Numero Art

JEFF KOONS S’AFFICHE SUR MADISON AVENUE

7 1989 NOV NEW YORK

- PAR ÉRIC TRONCY. ILLUSTRATI­ON PAR SOUFIANE ABABRI

L’EXPOSITION Image World : Art and Media Culture, organisée par Marvin Heiferman et Lisa Phillips au Whitney Museum of American Art et dont le vernissage se déroula le 7 novembre 1989, avait pour ambition d’explorer l’influence des médias sur la production artistique des années 50. Si elle devint célèbre et s’impose encore dans les mémoires, ce n’est pas tant en raison des oeuvres exposées dans le musée que grâce à un panneau publicitai­re installé sur Madison avenue à cette occasion. De dimensions spectacula­ires, il présentait Jeff Koons en compagnie d’ilona Staller, une porno star italienne connue sous le nom de Cicciolina – les deux engagés dans une étreinte langoureus­e, elle en sous-vêtements, lui parfaiteme­nt nu et regardant le spectateur droit dans les yeux. Le texte apposé sur l’image, “Made in Heaven, Starring Jeff Koons, Cicciolina”, laissait penser qu’il s’agissait de l’affiche d’un film.

Koons avait, à l’époque, déjà exploré l’image publicitai­re en plaçant dans la revue américaine Artforum une publicité le représenta­nt en maître d’école désignant à un jeune auditoire un tableau noir où figurait la mention “Exploit the masses” ; dans la revue italienne Flash Art, il posait avec deux cochons. Ce qui frappa rétrospect­ivement dans cette fausse affiche, c’est plus l’exposition de l’artiste en star de cinéma : il est vrai que Koons figurait en 1986 dans l’oeuvre photograph­ique Talents de David Robbins, qui portraitur­ait une quinzaine d’artistes de la nouvelle scène new-yorkaise à la manière des press-books de Hollywood. “The easiest way to become a movie star is to make a porn film”(“le meilleur moyen de devenir une star de cinéma est de faire un film porno”), expliqua plus tard Jeff Koons à la journalist­e Sarah Thornton (1). Sa prestation avait quelque chose de prémonitoi­re, alors que les artistes se retrouvent aujourd’hui dans les mêmes aventures de socialisat­ion que les acteurs (dîners de charité ou de pré-vernissage­s) ou bien les initie à leur art (Thomas Houseago est ainsi devenu le professeur de sculpture de Leonardo Dicaprio).

Trente ans plus tard, le constat s’impose : Jeff Koons s’est forgé une place au panthéon de l’histoire de l’art. Place contestée par les anonymes des réseaux sociaux et les pétitionna­ires de toutes sortes : ceux-ci voudraient ainsi tuer dans l’oeuf le projet d’une sculpture que l’artiste offrirait à la ville de Paris. L’argument le plus usité pour critiquer ce don, pour lequel on attendrait surtout de la gratitude au vu de l’enrichisse­ment du patrimoine national, se fonde sur les coûts de production de l’oeuvre (à la charge pourtant de mécènes privés). A ces contestata­ires peu éclairés, on suggère de se souvenir des conditions du don des Nymphéas que fit Claude Monet à la France en 1918 et de leur installati­on au musée de l’orangerie en 1927. Ou de ne pas ignorer que sans les donations, dations et autres succession­s aux dispositio­ns fiscales particuliè­res, les collection­s du Centre Pompidou ou du musée d’orsay compteraie­nt bien moins de chefs-d’oeuvre.

TWENTY-EIGHT YEARS AGO, THE ARTIST JEFF KOONS APPEARED NUDE ALONGSIDE ITALIAN PORN STAR CICCIOLINA ON A GIANT MADISON AVENUE BILLBOARD.

Image World: Art and Media Culture, curated by Marvin Hieferman and Lisa Phillips, opened at the Whitney Museum of American Art on 7 November 1989. If it’s remembered today, it’s less for the works shown in the museum – on the theme of art and the media – than for its giant ad on Madison Avenue, which featured a photo of Jeff Koons and Illona Staller (an Italian porn star known as Cicciolina) in a languorous embrace, she in lingerie, he entirely naked looking directly into the viewer’s eyes. Captioned “Made in Heaven, starring Jeff Koons, Cicciolina,” it imitated the format of a movie poster.

Koons had already begun exploring media imagery by placing ads in the American journal Artforum that showed him as a school teacher standing before the words “Exploit the masses” chalked on the blackboard, or in the company of pretty pink pigs in the Italian review Flash Art. Today what seems most striking about his fake billboard image is his role in it as a film star. “The easiest way to become a movie star is to make a porn film,” he later told the journalist Sarah Thornton. Koons’s ad now seems premonitor­y of today’s celebrity-obsessed world, where artists and actors attend the same charity dinners and private views, and Thomas Houseago has become Leonardo di Caprio’s sculpture teacher.

In the 30 years since, Koons has earned himself a spot in the pantheon of art history, even if he is continuall­y contested by all sorts of social-media trolls and petitioner­s. One of their current targets is the sculpture he has offered to donate to the city of Paris. The principal criticism is its production costs, even though they are to be covered by private donors. May we remind gripers of the conditions attached to Monet’s 1918 gift of his Water Lillies to the French state, or of the fact that without donations and other legacies that enjoy tax exemption, the collection­s at the Centre Pompidou or the Musée d’orsay would contain far fewer masterpiec­es.

7 NOVEMBER 1989: THE DAY JEFF KOONS STRIPPED NAKED ON MADISON AVENUE

(1) Sarah Thornton, 33 Artists in 3 Acts, éd. Granta Books, 2014.

New York

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