Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
« Lapolitique est d’abord une aventurehumaine »
Conseiller en communication de François Hollande, Gaspard Gantzer livre, dans La politique est un sport de combat, sa version des faits. Il sera à la Fête du livre du Var à Toulon dès demain
Pour GaspardGantzer, « servir son pays, c’est le plus grand honneur que l’on puisse faire à quelqu’un ». Alors quand François Hollande lui propose de devenir son conseiller
en communication, « je n’ai pas eu à réfléchir, je ne voulais pasm’y déro
ber ». Gaspard Gantzer devient alors un observateur des arcanes du pouvoir, où il voit aussi évoluer son ancien camarade de promo, Emmanuel Macron. De ses trois années au service du chef de l’État, il livre à partir de ses notes, un récit intime sur les difficultés d’un président incompris des Français et des siens, et la percée politique tout aussi rapide que charismatique, de son ancien camarade de promo. Gaspard Gantzer sera demain et dimanche, à la Fête du livre de Toulon et du Var.
Avez-vous rédigé cet ouvrage pour réhabiliter un président incompris?
Je l’ai d’abord fait pour donner un témoignage d’ensemble sur ce qui s’est passé durant le quinquennat, et parce que l’action de François Hollande n’a pas toujours été perçue à sa juste valeur. Quand il a décidé de ne pas être candidat à sa succession, je me suis dit qu’il fallait peut- être que je témoigne de cette histoire assez folle que nous avions vécue, que je donne ma version.
En quoi est-ce une histoire «assez folle» ?
D’abord parce qu’elle est dramatique: nous avons connu les attentats durant ce quinquennat, et notamment le Bataclan et Nice, les plusmeurtriers. Tous cesmoments restent profondément marqués dans notremémoire. Ensuite, lemandat de Hollande a été celui d’un chambardement politique sans précédent que nul n’avait pu imaginer avant. De ma place, je pouvais le sentir, l’observer. Je trouvais intéressant de le raconteràma façon.
Votre livre est aussi un parallèle entre deux parcours politiques pendant trois ans : ceux de François Hollande et d’Emmanuel Macron.
Dès le départ, j’étais dans une position singulière entre les deux. François Hollande, le président de la République, était mon supérieur hiérarchique ; je lui devais toutema loyauté. Et en même temps, j’avais une relation d’amitié ancienne avec Emmanuel Macron. J’ai pu observer son parcours, la complicité – parfois la rivalité – des deux hommes. Mais j’ai surtout choisi de raconter une histoire d’hommes et de femmes plutôt que de faire le récit d’une histoire de la communication et ses bouleversements. Je voulais montrer combien la politique est d’abord une aventure humaine.
Une aventure humaine faite de coups bas, de trahisons. Dès juin , vous sentez que « tout sera fait pour que François Hollande ne se représente pas ».
Chaque jour, il y avait un peu plus d’émancipation dans les rangs de la gauche, de tentations individualistes. Il y avait les frondeurs certes, mais aussi Mélenchon et ce qui allait devenir la France insoumise, Emmanuel Macron, même Manuel Valls. Je me disais que les gens allaient se ressaisir parce qu’il était trop important de poursuivre l’aventure que nous avions commencée ensemble. Malheureusement, ce ne fut plus le cas.
Que retiendra-t-on du mandat de François Hollande?
On retiendra d’abord sa réaction face aux attentats, l’accord de Paris sur le climat bien sûr, lemariage pour tous aussi parce qu’il a tenu bon sur le sujet. J’aimerais aussi qu’on retienne ce qu’il a fait pour l’éducation car il a rétabli un enseignement primaire de qualité.
Il a quandmême joué de malchance ce président non? Le crash de la Germanwings dans les Alpes qui vient courtcircuiter « le droit à l’oubli » () pour les malades du cancer par exemple…
C’est un bon exemple en effet. Personne ne se souvient de cette annonce parce qu’un avion a foncé dans la montagne le jour J.
Le parcours d’Emmanuel Macron vous surprend-il?
Je savais qu’il avait de l’audace et du talent, mais qu’il deviendrait président de la République, je n’en étais pas persuadé. Je dois l’avouer. Je sais qu’il faut une telle collection de circonstances pour y arriver, que le talent ne suffit pas.
Regrettez-vous de ne pas être allé aux législatives sous l’étiquette LREM?
Je regrette d’avoir hésité heures avant de dire non. Ce n’était ni le bon moment ni le bon endroit. Si un jour, je dois faire de la politique, ce sera dans un territoire où j’ai des attaches.
Vous sentez-vous comptable de l’échec de François Hollande?
J’ai en effet une part de responsabilité parce que j’étais en charge de sa communication. Si j’avais fait parfaitement mon travail, François Hollande aurait pu être candidat, et réélu président de la République. J’aurais dû aller plus loin sur le numérique et le digital… Alors que je me suis parfois restreint. Je pense aussi que, dans les moments de crise politique que l’on a vécue à l’automne , nous aurions dû être plus combatifs.
François Hollande a-t-il lu votre livre?
Je lui ai donné juste avant sa publication et je crois qu’il ne l’a pas encore terminé. Les hasards de la vie ont fait que l’on s’est croisé dernièrement à Lisbonne, et il était amical et sympathique comme d’habitude, et il m’a dit que dans l’ensemble, tout cela lui allait bien.
Envisageriez-vous d’occuper à nouveau de telles fonctions?
Non. Je ne serai plus jamais conseiller d’un homme politique.