JEAN NOUVEL
ABU DHABI
Jean Nouvel : Non, pas vraiment, mais je voulais devenir artiste au sens large, artiste plasticien. Quand j’ai annoncé à mes parents que je souhaitais m’inscrire aux cours d’arts plastiques à l’école nationale supérieure des beaux-arts, ils m’ont répondu : “Hors de question, tu vas tirer le diable par la queue ! Tu vas plutôt faire quelque chose de sérieux.” J’avais 18 ans. Je me suis dit : “Je vais faire architecture, et je reviendrai aux beaux-arts et aux arts plastiques après.” Ça ne s’est pas passé ainsi… J’ai reçu une forme d’éducation artistique avec l’architecte Claude Parent, dont je suis devenu l’assistant, et l’urbaniste et philosophe Paul Virilio. Claude Parent était alors au coeur du monde artistique, et dès que je suis parti de chez lui, en 1971, j’ai été nommé architecte de la Biennale de Paris. Tous les deux ans, je mettais en scène les plus grands artistes de la planète, ce qui m’allait très bien. [Rires.]
La Galerie Hélène Bailly [quai Voltaire, à Paris] est votre premier projet lié à l’art. C’est l’époque de Cedric Price et d’archigram, le moment où Renzo Piano et Richard Rogers arrivent à Paris…
Ce qui a été très important pour moi, c’est le Centre Pompidou, évidemment. D’ailleurs, c’est le premier concours international auquel j’ai participé. Et que j’ai brillament perdu.
Vous étiez un bébé !
On peut dire ça. Le projet m’impressionnait beaucoup. Et en même temps, quand j’ai travaillé sur le bâtiment de l’institut du monde arabe cinq ans plus tard, j’ai tenu à ce qu’il soit celui d’une autre génération. Je ne voulais pas être dans le high-tech, je n’aime pas quand on dit de L’IMA qu’il est high-tech. C’est un jeu plastique, où aucun élément de structure n’est visible parce que tout est capoté, tendu, caché. C’est une autre esthétique, fondée sur la tension et non sur l’expressionnisme technique.
Dans les années 80, vous affichez, avec d’autres architectes comme Frank Gehry, la volonté de quitter le white cube pour des espaces où l’émotion est plus présente, où leur relation avec l’art est plus spécifique. Ce qui s’est perpétué. Je pense à votre projet de musée pour Salzbourg, très différent de celui de Pompidou.
Ma philosophie et ma culture font que j’ai toujours été très lié au monde de l’art. Et influencé par l’art. Quelle était l’idée à Salzbourg ? Une architecture dans la falaise, le roc, et une continuité créée par des pentes et des volumes intérieurs en relation avec des vues différentes : quand tu es à l’intérieur du musée, tu vois la ville de Salzbourg. C’est un système massif et oblique. Aujourd’hui, il me paraît évident que Claude Parent exerçait alors sur moi une très grande influence.
Avec la Fondation Cartier, vous renouvelez votre approche de l’architecture, un peu à la manière de Mies van der Rohe et de sa Neue Nationalgalerie, à Berlin…
Là encore, c’était une situation exceptionnelle. Il fallait construire un bâtiment là où avait vécu Chateaubriand, où il y avait planté un cèdre du Liban [aujourd’hui majestueux] et où se trouvait auparavant le centre
November’s guest JEAN NOUVEL
IN A CAREER OF ALMOST 50 YEARS, JEAN NOUVEL HAS TIME AND AGAIN PROVED HIMSELF TO BE ONE OF THE WORLD’S MOST ORIGINAL AND ICONOCLASTIC ARCHITECTS. HE’S BACK IN THE SPOTLIGHT THIS AUTUMN WITH THE NEW LOUVRE ABU DHABI, WHICH COMES AHEAD OF THE EQUALLY ASTONISHING QATAR NATIONAL MUSEUM, SET TO OPEN NEXT YEAR.
Numéro art:
Jean Nouvel: No, not really. I wanted to become an artist in the broad sense – a visual artist. When I told my parents I wanted to study fine arts at the École des Beaux-arts, they said, “Out of the question, you’re tempting the devil! Do something serious instead.”
How old were you?
Eighteen. So I said to myself: “I’ll study architecture and come back to fine art later.” That’s not how things turned out… I got a sort of art education from the architect Claude Parent and the urbanist and philosopher Paul Virilio when I became Claude’s assistant. At that time, Claude was at the heart of the French art scene, and after leaving his office in 1971, I was appointed as architect for the Biennale de Paris. Every two years I staged the best artists in the world, which was fine with me. [Laughs.]
