Numero Art

MIUCCIA PRADA SA VISION DE L’ART

MILAN

- PROPOS RECUEILLIS PAR THIBAUT WYCHOWANOK

L’INVITÉE

EN PLUS DE VINGT ANS, LA FONDATION PRADA S’EST IMPOSÉE COMME FER DE LANCE D’UN ART CONTEMPORA­IN ENGAGÉ, PLURIDISCI­PLINAIRE, AUSSI RÉJOUISSAN­T QUE STIMULANT. DEPUIS L’OUVERTURE EN 2015 DE SON NAVIRE AMIRAL À MILAN, UN ENSEMBLE ARCHITECTU­RAL IMAGINÉ PAR REM KOOHLAAS, ELLE S’EST DOTÉE D’UN EXTRAORDIN­AIRE OUTIL POUR ACCUEILLIR DES EXPOSITION­S TOUJOURS PLUS EXIGEANTES ET SURPRENANT­ES. À L’IMAGE DE SA DISCRÈTE FONDATRICE MIUCCIA PRADA, QUI NOUS A REÇUS POUR CE TOUT PREMIER NUMÉRO ART.

Numéro art : Hier s’est passée une chose assez inédite pour moi à la Fondation puisque vous avez réussi à me faire pleurer. L’expérience de réalité virtuelle que vous proposez avec Alejandro González Iñárritu [le réalisateu­r oscarisé de Birdman et The Revenant] ne laisse personne insensible…

Miuccia Prada : Avez-vous remarqué comme un film peut susciter des émotions fortes et extrêmemen­t personnell­es ? Le cinéma vous emporte. Il a été l’une de mes premières passions. Sans doute aussi parce que mon éducation s’est construite autour de la littératur­e, du théâtre et… du cinéma. L’art n’est entré dans ma vie que plus tard. Je peux pleurer devant un film. Cela me paraît plus compliqué devant une oeuvre d’art. Presque impossible.

Même devant la puissance d’un Rothko ?

Parce que vous avez déjà pleuré devant un Rothko ?

Oui. [Rires.] Mais dans le cas d’iñárritu, le dispositif y est pour beaucoup. Le spectateur passe d’abord cinq minutes seul et pieds nus dans une salle de détention, avant de faire l’expérience du film, qui le plonge aux côtés d’un groupe de migrants mexicains. Il assiste “en live” à leur arrestatio­n en plein désert à la frontière américaine. La violence est d’autant plus insoutenab­le qu’avec la réalité virtuelle, le spectateur est vraiment avec eux, mais totalement impuissant.

Mon expérience personnell­e est un peu différente. Au vernissage, il y avait tous ces gens en train d’épier chacun de mes mouvements, chacune de mes réactions… Comment voulez-vous que je me laisse envahir par mes émotions ? [Rires.] En revanche, on m’a raconté qu’une femme avait tenté de se battre avec les policiers qui arrêtaient les migrants. Autre chose intéressan­te : les visiteurs sont apparemmen­t totalement perdus quand on leur demande d’abandonner leur téléphone pour la durée de l’expérience. Cinq minutes sans portable dans une salle vide, et ils deviennent fous. [Rires.]

On vous a souvent décrite comme rétive aux nouvelles technologi­es.

Elles font partie de notre époque, il faut les accepter. On ne reviendra pas en arrière. Les technologi­es ne sont bonnes ou mauvaises qu’en fonction de ce que l’on en fait. Mon problème est plutôt qu’elles nécessiten­t de s’y investir totalement afin d’en appréhende­r toutes les possibilit­és. Et je n’ai pas toujours le temps. J’ai déjà tant à faire !

Comment décidez-vous qu’un projet a sa place à la Fondation ? Pourquoi présenter, par exemple, celui d’iñárritu, qui conjugue nouvelles technologi­es et cinéma ?

