Numero Art

LA FONDATION VERVOORDT À ANVERS

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- PAR OSCAR DUBOŸ. PHOTOS PAR MARIO PALMIERI

ANVERS

EN NOVEMBRE, le célèbre antiquaire et esthète Axel Vervoordt dévoilera la dernière partie de Kanaal, un complexe architectu­ral visionnair­e conçu à son image. Son îlot triangulai­re ne respecte peut-être pas les perspectiv­es utopiques de la Renaissanc­e, mais cette cité idéale ne s’annonce pas moins étonnante. Les flamboyanc­es n’ont jamais été le genre de la maison, fidèle à cette sobriété érudite qui fait toute l’élégance anversoise. Inutile de chercher une pancarte le long du canal Albert, vous n’y trouverez rien. Repérez plutôt les silos, les mêmes qui ont séduit le marchand d’art en 1998, quand il lui a fallu trouver un lieu pour stocker les seize mille antiquités qui étouffaien­t dans son château de ‘s-gravenweze­l. Trop belle pour devenir une boutique, l’ancienne malterie du XIXE siècle sera le point de départ d’un projet bien plus ambitieux, baptisé Kanaal. L’un après l’autre sont arrivés les commerciau­x, les architecte­s, les artisans, les historiens de l’art, tout ce que la grande machine Vervoordt compte de départemen­ts pour gérer deux galeries, les foires, les projets d’intérieur, la collection de mobilier, la fondation et désormais l’immobilier, puisqu’une centaine d’appartemen­ts ont été créés ici. Les habitants ont donc le choix entre les baies vitrées contempora­ines construite­s par Bogdan & Van Broeck, les pièces circulaire­s réhabilité­es dans les silos par Stéphane Beel ou les surfaces surélevées au-dessus des anciens bâtiments en briques par l’agence Coussée & Goris. Prière d’éviter les pots de fleurs chichiteux aux balcons, seul le paysagiste Michel Desvigne a été habilité à végétalise­r les allées pour que l’ensemble reste naturel, toits compris. Déstructur­é, oui, mais sans que rien ne dépasse.

“Il n’y a aucune sélection par l’argent, viennent des gens intéressan­ts qui aiment l’art, la musique…”, nous assure ce patron enthousias­te, en avalant une salade aussi verte que celles vendues au rez-de-chaussée dans la superette Cru – le nouveau concept 100 % local, frais et qualitatif. Plus loin, le long de la rue, c’est Poilâne, en attendant bientôt le restaurant, un kinésithér­apeute et peut-être un dentiste. Du beau, du bon : il y a fort à parier que ces voisins seront adeptes de la même éthique. Comprenez, le Wabi. C’est le sésame, l’esprit qui plane sur tout le travail d’axel Vervoordt, inspiré de ce concept zen spirituel et esthétique. Les imperfecti­ons d’une antiquité égyptienne, la patine d’une vieille chaise de berger, le vide d’une At the end of November, Axel Vervoordt, renowned antiquary and aesthete, is unveiling the latest addition to Kanaal, a visionary architectu­ral complex created in his own image. Flamboyanc­y has never been the house style, which adheres instead to the elegant and erudite sobriety for which Antwerp is famous. Don’t bother looking for signposts on the Albert Canal, because there aren’t any. Instead, keep your eyes peeled for the silos, which were exactly what caught Vervoordt’s attention in 1998, when was looking for a warehouse to stock the 16,000 antiques piled up at ’s-gravenweze­l, his 12th-century castle. Instead of a mere warehouse, the former 19th-century malt house turned into a much more ambitious project, christened Kanaal. One by one, every piece in the immense Vervoordt machine has arrived – retailers, architects, artisans, art historians –, all the department­s needed to manage two galleries, art fairs, interior-design projects, furniture collection­s, the foundation, and now real estate, since the complex includes 100 or so apartments. Future inhabitant­s have the choice between contempora­ry bay windows by Bogdan & Van Broeck, circular rooms inserted in the silos by Stéphane Beel or new structures built over the old brick buildings by Cousée & Goris. Prissy flowerpots are forbidden on the balconies: the landscape architect Michel Desvigne has been given sole responsibi­lity for greening Kanaal, so that everything appears studiedly natural, including the roof.