Paris’s Galerie Hélène Bailly was your first art-related project, at the time of Cedric Price and Archigram, when Renzo Piano and Richard Rogers arrived in town…
The Pompidou Centre was obviously very important for me. In fact, it was the first international competition I ever entered. And lost with panache!
You were a baby!
I guess. The Pompidou project made a big impression on me. And yet five years later, when I worked on the the Institut du Monde Arabe, I made sure it belonged to another generation. I didn’t want it to be high-tech – I don’t like it when people call the Institut high-tech. It’s a sculptural game that hides its structural elements: everything is covered, taut, dissimulated. It’s another aesthetic, based on tension, not on technical expressionism.
In the 1980s you demonstrated, alongside other architects like Frank Gehry, a desire to escape the “white cube” in favour of more emotional spaces whose relationship to art was more specific. I’m thinking of your proposal for the Salzburg museum, which is very different from the Centre Pompidou.
I’m tied to the art world through my philosophy and culture. And art influences me. What was the idea for Salzburg? An architecture in the cliff, inside the rock, and a
CI-CONTRE LOUVRE ABU DHABI, VUE DU DÔME EXTÉRIEUR.
PAGES SUIVANTES LOUVRE ABU DHABI, FORÊT DE LUMIÈRE TRAVERSANT LE DÔME.
culturel américain. J’ai choisi d’aligner trois plans de verre à travers lesquels l’extérieur est visible. Et j’ai proposé une option assez radicale : un volume au rez-de-chaussé entièrement vitré, avec le prétexte que pour les expositions temporaires, il est plus facile de poser des cimaises et de fermer les espaces, et en bas l’inverse, uniquement des murs.
C’est une époque [au début des années 90] où l’on connaît une plus grande liberté vis-à-vis de l’art. Aujourd’hui, cette liberté est attaquée. Cela a commencé après le Bilbao Guggenheim de Frank Gehry [1997]. Les curateurs et les écrivains sont nombreux à vouloir que l’architecture adopte à nouveau une position plus neutre par rapport à l’art.
Vous connaissez ma philosophie : un architecte est un artiste. Je tiens à cette notion, c’est mon ambition absolue. Mais l’architecture est un art qui a beaucoup de contraintes. Chaque client, chaque site, chaque époque sont différents. Je ne ressens aucune frustration face à cela. C’est même l’inverse. On me demande souvent si je ferais le même bâtiment vingt ans après. La réponse est : “Non.” Les paramètres changent, évidemment.
Qu’en est-il du Quai Branly ? Comment avez-vous géré les nombreuses contraintes ? Quelle est son histoire ? Quelle est sa relation avec la ville, et les autres cultures ?
C’était la première fois que je gagnais une compétition où le projet concernait à la fois le musée et la muséographie. Le Quai Branly a été l’occasion de réfléchir sur toutes les composantes d’un musée. Je voulais travailler non pas pour mais avec les civilisations représentées, surtout si les artistes étaient vivants, ce qui a été fait avec les aborigènes. Et définir des conditions de présentation qui soient le contraire de celles des colons, où vous mettez n’importe quel objet de la forêt équatoriale sur un cube en bois posé sur la cheminée avec un fond blanc et quatre projecteurs. J’ai expliqué que si l’on agissait ainsi avec nos tableaux du Quattrocento, cela poserait des problèmes… Il fallait d’abord créer un territoire pour ces oeuvres. Le musée en tant que tel est plus un quartier, dans le sens grec du terme, un lieu de communication, de rencontre et de diffusion d’idées, et pas uniquement un coffre-fort avec une porte où l’on classe les oeuvres et où l’on vient les voir en catimini ou en procession. L’idéal serait que l’art revienne dans la vie. continuity created through inclines and interior volumes corresponding to different views: from inside the museum, you would see all of Salzburg. It’s a massive, oblique system. Today, it seems obvious to me that I was still steeped in Claude Parent’s influence.
At the Fondation Cartier, in the early 90s, you renewed your approach to architecture a bit like Mies van der Rohe at the Neue Nationalgalerie in Berlin…
The Fondation Cartier was another exceptional situation. The site, which had been vacated by the American Center, had once been Chateaubriand’s home, where he’d planted a [now enormous] cedar of Lebanon. I decided to align three planes of glass through which both interior and exterior are visible. And I proposed a fairly radical option: an all-glass ground floor, on the pretext that, for temporary exhibitions, it’s easier to install picture rails and close the space, and underneath the exact opposite – just walls.