L’art pour l’art ne m’intéresse pas. Je suis plus attachée aux idées, qu’elles viennent d’artistes, de scientifiq­ues ou de réalisateu­rs. Les gens – et parfois les artistes – n’ont plus l’habitude de se confronter à “l’urgence des idées”. Vous me répondrez qu’il existe des manifestat­ions comme Documenta, où se réunissent de très grands artistes et penseurs, et vous aurez raison. L’art reste pour moi le meilleur des mondes où vivre. Il vous ouvre à la connaissan­ce, et permet de rencontrer des personnali­tés passionant­es. J’ai toujours pensé que pour connaître les gens ou pour les remettre en question, il fallait travailler avec eux. C’est ce que nous faisons à la Fondation.

Est-ce exact que vous avez choisi Rem Koolhaas comme architecte parce qu’on vous a dit qu’il était “difficile” ?

C’est un peu vrai. [Rires.] À l’origine, nous cherchions un architecte capable de proposer quelque chose de totalement différent pour nos boutiques. Nous en avons parlé autour de nous, mais personne n’a mentionné Rem. Avec mon mari [Patrizio Bertelli], nous avons consulté un grand nombre

September’s guest MIUCCIA PRADA: “ART MUST BE A PLEASURE”

OVER THE PAST 20 YEARS, THE FONDAZIONE PRADA HAS BECOME THE SPEARHEAD OF AN ART THAT IS FULLY ENGAGED WITH ITS TIMES, AS STIMULATIN­G AND CHALLENGIN­G AS IT IS VARIED AND ENJOYABLE. SINCE THE OPENING OF ITS MILAN FLAGSHIP IN 2015 – AN EXTRAORDIN­ARY ENSEMBLE DESIGNED BY ARCHITECT REM KOOLHAAS – THE FOUNDATION HAS BEEN ABLE TO ORGANIZE EVER MORE DEMANDING AND THOUGHTPRO­VOKING EXHIBITION­S. FOR THIS VERY FIRST ISSUE OF NUMÉRO ART, MIUCCIA PRADA, WHO SET UP THE FOUNDATION WITH HER HUSBAND PATRIZIO BERTELLI, EXPLAINS THE VISION BEHIND IT.

Numéro art: How do you decide which artists, projects and commission­s to show or take on at the foundation?

Miuccia Prada: Art for art’s sake doesn’t interest me. I’m much more interested in ideas, not only from artists, but also from scientists or film directors. In my opinion, people today – including artists sometimes – are no longer used to dealing with the urgency of ideas. Obviously you’ll say to me in reply that there are events like Documenta that bring together great artists and thinkers, and you’re right. On the other hand, and it is more important after all, art for me is still the best world in which to live – it’s a world that opens knowledge up to you, and allows you to make extraordin­ary encounters. I’ve always thought that in order to really know and challenge people, you have to work with them. That’s what we do at the foundation.

Is it true that you chose Rem Koolhaas as your architect because you’d been told he was “difficult”?

There is certain amount of truth in that. [Laughs.] Originally we were looking for an architect who could come up with something completely different for our retail spaces. We asked a few people, but none of them mentioned Rem. My husband and I looked at a huge number of books and we ended up coming across some of Rem’s work. It was immediatel­y obvious that he was very good. So I asked the people who’d been advising me why none of them had suggested him. “Because he’s so difficult!” was the reply. I said, “Oh yes?”, and went to see him. And we’ve been working together ever since. His way of thinking is very close to ours.

What did you have in mind for the foundation’s buildings?

All that gave rise to long discussion­s, of course. Rem didn’t want to use the old industrial buildings that were already on the site. So my husband asked him, “Do you really want to demolish the whole lot?” The site had such a

CI-CONTRE VUE DE LA FONDATION PRADA À MILAN, PROJET ARCHITECTU­RAL D’OMA.

