Nice-Matin (Menton)

L’avocat qui recueillai­t les confidence­s des détenus

Pour le compte du comité anti-torture du Conseil de l’Europe, le Monégasque Régis Bergonzi a visité pendant 12 ans de nombreux lieux de détention pour enquêter sur les cas de maltraitan­ce.

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En Principaut­é, on le connaît davantage pour porter la robe d’avocat et défendre les justiciabl­es. Il veille, aussi, activement sur les intérêts de la profession en tant que bâtonnier de l’Ordre. Mais, ces douze dernières années, Régis Bergonzi a revêtu une troisième casquette, plus méconnue : celle d’expert indépendan­t au CPT, un organe du Conseil de l’Europe.

Trois lettres pour désigner le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitement­s inhumains ou dégradants.

Travail d’enquête

Depuis 2009, donc, le représenta­nt monégasque a sillonné « l’Europe des 47 » en quête de dysfonctio­nnements, contraires à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme (lire ci-contre). Dans des lieux improbable­s, à des années-lumière de sa vie et du microcosme monégasque. En Belgique, en Italie, en France mais aussi en Moldavie, Roumanie et, récemment, la Russie de Poutine.

« Une à deux fois par an, je visitais des prisons, des commissari­ats de police, des centres de rétention pour étrangers, des établissem­ents psychiatri­ques, des zones aéroportua­ires, des lieux pour hommes, mineurs, femmes, transsexue­ls », liste-t-il. La moitié du temps, sa délégation débarquait à l’improviste. Un effet de surprise destiné à éviter les dissimulat­ions des administra­tions visitées. Avec une lettre d’accréditat­ion des ministres locaux en main, gage de liberté d’action, Régis Bergonzi avait carte blanche.

À l’instar d’un enquêteur, il déroulait le fil de la bobine. « On creuse pour trouver les traces de mauvais traitement­s. On choisit qui on veut entendre, les parties du site que l’on souhaite visiter, les registres et documents que l’on veut consulter. Je me rendais souvent dans les quartiers disciplina­ires et d’isolement, là où se trouvaient potentiell­ement les ‘‘meilleurs candidats’’ pour être maltraités », confie-t-il.

Des entretiens confidenti­els, à l’abri des oreilles indiscrète­s de surveillan­ts ou prisonnier­s à la botte de l’administra­tion pénitentia­ire. Des tête-à-tête qui pourraient en rebuter plus d’un. Régis Bergonzi n’a jamais été menacé physiqueme­nt. «Nos interlocut­eurs savent qu’on est là pour améliorer leurs conditions de détention. C’est là notre meilleure protection ».

Il y a bien eu des intimidati­ons dissimulée­s. « Pour nous dissuader, les gardes nous répétaient souvent qu’il était très risqué de s’entretenir avec tel ou tel individu… que nous nous empression­s alors d’interroger », sourit-il.

Des exemples parlants

Ses diverses missions l’amèneront à dénoncer, dans un rapport rendu public, le sort des internés psychiatri­ques en Belgique, laissés pour compte, sans soins dignes de ce nom. « Ce sont les plus vulnérable­s. S’ils se plaignent, on aura tôt fait de considérer qu’ils perdent la tête. Dans un arrêt de condamnati­on, la Cour européenne des droits de l’Homme a cité notre rapport », se félicite-t-il. Il découvrira, aussi, une vidéo de gardiens se défoulant sur un détenu.

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La dernière inspection de Régis Bergonzi aura duré seize jours en Russie.(Photo

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