Back then it was a freer period for architecture with respect to art. Today many curators want architecture to take a more neutral position towards art.
You know my philosophy: an architect is an artist. It’s something I insist on, it’s my highest ambition. But architecture is an art with many constraints. Each client, each site, each era is different. None of that frustrates me. It’s the opposite, actually. People often ask if I’d do the same building 20 years later. The answer is “No.” The parameters change, obviously.
And what about the Musée du Quai-branly?
It was the first time I won a competition where the project concerned both the museum and the museography. It was an opportunity to think about everything that makes up a museum. I wanted to work not for but with the civilizations to be displayed, especially if the artists were living, as was the case with the Aboriginals. And I sought to define display conditions that would be the opposite of colonial methods, where any object from the equatorial forest gets placed on pedestal in a white background with four projectors pointed at it. I explained that if we did that with Quattrocentro paintings, it would pose a few problems… We had to create a territory for these pieces. The museum is more like a quarter, in the Greek sense of the term, a place of communication, of encounter and the spread of ideas – not just a safe with a door where artworks are classified and you tiptoe through in a procession. The ideal was for art to come back to life.
Many of your projects are linked not only to art, but also to landscape and soil: Salzburg perched on its cliff, your underwater project for the Rio Guggenheim, Abu Dhabi with its water too…
It’s true. Each time there’s a relation to “materiality.” It’s also the case with my project for the Mexican Guggenheim in Guadalajara. I designed it as a monolith sculpted in the
“AN ARCHITECT IS AN ARTIST. IT’S SOMETHING I INSIST ON, IT’S MY HIGHEST AMBITION.”
JEAN NOUVEL “UN ARCHITECTE EST UN ARTISTE. JE TIENS À CETTE NOTION. C’EST MON AMBITION ABSOLUE.”
CI-CONTRE LOUVRE ABU DHABI, PLAN DE LA TOITURE AVEC LE DÔME.
PAGES SUIVANTES MUSÉE NATIONAL DU QATAR.
Beaucoup de vos projets sont liés à l’art, mais aussi au paysage, à la nature du sol… Je pense à Salzbourg sur la falaise, Rio sous l’eau, Abu Dhabi dans l’eau et sur l’eau d’une certaine façon.
Je suis d’accord. Chaque fois existe une relation de “matérialité”. C’est aussi le cas pour Guadalajara. Le projet est un monolithe sculpté dans le basalte qui compose la falaise. Comme posé en équilibre sur celle-ci, il surplombe la Barranca du haut de ses sept cents mètres de dénivelé. Ces créations sont une rencontre entre le programme et le lieu de construction, leur site originel. L’architecture est là pour magnifier les lieux.
Certaines personnalités du monde de l’art reprochent aux musées comme celui de Bilbao d’être sortis de nulle part en seulement quelques années, sans qu’une collection n’ait été constituée au cours des décennies précédentes. On les dit “superficiels”, plus destinés à attirer les touristes qu’à défendre une vision de l’art.
Je suis très critique avec ce genre de propos. Bilbao était une ville sinistrée, qui avait besoin de devenir une destination attractive autrement que pour ses activités industrielles, lesquelles disparaissaient. C’est arrivé grâce à l’art, grâce à un musée à l’architecture exceptionnelle, qui abrite des collections qui le sont tout autant. Les oeuvres de Richard Serra à Bilbao sont là pour l’éternité. C’est une chose absolument hallucinante.
Nous arrivons au projet d’abu Dhabi, initié par Thomas Krens [ancien directeur de la Fondation Solomon R. Guggenheim à New York]. Vous parlez de cultures qui ont besoin de s’exprimer par elles-mêmes, de montrer leurs valeurs au reste du monde. Pouvez-vous développer? En France, c’est un projet assez polémique.
Dans notre pays, la décision de prêter des collections et de créer le Louvre Abu Dhabi a été fortement critiquée par des intellectuels conservateurs qui ne comprenaient pas qu’un émirat veuille exposer des oeuvres qui ne lui appartenaient pas. Allait-il rendre ces oeuvres ? Les voler ? Des tas d’arguments totalement rétrogrades ont été avancés, qui font oublier la raison de fond. Ces États connaissent une économie florissante, comme ce fut le cas pour Venise, New York… Il faut toujours se poser la question de la transversalité culturelle à l’échelle planétaire, ça me paraît être le point de départ de la démocratie culturelle, économique et humaine.
