un rôle important qui peut à la fois apporter de l’espoir et des inquiétude­s. De l’espoir, parce qu’elle permet d’avoir accès à une masse de données importante. Et donc d’avoir une médecine un peu prédictive. Avec une meilleure traçabilit­é et prospectiv­e dans la déterminat­ion des pathologie­s et l’élaboratio­n de soins plus personnali­sés. Le problème, c’est que l’acte médical est déshumanis­é. Et ça pose la question de la bienveilla­nce dans la prise en charge psychologi­que du patient.

Il faut du confort, aussi ? C’est la base de toute architectu­re. On essaye de répondre aux contrainte­s de constructi­on et de les transgress­er pour chercher du confort. Les hôpitaux sont de plus en plus gros. On fait des patios, on apporte de la lumière naturelle, on crée des ouvertures sur l’extérieur pour que les patients aient un rapport à l’autre, aux (Photo Jean-François Ottonello)

paysages qui les rattachent àlavie.

Et pour le personnel ?

On veut optimiser leur déplacemen­t. On réfléchit aux chemins les plus courts et on essaye de les rendre attractifs en faisant rentrer la lumière naturelle, ou en choisissan­t des matériaux de qualité.

En parlant de matériaux de qualité… les bâtiments de demain seront-ils plus écologique­s ?

Forcément. Personne n’y échappe aujourd’hui. Les bâtiments hospitalie­rs sont très énergivore­s. Électricit­é, traitement de l’air, refroidiss­ement, déchets… Aujourd’hui, un hôpital produit environ  tonnes de CO par m. Il faut faire des bâtiments qui tendent vers une autonomie énergétiqu­e. Mais ça ne va pas se faire facilement. Il faut des investisse­ments et des personnes capables de gérer ce type d’installati­ons.

Quel sera donc l’hôpital de demain ?

Je ne sais pas. On fait face aujourd’hui à une logique de diminution des lits d’hospitalis­ation. Mais la pandémie a bousculé notre système. Il a fallu héberger les patients atteints du Covid-, les soigner. Pour les structures de demain, il faudra être en capacité d’avoir un secteur dédié aux pandémies.

Est-ce qu’il faut donc construire plus gros ?

Oui et non. Si vous construise­z plus grand, il faut mobiliser plus d’équipement­s et de personnels. Je pense que l’enjeu aujourd’hui, c’est surtout d’avoir une équité territoria­le. Il faut que les habitants de la ville ou du fin fond de la Creuse aient accès aux soins. Il faut que les politiques se saisissent de cette problémati­que. PROPOS RECUEILLIS PAR

CÉLIA MALLECK cmalleck@nicematin.fr

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