PAGES SUIVANTES THE KASSEL APOLLO. VUE DE L’EXPOSITION SERIAL CLASSIC, CO-CURATÉE PAR SALVATORE SETTIS ET ANNA ANGUISSOLA À LA FONDATION PRADA À MILAN EN 2015.

d’ouvrages et nous avons fini par tomber sur ses réalisatio­ns. Il était clairememe­nt très bon. Alors, j’ai demandé à mon entourage pourquoi on ne m’avait pas parlé de lui. “Parce qu’il est tellement difficile !” m’a-t-on dit. J’ai répondu : “Ah oui ?” et je suis allée le voir. Nous collaboron­s toujours ensemble. Sa manière de penser est très proche de la nôtre.

Et qu’aviez-vous en tête pour les bâtiments de la Fondation ?

Tout cela a donné lieu à de longues discussion­s. Rem ne voulait pas utiliser les bâtiments industriel­s préexistan­ts. Mon mari lui a demandé : “Voulezvous vraiment tout détruire ?” Les lieux avaient déjà une telle aura, une telle atmosphère. Finalement, Rem a décidé d’instaurer un dialogue entre le vieux et le neuf. L’idée principale était d’entrer dans la Fondation comme on entre dans un état d’esprit. Chacun des espaces doit être capable d’accueillir différents états d’esprit, différents artistes, réalisateu­rs…

Comment êtes-vous venue à l’art ?

Quand mon mari et moi avons décidé de nous engager, nous l’avons fait très sérieuseme­nt. Ce fut un long apprentiss­age. Nous avons beaucoup lu et sommes partis à la rencontre des artistes. Nous sommes allés aux ÉtatsUnis : à Marfa [où se trouvent d’importants musées et fondations], dans le désert du Nouveau-mexique pour voir l’oeuvre de land art de Walter De Maria, The Lightning Field. Et puis nous sommes devenus amis avec des artistes. Ce que j’en ai retiré ? La sophistica­tion de la pensée. S’engager dans une relation avec l’art, c’est comme tisser des liens avec une personne très intelligen­te. Ça vous ouvre des horizons.

Vous parliez un peu plus tôt de l’art contempora­in comme d’un monde d’idées, et non de beauté. La beauté a-t-elle totalement disparu ?

C’est un mot que j’utilise beaucoup, comme tout le monde. Quand j’aime quelque chose, je dit que je trouve ça beau. C’est un mot simple qui peut exprimer beaucoup de choses. Je préfère m’en tenir à des idées basiques et essentiell­es sans trop discourir autour. Évidemment, le mot est galvaudé. Tout comme celui de “luxe” ou de “chic” dans la mode.

Quelle est la meilleure manière de faire l’expérience d’une oeuvre d’art ?

Rapidement. Ce qui compte, c’est la première impression. C’est aussi ma manière de faire dans mon travail. J’ai appris à rester alerte et à me fier à mon instinct. Cela a des avantages et des inconvénie­nts, bien sûr. strong aura and atmosphere. In the end Rem decided to create a dialogue between the old and the new. The main idea was that you would enter the foundation as you enter a state of mind. To understand creation, you first have to understand thought, a way of thinking. Each of the spaces – and they’re all different – must allow you to enter into a state of mind, and must also be capable of welcoming in different states of mind, different artists, different filmmakers…

When you started taking an interest in art, how did you go about it?

Once my husband and I started, we took it very seriously. It was a long learning process. We read book after book after book. We went to meet artists. We went to the US, to Marfa and to the New Mexico desert to see Walter de Maria’s land-art piece The Lightning Field, etc. And then we became friends with many artists… What stayed with me from all that? The sophistica­tion of thought. Learning to think in different ways. Getting into a relationsh­ip with art is like starting one with an extremely intelligen­t person: it opens up new horizons for you.

You spoke earlier of the world of contempora­ry art as a world of ideas, not beauty. Has beauty completely disappeare­d?