Comment l’idée du musée d’abu Dhabi est-elle née ?
Ce que je trouvais intéressant, c’était de faire en sorte que ce musée soit le leur. Qu’il appartienne à leur histoire, leur géographie, leur civilisation, leur religion. Je ne peux pas imaginer un musée “parachuté” à Abu Dhabi. En outre, il y fait très chaud et il pleut seulement trois jours par an. J’ai donc voulu créer un microclimat, un quartier qui vit aussi le soir. Avec de l’eau, évidemment, comme à Venise. J’ai renforcé cet aspect avec le dôme et son puits de lumière, qui permet à l’air chaud de s’échapper et aux visiteurs de se mettre à l’ombre. À partir de 20 heures ou 21 heures, les gens viennent se détendre, se divertir… C’est pourquoi il est important qu’il y ait de grandes expositions temporaires, des bars et des restaurants agréables. Et un musée pour les enfants. En fait, c’est comme un souk. Dans un souk, on voit des petits intervalles et des raies de lumière qui tombent de manière identique. Parallèlement. Ce sont les mêmes proportions. C’est le même principe.
La notion de musée de civilisation est aussi très présente. Ce musée, ce n’est pas l’histoire d’abu Dhabi, c’est l’histoire du monde…
Nous voulions un dialogue entre les civilisations, un dialogue direct entre des oeuvres provenant du monde entier. Mais inscrites dans une chronologie. Des oeuvres produites au même moment, alors qu’elles ne se basalt cliff, as though hanging off the edge 700 metres above the Barranca. Each time it’s the site that engenders the building. Architecture should magnify the landscape.
Some complain that museums like the Guggenheim Bilbao have sprung out of nowhere without a specific collection, which makes them superficial, aimed at tourists rather than in defence of an artistic vision.
I’m very critical of this kind of stance. Bilbao was a run-down city that needed to become an attractive destination for something other than its declining industries. It survived thanks to art, to an exceptional building, which houses equally exceptional collections. Richard Serra’s works will remain at Bilbao for ever. That’s something that’s absolutely incredible.
Obviously it’s the moment to talk about the Louvre Abu Dhabi, which was also initiated by Thomas Krens [former director of the Solomon R. Guggenheim Foundation]. In France it’s quite a controversial project.
The Louvre Abu Dhabi was greatly criticized by conservative French intellectuals who didn’t understand why one of the Emirates would want to exhibit someone else’s artworks. Would it return them? Steal them? A whole load of ridiculous arguments were put forward that obscured the basic premise. The Gulf states are enjoying an economic boom, like Venice or New York once did. The question of cultural transversality should always be examined at a global level; to me it’s the departure point for cultural, economic and human democracy.
What guided your design for the Louvre Abu Dhabi?
What I found interesting was finding a way to make the museum theirs. Making it belong to their history, their geography, their civilization, their religion… I couldn’t imagine “parachuting” a European museum into Abu Dhabi. Especially since it’s very hot and only rains three days a year. So I wanted to create a microclimate, a “neighbourhood” that would also be frequented at night. With water, of course, like in Venice. I reinforced this aspect with the dome and its lightwell, which allows hot air to escape and creates shadow. From 8.00 or 9.00 pm onwards, people come to relax and enjoy themselves… That’s why it was important to have large temporary exhibitions, bars and attractive restaurants. And a children’s museum. Actually it’s like a souk. In a souk, you see sun rays falling in the same way, in parallel lines. It’s based on the same principle with similar proportions.
It’s also a museum of civilization, a history of the world…
We wanted a dialogue between civilizations, a direct dialogue between objects from all over the world. But with a chronology. Works that were produced at the same time, although the civilizations had no contact with each other, are placed face to face. It’s interesting to see the progression of different religions, writings and objects… The collections will continue to evolve. Over the next 20 years, Abu Dhabi will buy works and build a collection.
parlaient pas, se rencontrent. C’est intéressant de voir, avec ce prisme-là, la progression des relations entre objets, religions, écritures… Ce sont des collections qui vont évoluer. Pendant vingt ans encore, l’émirat va acheter des oeuvres et constituer le fonds avec nous, puis il continuera seul.
Le musée sera composé de cinquante immeubles ?
