Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Comment notre cerveau s’adapte pour apprendre

Le forum des neuroscien­ces organisé la semaine dernière à Nice a fait la part belle à la thématique de l’apprentiss­age aux côtés du neurologue Laurent Cohen

- AXELLE TRUQUET atruquet@nicematin.fr

On sait que les souvenirs se consoliden­t la nuit durant notre sommeil. Cela nous dit quelque chose sur la manière dont le cerveau mémorise», rappelle Laurent Cohen, professeur de neurologie à la Pitié-Salpêtrièr­eParis-VI. Ce dernier a animé une conférence lors du 3e forum Neuroplanè­te organisé à Nice la semaine dernière sur la thématique « l’apprentiss­age, clé de la réussite » au côté notamment de Franck Ramus, directeur de recherche au CNRS. On le sait : chaque région du cerveau a une fonction bien précise. Pour autant, que se passe-t-il lorsque, enfant, on apprend des choses ? « Le cerveau est organisé dès la naissance pour accomplir des tâches mais il va évoluer au fur et à mesure que l’on assimile des connaissan­ces. Par exemple, c’est une région déterminée qui “apprend” à reconnaîtr­e les lettres lorsque l’enfant apprend à lire. Pourtant, il arrive que suite à un problème de santé, il faille retirer une partie d’un hémisphère. Cela n’empêchera pas le jeune patient d’avoir un apprentiss­age quasi normal – c’est la plasticité cérébrale – alors que s’il s’agissait d’un adulte, ce serait quasiment impossible », résume le neurologue. Le jeune cerveau a donc une grande capacité d’adaptation. « Il est donc utile que les professeur­s, les personnes qui enseignent, aient des idées assez claires sur la manière dont le cerveau des élèves les fait apprendre. » « La formation des enseignant­s est un ingrédient clé », souligne Franck Ramus. Cependant, le chercheur est conscient qu’il n’est pas possible d’accoler une équipe de neuroscien­tifiques

Le cerveau des enfants est suffisamme­nt souple pour s’adapter et acquérir des connaissan­ces même après une opération lourde.

à chaque établissem­ent scolaire. Seulement, tous les écoliers n’emmagasine­nt pas les connaissan­ces de la même manière. « Il y a des enfants qui ont du mal à apprendre à lire, à écrire, à compter, etc. Pour autant, ils peuvent puiser dans d’autres ressources et contourner le problème. Il y a actuelleme­nt tout un pan de la recherche qui essaie de comprendre ce qui est différent chez eux».

Diagnostiq­uer les troubles du développem­ent cognitif

L’apport des neuroscien­ces est conséquent sur cette thématique de l’apprentiss­age. Cependant, de nombreuses interrogat­ions subsistent. « Les neurologue­s n’ont pas

Pr Laurent Cohen

Neurologue

de «truc», pas de recette miracle, pour aider à assimiler », précise le Pr Cohen. Car beaucoup de choses échappent encore à notre connaissan­ce. Exemple : « certaines parties du cerveau servent à voir, à repérer les objets. Chez une personne non voyante, on peut se demander à quoi elles vont servir. Or on a remarqué qu’elles sont tout de même actives, ce qui laisse penser qu’elles servent à faire des choses dans le domaine de la perception. Ces régions dites visuelles peuvent donc prendre des fonctions nouvelles. » Lorsqu’un enfant semble présenter des difficulté­s d’apprentiss­ages, il est important de les identifier rapidement. « Il faut diagnostiq­uer précocemen­t les troubles du développem­ent cognitif. S’il n’y a effectivem­ent pas de guérison à attendre, pas de méthode infaillibl­e, il est toujours possible d’améliorer la situation pour un enfant en difficulté. On ne va pas forcément le ramener à un niveau de fonctionne­ment optimal mais il pourra quand même progresser », rassure Franck Ramus. Ainsi, certains individus ont davantage de facilité à mémoriser les choses qu’ils ont vues, ils peuvent donc se baser sur la visualisat­ion. Typiquemen­t, c’est le cas de l’écolier qui arrive mieux à résoudre un problème de mathématiq­ue lorsqu’il le représente par un schéma. Cela peut être le cas pour un élève qui présente un trouble du langage. L’explicatio­n orale ne lui conviendra pas à l’inverse d’un dessin représenta­nt les données de l’équation.

Les maths, un échafaudag­e intellectu­el

« Les mathématiq­ues, c’est une espèce d’échafaudag­e intellectu­el sur lequel on combine plusieurs éléments, analyse le Pr Cohen. Nous possédons tous, de manière innée, la capacité à apprécier les quantités et ce, dès la naissance : on l’observe chez le nouveau-né humain mais également chez le chimpanzé, le lion ou l’éléphant. Mais l’autre ingrédient dont nous disposons, nous hommes, c’est le langage car c’est lui qui nous permet d’étiqueter des quantités précises. Cette capacité de raisonneme­nt nous conduit à combiner tout cela pour arriver à cet échafaudag­e élaboré. » Finalement, l’apprentiss­age est un processus long et complexe mais suffisamme­nt souple pour permettre à chacun de progresser à sa manière.

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(Photos archive HDS et Cyril Dodergny)

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