MARRAKECH, L’ART SANS CLICHÉS
PAR JUAN PALAO GOMEZ, DIRECTEUR DE LA BIBLIOTHÈQUE DU MUSÉE YVES SAINT LAURENT. PHOTOS PAR ZINEB ARRAKI
Site du faux luxe et du beldi cool, Marrakech est aussi un important centre de savoirs passant par la main, l’oralité et les arts mineurs. Il existe peu de passerelles entre les espaces mondains et populaires, elles sont quasiment limitées aux contacts entre les artisans et les artistes. La Ville Rouge est une capitale du capitalisme, où se multiplient les commandes, traductions et négociations des objets et des identités. Sa scène artistique émergente se balance entre deux numéros, le 18 et le 127, et une voix.
Le 18, pour Le 18, un riad culturel pluridisciplinaire fondé par Laila Hida et situé dans un vieux quartier de la médina. Également résidence d’artistes, il incarne l’échange, la vitalité et l’hospitalité amoureuse. Expositions, rencontres, programmations et partenariats extrêmement variés et de grande qualité y sont proposés. Son dernier cycle consacré à la mémoire des savoirs sur l’irrigation, Qanat, s’inscrit dans le cadre du programme collaboratif Kibrit, qui réunit sept entités au niveau méditerranéen.
Le 127, pour la Galerie 127 de Nathalie Locatelli, plus spécialisée dans la photographie. Dans ce lieu de goût, symbole du savoir-faire en matière d’accompagnement et de soutien aux artistes, Nathalie a fait découvrir Carolle Benitah et Fatima Mazmouz, deux femmes à la démarche très personnelle et d’une grande finesse plastique, et de jeunes créateurs adroits et au regard rapide, le photographe tangérois Hicham Gardaf, le plasticien Mohamed Baala, venu de Taroudant, et le Marrakchi Adil Kourkouni.
Et la voix, pour la Voice Gallery de Rocco Orlacchio. Elle représente de grands artistes que j’ai connus à Dar al-ma’mûn : la Japonaise Megumi Matsubara, la Franco-marocaine Sara Ouhaddou et le Belge nomade qui a ouvert en 2014 un atelier près de Marrakech, Eric Van Hove, sans doute l’un des plus grands créateurs que je nommerai. Son travail photographique Anthropocene Geodesy, exposé à la Voice Gallery pendant la Biennale de 2016, ou ses déjà légendaires moteurs V12 Laraki et D9T (Rachel’s Tribute) reconstitués de toutes pièces, suffisent amplement pour appuyer mon propos.
À Marrakech, on découvre des pratiques hétérodoxes dans la mode, la photo de rue, les esthétiques décalées d’alia Ali ou de Hana Tefrati. En 2016, la Biennale de Marrakech présenta sous le titre Not New Now la réponse sagace et ambitieuse de la curatrice Reem Fadda au travail initié en 2014 par Hicham Khalidi, dont le projet curatorial s’intitulait Where Are We Now ? Cette manifestation, éparpillée sur de nombreux sites, sut montrer ce balancement entre vitesse du monde et mémoires des autres modernités du Sud. Et ce moment fragile où, courageusement, une petite partie de la ville s’ouvre davantage au futur et à ses risques.
Hotspot of fake luxury and beldi cool, Marrakech is also an important centre of craftwork and ancestral techniques. The few bridges between the fashionable enclaves and the wider culture are almost exclusively contacts between artisans and artists. The Red City is a capital of capitalism, whose emerging art scene swings between two numbers, 18 and 127, and one voice. Eighteen is for LE 18, a multidisciplinary riad founded by Laila Hida in the historic medina. Also hosting artist’s residencies, it’s a centre of dialogue, vitality and hospitality whose programming is of consistently high quality; this spring it organized Qanat, a series of events centred on the collective memory of irrigation. 127 is for GALERIE 127, founded by Nathalie Locatelli, whose particular specialty is photography. With taste and care, she has nurtured the young talents that are Carolle Benitah and Fatima Mazmouz – two women with very personal approaches – as well as the Tangiers photographer Hicham Gardaf, Taroudant visual artist Mohamed Baala, and Adil Kourkouni from Marrakech. The voice, meanwhile, is Rocco Orlacchio’s VOICE GALLERY, which represents some fantastic artists I met in Dar al Ma’mûn: the Japanese Megumi Matsubara, FrancoMoroccan Sara Ouhaddou and the Belgian nomad Eric Van Hove, who opened an atelier near Marrakech in 2014 and who is certainly one of the greatest creators I know. His photo series Anthropocene Geodesy, shown at Voice during the 2016 biennial, or his legendary car engines V12 Laraki and D9T (Rachel’s Tribute), amply prove my point.
Marrakech is all about nonconformism – in fashion, in street photography or in the quirky aesthetics of Alia Ali or Hana Tefrati. In 2016, under the title Not New Now, the Marrakech Biennale presented curator Reem Fadda’s clever and ambitious response to Hicham Khalidi’s 2014 edition entitled Where Are We Now? Spread over multiple sites, Fadda’s programming brought forth the balancing act between global acceleration and past modernities of the global south, as well as that fragile little moment when part of the city opens itself up to the future and all its risks.
RIAD CULTUREL, BIENNALE, GALERIES... LA SCÈNE ARTISTIQUE CONTEMPORAINE DE LA VILLE ROUGE EST PASSIONNANTE. VISITE GUIDÉE LOIN DES HAUTS LIEUX TOURISTIQUES.
Le 18, Derb el Ferrane, Riad Laarouss, 40000 Marrakech. Galerie 127, 127, Mohammed V Avenue, Guéliz, 40000 Marrakech. Voice Gallery, 366, Z.I. Sidi Ghanem, 40000 Marrakech.
BRIMMING WITH GALLERIES AND EVENTS, MARRAKECH IS NOT JUST THE TOURIST SPOTS OF CLICHÉ. JUAN PALAO GOMEZ, DIRECTOR OF THE LIBRARY AT THE MUSÉE YVES SAINT LAURENT, SHOWS US AROUND.
Marrakech MOROCCO’S VIBRANT CONTEMPORARY-ART SCENE