BIENNALE PARIS CHEZ PHILIPPE SÉGALOT
11 PARIS
11 SEPT. PARIS
“J’ADORE LES LAMPES. J’en ai trop.” Comme pour nous en convaincre, Philippe Ségalot ouvre frénétiquement les placards de son appartement parisien. Le célèbre art advisor y déniche, parmi de nombreux autres modèles, une création d’andré Borderie : une lampe noire en terre cuite émaillée des années 60. Elle finira sur un bureau Charlotte Perriand en sapin tendre de 1946 (les noeuds sont ressortis avec le temps !) installé dans sa chambre à la manière d’une sculpture. “Mon meuble préféré”, répète-t-il. Un chef-d’oeuvre acheté aux enfants du propriétaire d’origine. La facture d’époque fait état d’un prix aujourd’hui dérisoire : 7 000 francs.
Personnage bigger than life, Philippe Ségalot semblait jusqu’ici ne jamais “en avoir trop”. Exalté, et bouillonnant pour l’art contemporain, sa spécialité, le voici tout aussi à son affaire avec le design. “J’achète des meubles depuis mon premier salaire, explique-t-il. C’est ma passion privée.” La passion publique, c’est son métier, bien sûr. L’ancien D’HEC (il en sort en 1985) passe trois ans chez L’oréal avant de créer une division Art au sein du groupe de courtage Finacor. Il y rencontre Marc Blondeau, ancien directeur de Sotheby’s France spécialiste des tableaux impressionnistes et modernes... et conseiller d’un certain François Pinault.
Sa flamme pour l’art contemporain s’embrase. Philippe Ségalot ne l’avait jamais étudié. Il apprend en faisant. En 1996, il rejoint Christie’s à New York. Il ne faudra pas plus de deux ans à l’impétueux Français pour prendre la direction internationale du département d’art contemporain. Deux ans plus tard, François Pinault achète la maison de ventes. Les deux hommes se connaissent déjà très bien. “François Pinault est sans doute la rencontre la plus importante de ma vie professionnelle, confie Philippe Ségalot. Je travaille avec lui depuis plus de vingt-cinq ans.” Alors qu’il crée son propre cabinet de conseil d’art en 2001, avec des bureaux à Paris et New York, le surnom de “Pinault’s boy” s’impose. On voit l’ombre de l’homme d’affaires derrière ses achats les plus importants. Mais Philippe Ségalot a de nombreux autres clients prestigieux.
Qu’importe ! Alors que La Biennale Paris, l’ex-biennale des antiquaires, ouvre ses portes au Grand Palais en septembre, c’est bien de meubles dont a envie de parler le collectionneur : “J’y ai fait de beaux achats, se souvient-il. J’y retrouve des marchands que je connais depuis le début des années 90, comme François Laffanour ou Patrick Seguin. À l’époque, il y avait peu d’acheteurs de meubles français des années 40 et 50, c’était un tout petit marché. Chez Patrick Seguin, je me souviens m’être retrouvé à choisir une table Granipoli de Jean Prouvé parmi les quatre qui étaient présentées. Quatre en même temps, c’est inimaginable aujourd’hui.” La table, conçue à l’origine pour une colonie de vacances à Saint-brévin, trône désormais au milieu de la salle de bains.
Situé sur les quais de la Seine, l’appartement acheté il y a cinq ans recèle quelques autres trésors d’importance. Jean Prouvé, encore, dès l’entrée, avec la célèbre table Trapèze de 1954. “J’ai toujours voulu cette table, sans doute l’un des plus beaux meubles du XXE siècle. J’ai fini par l’acquérir en “I love lamps, I’ve got far too many of them.” To prove his point, Philippe Ségalot frenetically opens the cupboards in his Parisian apartment. He takes out from among the countless models a 1960s lamp by André Borderie in black enamelled terracotta, which eventually ends up on top of a 1946 Charlotte Perriand desk in soft pine (the knots have risen up over time) that he’s placed in his bedroom like a sculpture. “My favourite piece of furniture,” he beams, a masterpiece he bought from the children of the original owner, complete with the original receipt marked with a price of just 7,000 francs.
The larger-than-life Ségalot made his name in contemporary art – his specialty – but it turns out he’s just as much of an expert in modern design. “I’ve been buying furniture since I got my first pay cheque,” he explains. “It’s my private passion.” After graduating from HEC [the prestigious business school in Paris] in 1985, he spent three years working at L’oréal before setting up an art division at the brokerage group Finacor. There he met Marc Blondeau, a former director of Sotheby’s France specialized in Impressionist and Modernist paintings, and adviser to a certain François Pinault...
