Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
CRISE AU BLOC OPÉRATOIRE DE L’HÔPITAL
Au CHU de Nice, une octogénaire, souffrant d’une fracture, a attendu trois jours avant d’être opérée... en vain, faute d’anesthésistes pas assez nombeux pour assurer toutes les interventions.
Le CHU de Nice a-t-il encore les moyens d’assurer toutes les opérations ? Hospitalisée dans la nuit de lundi à Pasteur 2 pour une fracture du col du fémur, Huguette Brossard, 90 ans, a attendu trois jours d’être opérée… en vain. « Mercredi matin, l’équipe médicale de Pasteur 2 m’a annoncé qu’ils la descendaient au bloc. À 13 heures, quand je suis passée la voir, elle était toujours dans sa chambre, elle n’avait pas bougé d’un pouce !, s’insurge sa fille, Murielle. Ils m’ont expliqué qu’ils ne pouvaient pas opérer car ils n’avaient pas d’anesthésiste disponible et qu’ils n’avaient pas de solution avant lundi ! » L’octogénaire a finalement été transférée dans une clinique, hier soir, pour y subir l’intervention nécessaire.
« La sécurité des patients est en jeu »
« C’est moi qui ai pris la décision d’annuler toutes les interventions de l’institut chirurgical locomoteur et du sport [le service qui devait opérer Hugette Brossard] jeudi et vendredi. J’ai donné pour consigne que les patients qui présentent une fracture aillent dans le privé, assume le Pr Christophe Trojani. En mon nom et en celui du Pr Boileau avec lequel je codirige ce service, je présente nos excuses aux patients mais c’est leur sécurité qui est en jeu. » Le problème ? Une pénurie d’anesthésistes mais aussi d’infirmières de blocs opératoires et de personnel dans tous les services au CHU de Nice. Un problème que les médecins dénoncent depuis des mois. « J’ai alerté personnellement le directeur général du CHU, Charles Guepratte, le 28 mars. Il ne m’a pas répondu », étaye le Pr Trojani, copie du courrier à l’appui. Le 18 juin, le chirurgien a tiré la sonnette d’alarme devant la commission médicale d’établissement. « L’heure est grave », avait-il alors averti au nom du collectif des chirurgiens de l’hôpital Pasteur 2. Il avait longuement souligné « les dysfonctionnements permanents du bloc opératoire, des dysfonctionnements maintes fois signalés sans aucune mesure corrective ni aucune réponse. » Et s’était inquiété «du burn-out généralisé qui règne, aussi bien au bloc opératoire qu’à la stérilisation ou dans les services, du fait d’un sous-effectif notoire qui nous fait craindre le pire : soit un problème grave avec un patient, soit un passage à l’acte d’un personnel non médical ou médical. » Le 23 juillet, quarante-cinq médecins écrivaient au patron du CHU : « Le déficit en médecins anesthésistes réanimateurs est maintenant si important qu’il ne sera plus possible d’assurer la totalité des différentes activités ainsi que la permanence des soins et ceci dès le mois de septembre. Tous les secteurs anesthésiques et de réanimation seront impactés : la chirurgie thoraco-vasculaire, la réanimation chirurgicale de l’Archet 2, la SRUV, la chirurgie de l’IULS,
la chirurgie de l’Archet 2, la radiologie interventionnelle, etc. » Le 24 juillet, les internes montaient au créneau à leur tour, inquiets « pour leur formation universitaire ». Inquiets aussi que certains services ne survivent que grâce à eux.
Démission du chef de pôle anesthésie
Lundi enfin, le chef du pôle anesthésie, Marc Raucoules, annonçait sa démission de cette responsabilité. Ce médecin a refusé de répondre à nos interrogations. Son départ, cependant, montre bien l’importance de la crise. Sous couvert d’anonymat, un médecin anesthésiste atteste de conditions de travail « très dures », des soignants « épuisés », une direction « qui n’entend rien » et un hôpital « au bord du gouffre et pas attractif ». « Nous ne savons pas comment faire tourner le tableau de garde à partir du 1er octobre. On est dans le mur, on ne peut plus fonctionner », déplore ce docteur. Si, pour l’instant, seules les opérations programmées sont annulées, les urgences peuvent-elles être touchées ? « Il est possible que prochainement la continuité des soins ne soit plus assurée ,répond le Pr Trojani. La situation est critique. Nous avons des solutions, nous les avons présentées à la direction du CHU, il faut que le directeur général nous écoute. »