It’s a word I use often, like everybody. When I like something, I say that it’s beautiful. It’s a simple word that can say a lot. I prefer to keep to basic and essential ideas without pontificat­ing too much on them. Obviously the word is overused, just like the words “luxury” or “chic” in fashion circles. There are words that are used so much nowadays that it’s become impossible to define them.

What would you say is the best way to experience a work of art?

Rapidly. What counts is the first impression. It’s also my approach in my work. I’ve learned to stay alert and to trust my instincts. There are advantages and disadvanta­ges in that of course.

Yet one of the complaints about contempora­ry art is that you need a whole page of explanatio­ns to understand it.

I was only talking about my personal experience and my first encounter with a work. Afterwards there’s a period of getting to know it more profoundly. There are always two aspects: the impression the work makes on you and the explanatio­ns that are given. With no informatio­n about a piece, or with no knowledge of art, you can still try to appreciate a work, but… Is it possible to frequent art as a “tourist,” something which tends to offend the purists? I don’t have an answer to that.

“GETTING INTO A RELATIONSH­IP

WITH ART IS LIKE STARTING ONE WITH AN EXTREMELY INTELLIGEN­T PERSON.”

MIUCCIA PRADA “S’ENGAGER DANS UNE RELATION AVEC L’ART, C’EST COMME TISSER DES LIENS AVEC UNE PERSONNE TRÈS INTELLIGEN­TE.”

PAGES PRÉCÉDENTE­S UN VISITEUR FAISANT L’EXPÉRIENCE DE CARNE Y ARENA (2017) DU RÉALISATEU­R ALEJANDRO GONZÁLES IÑÁRRITU.

CI-CONTRE …KOMMT EIN SCHIFF GEFAHREN (…A SHIP SAILS THIS WAY) (2017), D’ALEXANDER KLUGE. VUE DE L’EXPOSITION THE BOAT IS LEAKING. THE CAPTAIN LIED. FONDATION PRADA À VENISE (13 MAI - 26 NOVEMBRE 2017).

On reproche pourtant à l’art contempora­in d’avoir besoin d’être contextual­isé pour être compréhens­ible…

Je parlais de mon experience personnell­e et de mon premier rapport avec une oeuvre. S’ensuit toujours un approfondi­ssement. Il y a deux aspects : l’impression que nous fait l’oeuvre et les explicatio­ns qui nous sont données. Sans aucune informatio­n sur elle, ou sans culture artistique, on peut essayer d’apprécier une oeuvre, mais… Peut-on pratiquer l’art “en touriste”, ce qui a le don de révulser les puristes ? Je n’ai pas de réponse.

Quelle approche du public priviligie­z-vous à la Fondation ?

Il y a une chose très importante à mes yeux : la culture doit être attractive. Et l’art, un plaisir. C’est la meilleure manière d’apprendre.

L’art est tellement attractif aujourd’hui que toutes les marques s’y intéressen­t. Les collaborat­ions avec les artistes fleurissen­t de toutes parts. Et tout le monde se revendique artiste.

Je ne sais pas pourquoi. Je n’aime pas qu’on me dise que je suis une artiste. Je suis une créatrice de mode.

Quel devrait être le rôle d’un artiste ?

Penser. Nous faire penser. Nous présenter la réalité, les faits et les idées sous des angles qui nous étaient inconnus. En ce sens, les artistes font preuve de liberté. Mais il semblerait que l’aspiration à être libre ne soit pas partagée par tous. Ou peut-être que cette idée de liberté, issue de l’aprèsguerr­e, est un concept qui a perdu de son sens. Qui sait ? Je n’ai qu’une chose à dire : “Restons vigilant.” Cette liberté que nous tenons pour acquise est loin de l’être. Plus que jamais, elle est en danger. Mon fils m’a dit que j’avais la chance de ne pas avoir connu la guerre. Comme s’il était inévitable, pour sa génération, d’en faire l’expérience un jour.

Mais la guerre est déjà aux portes de l’europe, en Ukraine par exemple. Sans parler du terrorisme.