Ségalot developed a passion for contemporary art, a subject he had never studied but learned on the job. In 1996 the impetuous Frenchman joined Christie’s in New York, and after just two years had become director of the contemporary-art department. Two years later, François Pinault bought up the auction house. The two men already knew each other well. “François Pinault is without a doubt the most important encounter of my professional life,” confides Ségalot. “I’ve been working with him for over 25 years.” When he set up his own art-consulting firm in 2001, with offices in Paris and New York, he earned himself the nickname “Pinault’s boy.” While the business mogul’s shadow hovers over his most important purchases, Ségalot also has many other prestigious clients.
But that’s not the subject we’ve come to discuss today. As Biennale Paris – formerly the Biennale des antiquaires – opens at the Grand Palais, it’s furniture that’s uppermost
Paris PHILIPPE SÉGALOT’S HIDDEN TREASURES
WHO HASN’T DREAMED OF VISITING THE PARISIAN APARTMENT OF PHILIPPE SÉGALOT, THE CELEBRATED ART ADVISER WHO HAS THE EAR OF FRANÇOIS PINAULT? THE MAN HIMSELF TAKES US ON AN EXCLUSIVE TOUR.
vente publique il y a quelques années”, précise-t-il. Philippe Ségalot sait ce qu’il veut, et s’en donne les moyens. “J’ai toujours aimé ces meubles : Prouvé, Perriand, Jean Royère dont j’ai une paire de fauteuils Elephanteau dans leur tissu bleu d’origine, raconte-t-il. J’ai peu à peu élargi mes centres d’intérêts aux meubles scandinaves des années 20 et 30. Je ne me retrouve pas dans les meubles contemporains, trop inconfortables.” En témoignent notamment deux créations d’axel Einar Hjorth : la chaise en pin, associée dans la chambre au bureau de Charlotte Perriand, et la console Sandhamm (1929) dans le salon. “J’aime le bois, j’aime le toucher, le sentir”, s’enthousiasme-t-il.
Depuis une dizaine d’années, Philippe Ségalot se passionne aussi pour les meubles Shaker du XIXE siècle, ces meubles en bois fonctionnels “à l’origine de l’esthétique pure des designers du XXE siècle que j’aime tant”, souligne-t-il. Ils les conservent aux États-unis, où il les a acquis. En 2015, il en présentait une sélection avec François Laffanour à la foire de Maastricht, et publiait un livre aux éditions Assouline, Shaker : Function. Purity. Perfection. Comme si toute passion privée, chez Philippe Ségalot, devait irrémédiablement devenir publique. in Ségalot’s mind. “I’ve made great purchases there. That’s where I meet all the dealers I’ve known since the 1990s, people like François Laffanour and Patrick Seguin. Back in the day, there weren’t so many peole buying French furniture of the 1940s and 50s. It was a very small market. At Patrick Seguin’s gallery I remember finding myself choosing a Granipoli table by Jean Prouvé out of a set of four. Four at the same time, that’s simply unimaginable today!” Originally designed for a summer camp in SaintBrévin, the table now stands majestically in the middle of his bathroom.
Located on the banks of the Seine, his apartment, which he bought five years ago, is home to several other important treasures. In the entrance hall stands one of Prouvé’s famous Trapèze tables, which were designed in 1954. “I’d always wanted this table, which is probably one of the most beautiful pieces of 20th-century furniture that exist. I ended up buying it at auction a few years ago.” Ségalot knows exactly what he wants. “I’ve always loved furniture by Prouvé, Perriand and Jean Royère – I’ve got a pair of his Elephanteau armchairs in their original blue fabric,” he confides. “I’ve gradually broadened my interests to include Scandinavian furniture from the 1920s and 30s. I don’t really get contemporary furniture, it’s too uncomfortable.” Among his Scandy pieces are two by Axel Einar Hjorth: the pine chair in the bedroom that accompanies the Perriand desk, and a 1929 Sandhamm console table in the living room. “I love wood, the touch of it, the scent,” he enthuses.
Over the past ten years, Ségalot has also developed a passion for 19th-century Shaker furniture, the functional wooden pieces, “that inspired the pure aesthetic of the 20th-century designers whose work I love so much.” He keeps his Shaker pieces in the US where he buys them. In 2015 he showed a selection with François Laffanour at the Maastricht fair, and published a book with Assouline, Shaker: Function. Purity. Perfection. As ever, Ségalot’s private passions seem inevitably destined to go public.