Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Un jumeau digital pour simuler les effets d’un médicament
Ingénieur physicien et pharmacien, Frédéric Dayan a créé l’appli ExactCure qui modélise le devenir des médicaments chez une personne
La médication inadaptée : un véritable fléau de santé publique, qu’a choisi de combattre Frédéric Dayan, avec son jumeau digital, ExactCure
(1). Chaque année, 13 000 à 20000 décès seraient imputables à des erreurs de médication : mauvais dosage, incompatibilité… Des milliers d’autres personnes voient leur qualité de vie sévèrement détériorée. Ce constat dressé, à qui la
faute ? « Pour les professionnels de santé, il est très difficile d’intégrer la complexité, le caractère unique de chaque individu, nuance Frédéric Dayan. On ne peut pour chaque médicament prescrit, tenir compte des spécificités du patient. Côté usagers, beaucoup ne prennent pas leur médicament comme il faut; certains en prennent trop, c’est souvent le cas des patients douloureux chroniques. D’autres pas assez ; on peut citer l’exemple des patients sous antihypertenseurs.» D’où l’idée aussi simple
qu’ingénieuse de ce scientifique: créer un «jumeau virtuel» capable de reproduire l’administration des médicaments chez un
patient. «Il s’agit d’un outil utilisé au quotidien permettant de suivre minute après minute, le devenir du médicament, à quel moment il va être le plus actif et quand il sera éliminé. L’appli est ainsi capable de « dire » : attention, il est 10 h 15, votre «tramadol » (médicament antidouleur aux effets secondaires dangereux, Ndlr) va atteindre dans 15 minutes une concentration qui ne sera plus efficace, vous devez reprendre un comprimé dans 30 minutes. Elle peut aussi signaler un surdosage. Vous avez trop pris de médicament, dans 45 minutes, vous serez en surdose. Prévenez rapidement votre pharmacien et votre médecin. »
Les interactions évaluées
Pas de magie: pour fonctionner, cet outil personnalisé – intégrant des algorithmes très puissants – doit «être informé» de nombreux paramètres propres au patient: son poids (il est déterminant pour la posologie), le sexe (hommes et femmes ont des métabolismes différents), l’âge, les pathologies, et bien sûr, les autres traitements en cours. «L’appli va évaluer les interactions entre les différentes molécules absorbées et
adapter les prises.» Si on prend deux médicaments, mais qu’ils n’interagissent pas, les effets et la cinétique d’action de chacun d’entre eux ne sont pas modifiés. «Par contre, si le 2e médicament (B) interagit avec le 1er (A), (exemple d’un antiépileptique et d’un antidouleur), le jumeau digital va corriger la cinétique de chacun et indiquer par exemple: à telle heure, A n’est plus efficace.» Si les informations citées plus haut (poids, âge, etc.) suffisent généralement à évaluer le devenir des médicaments chez chaque individu, d’autres paramètres peuvent également
avoir une influence: le tabagisme, la pratique de
sport… «Il ne s’agit pas de poser des milliers de questions, tempère Dayan. On avance au cas par cas, par question successive…»
Pharmacogénétique
Au-delà de cet outil grand public, au stade de prototype (ExactCure est à la recherche d’investisseurs pour son développement), la jeune société investit des champs plus pointus, comme celui de la pharmacogénétique (influence des gènes dans la réponse à un traitement médicamenteux). « On a un projet en cancérologie, évoque Frédéric Dayan. En intégrant les données génétiques du patient, on pourrait optimiser les traitements.» Au bout du compte, toujours le même objectif: sécuriser la prise médicamenteuse.
(1) La jeune société ExactCure est située au 27 Delvalle à Nice. PUBLICITÉ