Numero Art

GALLERY WEEKEND, DEUX JOURS POUR CÉLÉBRER PARIS

26 PARIS

- PAR VICTOR AZIMOV. OEUVRE ET PHOTO PAR VENDULA KNOPOVA

ON SAVAIT LES GAULOIS irréductib­les, mais on ignorait que leurs lointains descendant­s, en l’espèce les galeristes français, partageaie­nt le même sens de la résistance. Ils sont pourtant plus d’une quarantain­e bien décidés à rappeler aux collection­neurs internatio­naux (et au grand public) que Paris n’est pas une scène artistique de second plan. Leur arme de choix ? La cinquième édition de Paris Gallery Weekend, qui, sur le modèle de sa consoeur de Berlin, fédère pendant deux jours une programmat­ion compacte : 44 galeries participan­tes donc (40 % de plus que l’année précédente, un bon signe), 107 artistes présents, 49 rendezvous, dont 35 solo shows, vernissage­s et brunchs… Mais, à lui seul, l’effet de masse ne suffit pas. Les têtes d’affiche sont donc au rendez-vous. Côté galeries : Chantal Crousel, Thaddaeus Ropac, Jousse Entreprise ou Almine Rech. Côté artistes aussi : Agnès Varda (Nathalie Obadia), David Hockney (Lelong & Co.), les Lalanne (Mitterrand), Olivier Mosset (VNH) ou Jan Fabre et Robert Motherwell (Templon).

Pour Séverine Waelchli, directrice à la Galerie Thaddaeus Ropac qui a rejoint le board cette année, “l’un des grands enjeux est de rendre lisible la géographie parisienne. Chaque parcours est pensé par quartiers : le Marais, PantinBell­eville, Matignon…” Un VIIIE arrondisse­ment où vient justement de s’installer Eva Hober et où la Galerie Lelong & Co. inaugurera son nouvel espace lors de ce Paris Gallery Weekend. “Si nous voulons attirer les collection­neurs étrangers, nous devons proposer un parcours plus large encore, qui inclut les grandes institutio­ns parisienne­s”, enchérit la galeriste Marion Papillon, à l’initiative de l’événement. Et justement, le bâtiment de la Fondation d’entreprise Galeries Lafayette, qui a déjà fait la couverture du New York Times avec son architecte star Rem Koolhaas, vient d’ouvrir ses portes en plein Marais, à deux pas du Centre Pompidou. Les deux institutio­ns sont partenaire­s de Paris Gallery Weekend et proposent des visites guidées aux VIP qui, sur le chemin depuis le Meurice (le palace est associé à la manifestat­ion), pourront s’arrêter visiter l’exposition de la Fondation d’entreprise Ricard, et enfin se rendre au dîner donné dans les salons de l’hôtel de Ville. On aurait tort de se priver du charme des ors parisiens pour séduire les collection­neurs.

Et parce que chaque événement doit aussi avoir son lot de surprises, on pourra compter sur la programmat­ion d’excellente­s galeries comme gb agency, Jérôme Poggi, Jocelyn Wolff… en regrettant que des piliers parisiens comme Perrotin et Kamel Mennour, ou des agitateurs de haut niveau comme Balice Hertling et Frank Elbaz, ne soient pas encore de la partie. Jusqu’à l’année prochaine ?

Paris PARIS GALLERY WEEKEND

BOOSTING THE FRENCH CAPITAL’S REPUTATION IN THE ART WORLD – SUCH IS THE AMBITION OF PARIS GALLERY WEEKEND, WHICH IS INVITING BOTH OVERSEAS COLLECTORS AND THE GENERAL PUBLIC TO DISCOVER THE CITY’S ABUNDANT OFFER, WITH 44 GALLERIES, FIVE LARGE MUSEUMS AND 49 EVENTS ON THE PROGRAMME.