Oui, une cinquantaine, on passe de l’un à l’autre, et l’élément eau est omniprésent. On voyage à travers les époques et les mouvements artistiques, jusqu’à aujourd’hui. Et puis, il y a la lumière. L’architecture arabe, c’est la géométrie et la lumière. Que cette géométrie de lumière créée par le dôme redessine cette ville monde, qu’elle se modifie sans cesse en fonction de l’heure du jour ou de la nuit, cela a un côté cosmographique. Nous tenions particulièrement à cet ancrage d’un trésor civilisationnel en relation avec le cosmos.
À l’heure où Daech détruit de nombreux monuments et s’attaque à la culture, le Louvre Abu Dhabi promet au contraire de préserver celle-ci dans sa diversité. Une dimension politique qui n’est pas négligeable…
Dans cette zone de conflit idéologique et religieux qu’est le Moyen-orient, ouvrir les yeux sur le monde est évidemment un bienfait. Cette éducation doit être la plus transversale possible. Aujourd’hui s’impose une pensée univoque, et terroriste finalement, au sens initial du terme, une pensée obligatoire où la religion devient la loi. Des musées comme le Louvre Abu Dhabi peuvent contribuer à faire évoluer ces idées d’un autre âge.
Comment est-il possible de travailler d’une manière contextuelle avec autant de cultures, dans autant de lieux et aussi en profondeur ?
La “contextualité” est, par nature, l’exploitation de la différence. Il faut se battre contre le clonage généralisé. C’est ce que je propose à travers mes manifestes, mes attitudes, mes interpellations du politique, qui me caractérisent régulièrement. Il est plus facile de réagir – positivement – quand le contexte géographique, historique et architectural est singulier. Faire la même chose partout n’a aucun sens.
En 2005, vous avez écrit un texte, Le Manifeste de Louisiana, sur votre vision de l’architecture idéale. Quel serait votre musée idéal ?
Dans ce texte, j’explique qu’il faut exploiter toutes les qualités d’un lieu, en profondeur, en poésie, en nuance, en variation de lumière, en invention, en douceur, en humanité et en plaisir d’y être. Ça, c’est louisianien. J’aime dire que tous mes musées ont l’ambition d’être louisianiens. Yes, you pass from one to the next, and water is omnipresent. You travel through different times and artistic movements, up to the present day. There’s also the light. Arab architecture is all geometry and light. There’s a cosmographic aspect to the building, the way this geometry of light created by the dome constantly reshapes this city-world according to the hour of day or night. This relationship between a treasure of civilization and the cosmos was very important to us.
At a time when ISIS is destroying culture, the Louvre Abu Dhabi promises to preserve it in all its diversity. This gives the museum quite a political dimension…
In the ideological and religious conflict zone that is the Middle East, opening eyes to the world can only be positive. It must be as transversal as possible. Today one-sided, ultimately terrorist thinking, in the original sense of the term, is being imposed, thinking in which religion becomes law. Museums like the Louvre Abu Dhabi can help mentalities to evolve away from such antiquated ideas.
How is it possible to work contextually with so many cultures, in so many places, with enough depth?
“Contexuality” is, by nature, the exploitation of difference. One must fight against homogenization. That’s what I propose in the manifestos and political appeals that I make on a regular basis. It’s easier to react positively when the historical, geographical and architectural context is unique. Doing the same thing absolutely everywhere doesn’t make any sense.
In 2005, you wrote the Louisiana Manifesto, which outlined your vision of an ideal architecture. What would your ideal museum be like?
In that text I explained the need to harness all the qualities of a place: in depth, poetically, gently, with nuance, invention, variation of light and humanity, so that it’s pleasurable to be there. That’s Louisianian. I like to say that all my museums strive to be Louisianian.
“I WANTED TO FIND A WAY TO MAKE THE LOUVRE ABU DHABI THEIRS; MAKE IT BELONG TO THEIR HISTORY, THEIR GEOGRAPHY, THEIR CIVILIZATION, THEIR RELIGION.”
JEAN NOUVEL “POUR LE LOUVRE ABU DHABI, JE TROUVAIS INTÉRESSANT DE FAIRE EN SORTE QUE CE MUSÉE SOIT LE LEUR. QU’IL APPARTIENNE À LEUR HISTOIRE, LEUR GÉOGRAPHIE, LEUR RELIGION… JE NE PEUX PAS IMAGINER UN MUSÉE ‘PARACHUTÉ’ DANS CE LIEU. EN FAIT, C’EST COMME UN SOUK.”