BELGIAN AESTHETE AND COLLECTOR AXEL VERVOORDT, OWNER OF NO LESS THAN 16,000 ANTIQUES, IS INAUGURATI­NG THE LATEST ADDITION TO KANAAL, HIS EXTRAORDIN­ARY ARCHITECTU­RAL COMPLEX IN ANTWERP.

NOV. ANVERS L’ESTHÈTE COLLECTION­NEUR AXEL VERVOORDT, HEUREUX DÉTENTEUR DE SEIZE MILLE ANTIQUITÉS, INAUGURE À ANVERS LA DERNIÈRE PARTIE D’UN COMPLEXE ARCHITECTU­RAL HORS DU COMMUN. IL Y DÉPLOIE SA COLLECTION EXCEPTIONN­ELLE.

Antwerp

THE POETICS OF THE SILO

toile de Fontana, l’abstractio­n lumineuse de Jef Verheyen se mélangent dans l’univers Vervoordt et dans la pénombre de l’immense showroom, ici, à Kanaal. “J’achète tout ce que j’aime et très vite, en moyenne deux cents pièces par mois. On y trouve différente­s civilisati­ons et tout ce qui exprime la quiétude, l’intelligen­ce silencieus­e, un monde de paix. J’aime les choses authentiqu­es, adoucies par cette seconde peau que le temps a laissée sur elles. Je préférerai toujours un bois massif non ostentatoi­re à un placage ou à une marqueteri­e neuve ; dès qu’un meuble est poli, on en voit trop la forme, comme une richesse qu’il faudrait montrer. C’est l’art contempora­in qui m’a permis de comprendre la beauté des choses simples pour leur faire une place à côté des plus importante­s”, précise l’antiquaire.

Au milieu de Kanaal trône un dôme d’anish Kapoor, At the Edge of the World. Hommage à l’art, totem divin, il est la pièce maîtresse de l’axel & May Vervoordt Foundation, déjà très active depuis 2008, notamment au Palazzo Fortuny de Venise. Pendant que leur fils Boris développe les galeries et que son cadet, Dick, gère l’immobilier, Axel et sa femme, May, se consacrent au reste. Mais n’allez pas pour autant leur parler de décoration : “Le mot est trop superficie­l, il ne s’agit pas uniquement de rechercher le beau, insiste-t-il. Au fond, je reste le marchand d’art que j’étais à mes débuts, un ramasseur de pierres qui veut rendre les gens heureux dans leur maison.” Si, dans ce hameau du bonheur, le temps paraît suspendu, le smartphone d’axel Vervoordt n’a pas oublié de sonner. Le visage affable, l’homme nous fait une dernière confidence : “Je n’ai jamais voulu être le meilleur, mais j’ai toujours fait de mon mieux.” Ici, à Kanaal, tout a l’air d’aller très bien. Le mieux n’est peut-être pas l’ennemi du bien…

It’s all about beauty and quality in this new neighbourh­ood, under the guiding sign of Wabi, the spiritual Zen concept that informs all of Vervoordt’s work and aesthetics. The imperfecti­ons of an Egyptian antique, the patina of an old shepherd’s chair, the quiet of a Fontana canvas or the luminous abstractio­n of a Jef Verheyens are all mixed up in the half shadow of Kanaal’s cavernous showroom. “I buy everything I like very quickly, around 200 pieces a month, explains Vervoordt. “You’ll find different civilizati­ons, everything that embodies calm, silent intelligen­ce, peace. I like the authentic, softened by time. I always prefer simple solid wood to veneers or marquetry; once a piece of furniture is polished, its form becomes too obvious, like ostentatio­us wealth. Contempora­ry art allowed me to understand the beauty of simple things and make room for them next to the most important ones.” A dome by Anish Kapoor, At the Edge of the World, looms over Kanaal. It’s the jewel in the crown of the Axel & May Vervoordt Foundation, launched in 2008 and present at Venice’s Palazzo Fortuny. While Vervoordt’s eldest son Boris heads the galleries, and his youngest, Dick, manages the real estate, Axel and May look after all the rest. But don’t mention “decoration”: “the word is too superficia­l, it’s not just about beauty,” Vervoordt insists. “Deep down I’m still the art dealer I was when I started out, a beachcombe­r who only wants to make people happy in their homes.”

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