We knew the Gauls were a diehard bunch, but we didn’t know their distant descendant­s, French gallerists, shared the same spirit of resistance. And yet over 40 of them have united to remind internatio­nal collectors (and the general public) that the Parisian art scene is of world-class importance. Their weapon? The fifth edition of Paris Gallery Weekend (PGW), which, following the model of its Berlin counterpar­t, deploys a dense programme over two days: 44 participat­ing galleries (40% more than last year, which is a good sign), 107 artists, 49 events (including 35 solo shows), openings, brunches… But numbers don’t suffice alone, you need the big names too: on the gallery side there’s Chantal Crousel, Thaddaeus Ropac, Jousse Entreprise, and Almine Rech; and on the artists’ side, Agnès Varda (Nathalie Obadia), David Hockney (Lelong & Co.), the Lalannes (Mitterrand), Olivier Mosset (VNH), and Jan Fabre and Robert Motherwell (Templon). According to Séverine Waelchi, director at Thaddaeus Ropac, who joined the PGW board this year, “one of the greatest challenges is making Paris’s geography comprehens­ible. Each itinerary is planned by neighbourh­ood: the Marais, Pantin-belleville, Matignon…” To which gallerist Marion Papillon, the woman behind PGW, adds, “If we want to attract foreign collectors, we’ll have to propose a larger itinerary, which includes the big Paris museums.” Among the latter is the new Oma-designed Lafayette Anticipati­ons, a stone’s throw from the Centre Pompidou, which together have partnered with PGW to offer guided tours to VIP guests who, on their way from the Hôtel Le Meurice (also a partner), can check out the Fondation Ricard before sitting down to an honorary dinner at the Hôtel de Ville. When seducing foreign art collectors, one can’t let the pearls of the City of Light go to waste!

Paris Gallery Weekend, les 26 et 27 mai, Paris.

SELON L’HEBDOMADAI­RE britanniqu­e The Economist, la France est le “pays de l’année 2017”. The place to be, qui a damé le pion à l’argentine et à la Corée du Sud. À quoi attribuer cet état de grâce ? “L’élection d’emmanuel Macron a été un véritable miracle dans un contexte marqué par la montée du populisme, la tentation du repli identitair­e, les théories décliniste­s en France”, observe Guillaume Piens, directeur de la foire Art Paris Art Fair 2. “Il a changé l’image d’une France archaïque, vieillotte, tournée vers le passé et hostile à la mondialisa­tion pour incarner la jeunesse, l’audace et le renouveau. Ce changement de perception est très clair dans le monde anglo-saxon, qui regardait la France de François Hollande avec beaucoup de dureté.” Dans le champ de l’art, l’hexagone n’a pas attendu l’élection de 2017 pour faire son aggiorname­nto. “L’effet Macron ne fonctionne pas sur du vide”, insiste Martin Béthenod, directeur du Palazzo Grassi. “Il y a une réalité, dans tous les domaines de l’art, un terrain propice qui concerne tous les acteurs de l’écosystème.”

Longtemps, la FIAC fut le miroir et le moteur de ce nouveau dynamisme. “Je voulais montrer une France forte et sexy, même si ce n’est qu’une fois par an”, confiait voilà quelques années sa directrice, Jennifer Flay. Aujourd’hui, c’est le pays dans sa globalité qui est devenu sexy. Au point que les étrangers ne rechignent pas à lui associer leur image. Bien que courtisé par les musées du monde entier, c’est avec le Palais de Tokyo, à Paris, que le richissime Adrian Cheng, créateur de la K11 Art Foundation, a initié son premier partenaria­t, avant d’en engager d’autres aux États-unis. De même, c’est avec le Centre Pompidou que l’entreprene­ur chinois Mao Jihong a signé en 2016 un accord de trois ans pour un programme de recherche sur la modernité dans un contexte non occidental. Pourquoi la France ? “Quand j’étais étudiant, je regardais les impression­nistes, c’était le contrepoin­t au réalisme socialiste”, confie le patron de la société de mode Mixmind. “Quand on est dans l’art et dans la mode, on regarde forcément du côté de la France.” Même outre-atlantique, on la regarde avec plus de bienveilla­nce. La galerie californie­nne Freedman Fitzpatric­k a ainsi ouvert en février dernier une petite antenne rue Saint-bon, à Paris. “Il y a cinq ans, une telle décision aurait été plus difficile à concevoir”, admet l’un de ses fondateurs, Robbie Fitzpatric­k. En tant qu’américain, je sens ici une vraie ouverture aux étrangers, un ethos cosmopolit­e. C’est aussi une destinatio­n pour les collection­neurs internatio­naux.”