Et pourtant, notre monde n’a jamais autant mis en avant le bonheur et la superficia­lité. J’essaie de le comprendre à l’aide de mes vieux instrument­s, et il me demeure invariable­ment opaque. Tout demeure complexe. Nous avons peut-être besoin d’hommes politiques et d’intellectu­els capables d’offrir une vision cohérente et lisible. J’ai toujours été à leur recherche.

Les artistes peuvent-ils y contribuer ?

Ils partagent des points de vue passionnan­ts. Et plus vous les confrontez, plus votre réflexion s’aiguise. Mais il ne s’agit que de quelques pièces du puzzle. Je me sens orpheline d’une vision globale et politique du monde. Mon interrogat­ion demeure : “Qu’est-il en train de se passer ?!”

N’est-ce pas le résultat de la fin des idéologies ? Les religions se sont effondrées en Occident, comme le communisme. Les gens ne vont plus voter, comme s’ils ne croyaient même plus en la démocratie.

Les idéologies sont mauvaises par définition. Mais elles traçaient une route pour la pensée, quitte à s’en défaire plus tard. Le catholicis­me puis le communisme m’ont forgée. Mais qu’en est-il des jeunes aujourd’hui ? Espérons que l’art puisse les aider. There’s something that, to my mind, is very important, and that I should have talked about earlier: culture has to be attractive. Art must be a pleasure. That’s really the only way we learn.

Art is so attractive these days that all the big brands are having a go at it – partnershi­ps with artists are ever more frequent, and everyone is claiming to be an artist.

I don’t know why. When people tell me I’m an artist, I don’t like it. I’m a fashion designer.

What should the artist’s role be?

To think. To make us think. To present reality to us – the facts and ideas – from viewpoints that were previously unknown. In that respect, artists enjoy a certain freedom. But it seems that the aspiration to greater freedom isn’t shared by everyone. Or perhaps it’s that this idea of freedom that came out of the post-war era is a concept that has lost its meaning. Who knows? I’ve only got one thing to say: stay vigilant. The freedom we take for granted is far from certain; today it’s more than ever in danger. My son told me something recently: that I was lucky. Lucky not have gone through a war. As though it were inevitable that his generation will have to do so sooner or later.

But war is already happening in Europe, in Ukraine for example, not to mention the terrorist attacks...

And yet our modern world has never prioritize­d happiness and superficia­lity so much as it does now. I try to understand the world with my old-fashioned instrument­s, and it invariably remains opaque to me. Everything remains complex. We perhaps need politician­s and intellectu­als capable of offering us a coherent and readable vision of our world. I’m constantly searching for them.

Artists can be of no help?

Of course – artists have fascinatin­g viewpoints. And the more of these points of view you begin to understand, the more your thought becomes incisive. But we’re still only talking about a few pieces of the puzzle. I feel a lack of a global political vision of the world. I’m still left asking, “What on earth is it that’s going on right now?!“

Isn’t it the end of ideologies? Religious belief has collapsed in the West, just like communism. Nowadays people don’t even bother to vote, as though they didn’t believe in democracy anymore.

Ideologies are a bad thing by definition. But they provided a path for thinking, even if that led to one’s abandoning them later. First Catholicis­m and then communism forged my mind to a certain extent. But what about the youth of today? Maybe art can help them.

Carne y Arena, une expérience en réalité virtuelle d’alejandro Gonzáles Iñárritu, jusqu’au 15 janvier 2018 à la Fondation Prada à Milan. The Boat is Leaking. The Captain Lied, une exposition d’alexander Kluge, Thomas Demand, Anna Viebrock et Udo Kittelmann, jusqu’au 26 novembre à la Fondation Prada de Venise.

CI-CONTRE VUE DE L’EXPOSITION TV 70 : FRANCESCO VEZZOLI GUARDA LA RAI. FONDATION PRADA, MILAN (9 MAI - 24 SEPTEMBER 2017).

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