LES RENCONTRES DE BAMAKO
02 BAMAKO
“Act locally, think globally.” Marie-anne Yemsi has made writer Édouard Glissant’s motto her own, and its influence can clearly be seen at Bamako Encounters. After discovering many young talents – such as the Congolese Sammy Baloji, the Franco-ivorian François-xavier Gbré and the Ethiopian Aida Muluneh –, the biennial has made it through a difficult stretch. The 2013 edition was cancelled because of the war in Mali; the 2015 edition was struck by the terrorist attack at Bamako’s Radisson Blu; the budget is tight and Islamic extremism is not going away. But Bamako Encounters has bounced back, and is thinking more internationally than ever. As well as partnering up with numerous other African events – Nigeria’s Lagosphoto, Ethiopia’s Addis Foto Fest and Market Photo Workshop in Johannesburg – it’s putting on master classes and discussion forums between artists, philosophers, poets and musicians. “It’s important to insist on the term ‘encounter,’ which makes us think of everything that unites rather than divides us,” says Yemsi. “This biennial will show that Africa is its own centre, while still being open to the rest of the world.”
Yemsi is no naive “Afro-optimist,” nor does she subscribe to “separatist” ideologies. Her upbringing was multicultural: on the one hand a German mother, and on the other a Cameroonian father who fought for his country’s independence. As a child she lived in both Tunisia and Asia, before coming to Paris to study at Sciences Po, followed by a year in Shanghai. Then, after an MBA in communications in the luxury sector, she joined LVMH, crisscrossing the globe until 2005, when she launched her Paris-based firm Agent Créatif(s). Among its goals is the promotion of African artists on the international scene. “I was struck by the total absence of literature on African art, as if an entire continent had been erased. France is still bound up in a sense of superiority inherited from its colonial past.” But Yemsi is helping to change all that, for example with her exhibition Le Jour qui vient, which was shown at Galeries Lafayette this spring. She dreams “of the day when talented African artists will be shown in museums just like all the others” and when exhibitions of African work will no longer “be only the preserve of swarthy-skinned curators.”
“AGIS DANS TON LIEU : pense avec le monde.” Cette injonction de l’écrivain Édouard Glissant, Marie-ann Yemsi (ci-contre, photographiée à Arles) l’a faite sienne depuis longtemps. La curatrice l’a appliquée aux Rencontres de Bamako, ce rendez-vous incontournable du continent africain. La biennale, qui a fait émerger de nombreux talents, comme le Congolais Sammy Baloji, le Franco-ivoirien François-xavier Gbré et l’éthiopienne Aida Muluneh, revient de loin. À un budget tendu s’est greffée l’inquiétude liée à la montée de l’islamisme. L’édition 2013 fut annulée suite à la guerre au Mali. La cuvée anniversaire de 2015 a, elle, été endeuillée par l’attentat qui a frappé l’hôtel Radisson Blu de Bamako.
Deux ans plus tard, le festival malien est de retour. Et plus que jamais, il “pense avec le monde” en multipliant les collaborations avec d’autres acteurs du continent, notamment les ordonnateurs de Lagosphoto, au Nigéria, et d’addis Foto Fest, en Éthiopie, ainsi que la direction de l’école d’art Market Photo Workshop de Johannesburg. Tout au long de la semaine professionnelle, la manifestation proposera des master class, mais aussi un forum d’échanges avec des artistes, philosophes, poètes et musiciens. “Il est important d’insister sur le terme de ‘rencontre’, il nous faut penser à tout ce qui nous unit plutôt qu’à ce qui nous divise”, glisse Marie-ann Yemsi, avant d’ajouter : “Cette biennale témoignera du fait que l’afrique est son propre centre. Mais un centre ouvert au reste du monde.”
Oecuménique ? Lucide, plutôt. Marie-ann Yemsi n’a rien d’une “afroptimiste” béate. Pas plus qu’elle n’est de ces nouvelles consciences noires, claquemurées dans des idéologies séparatistes. Née d’une mère allemande et d’un père camerounais, elle a été biberonnée au lait du multiculturalisme : d’un côté, une famille maternelle protestante, ouverte et libérale ; de l’autre, un père tiers-mondiste engagé dans la lutte pour l’indépendance du Cameroun.
Les relations au monde de Marie-ann Yemsi ne se résument pas à une diagonale germano-camerounaise. Sa famille a vécu en Tunisie et en Asie, au gré des missions de son père. La jeune femme s’inscrit à Sciences Po Paris, puis part un an à Shanghai. Son MBA de communication dans les industries du luxe en poche, elle rejoint le groupe LVMH. Elle sillonne la planète, travaille sur les questions d’image et de marque. Avant de lancer sa société de conseil, Agent Créatif(s), en 2005. Avec, comme objectifs, de relier les artistes et les marques, et d’offrir une visibilité aux artistes africains. “J’étais frappée par l’absence de littérature sur l’art africain, comme si un continent avait été gommé, raconte-t-elle. La France s’est emmurée dans un sentiment de supériorité, n’a pas su transformer son regard après les indépendances.” Mais les choses changent. Marie-ann Yemsi aura contribué à la dense actualité africaine à Paris au printemps dernier, en assurant le commissariat de l’exposition Le jour qui vient aux Galeries Lafayette.
Elle dit “rêver de ce jour où les artistes africains talentueux seront retenus dans les institutions au même titre que les autres”, où les expositions d’artistes de ce continent “ne seraient pas réservées à un commissaire un peu bronzé”. Un voeu qui, gageons-le, ne restera pas pieux.
MALI’S MUST-SEE PHOTOGRAPHY BIENNIAL Les Rencontres de Bamako, du 2 décembre au 31 janvier 2018.
Bamako
BIENNALE AUX MULTIPLES SURPRISES ET RÉVÉLATIONS, LES RENCONTRES DE BAMAKO SE SONT IMPOSÉES COMME LE RENDEZVOUS PHOTOGRAPHIQUE INCONTOURNABLE DU CONTINENT AFRICAIN. PORTRAIT DE SA CURATRICE MARIE-ANN YEMSI.
DESPITE THE WAR, AND THANKS TO ITS EXCELLENT PROGRAMMING, BAMAKO ENCOUNTERS HAS BECOME AFRICA’S NUMBER ONE PHOTO FAIR. NUMÉRO SPOKE TO ITS CURATOR, MARIE-ANN YEMSI.