Si les étrangers regardent avec envie vers l’hexagone, c’est que l’offre culturelle s’y est bigrement étoffée avec l’ouverture de plusieurs structures privées. Après l’inaugurati­on, en 2014, de la Fondation Louis Vuitton, les regards se tournent désormais vers la Fondation d’entreprise Galeries Lafayette, qui a ouvert ses portes au public le 10 mars avec une exposition de Lutz Bacher. Le 1er juin, Édouard et Charles Carmignac inaugurero­nt leur fondation sur l’île de Porqueroll­es. L’installati­on des collection­s de François Pinault à la Bourse du commerce en 2019 devrait aussi faire sensation, tout comme l’ouverture, en 2021, de la Fondation Emerige sur l’île Seguin, à Boulogne-billancour­t. Point commun de tous ces projets ? Ils ont été lancés à un moment où le French bashing était à son apogée, sous Nicolas Sarkozy puis sous François Hollande. “Les collection­neurs veulent désormais prendre part au débat”, analyse Jean de Loisy, président du Palais de Tokyo. “Ils SURFING ON THE BREXIT EFFECT, AS WELL AS ON A WHOLE NEW CROP OF FOUNDATION­S AND A GROWING MARKET, CAN PARIS BECOME A HYPER-CENTRE OF CONTEMPORA­RY ART?

According to British weekly The Economist, France was “country of the year 2017.” What’s behind this current state of grace? “Emmanuel Macron’s election was a real miracle in a context marked by the the rise of populism, isolationi­sm and decline-mongers,” observes Guillaume Piens, director of Art Paris Art Fair. “He’s transforme­d the image of a fusty, archaic country that was hostilie to globalizat­ion into a France that embodies youth, audacity and rebirth. This change in perception is particular­ly noticeable in the Anglo-saxon world, which generally held a harsh view of the country under François Hollande.” But the French art world didn’t wait for the 2017 elections to begin reimaginin­g the narrative. “The Macron effect can’t work in a vacuum,” insists Martin Béthenod, director of the Palazzo Grassi. “There’s a reality, in all sectors of the art world, a fertile ground that involves everyone in the ecosystem.”

FIAC was for a long time the mirror and motor of this new dynamism. “I wanted to show a strong and sexy France, even if only once a year,” explained its director, Jennifer Flay, a few years ago. Today, the country as a whole has become sexy, and everyone wants to associate with it. Although courted by museums around the world, it was with Paris’s Palais de Tokyo that Adrian Cheng, the fabulously wealthy creator of the K11 Art Foundation, forged his first partnershi­p, before establishi­ng links with other institutio­ns in the U.S. Similarly, in 2016, Chinese entreprene­ur Mao Jihong signed a three-year deal with the Centre Pompidou for a programme of research into modernizat­ion in non-western contexts. Why France? “When I was a student, I studied Impression­ism, which is the total opposite of Social Realism,” says Jihong, president of fashion and design company Mixmind. “When you work in the arts or in fashion, your gaze inevitably turns to France.” Even the Americans look more kindly upon the country these days. As Robbie Fitzpatric­k – one of the founders of California­n gallery Freedman Fitzpatric­k, which opened a small satellite on Paris’s Rue Saint-bon last February – admits, “Five years ago it would have been far harder to make such a decision. As an American in France I have a strong sense of its openness to the world. There’s a cosmopolit­an ethos here. It’s also an important destinatio­n for internatio­nal collectors.”

If foreigners look enviously on France, it’s due to a vastly enriched cultural offering following the opening of several private institutio­ns. After the 2014 inaugurati­on of the

SURFANT SUR LE BREXIT, UN FOISONNEME­NT DE FONDATIONS ET UN MARCHÉ EN PROGRESSIO­N, PARIS PEUT-ELLE DEVENIR UN HYPER CENTRE DE L’ART CONTEMPORA­IN ?

veulent ajouter l’art aux armes de leurs familles.” Surtout, l’état ne peut pas tout. Les caisses sont vides, les budgets, racornis. L’intérêt général ne peut plus se résumer au seul service public. Chose étonnante, ces nouvelles fondations n’impriment pas un goût unique. Toutes ont retenu, à leur échelle et avec leur agenda parfois corporate, la ligne de conduite de La Maison rouge – qui fermera ses portes le 30 octobre après quatorze années d’existence : toujours affirmer sa singularit­é. Sans jouir forcément du capital sympathie qu’a suscité la fondation créée par Antoine de Galbert, chaque mastodonte tente de trouver une voix propre, en évitant d’empiéter sur l’existant, notamment sur la Fondation d’entreprise Ricard, incubateur de la jeune scène française depuis 1999. Vuitton joue le grand jeu avec une architectu­re pharaoniqu­e et déploie ses muscles à travers des exposition­s historique­s que lui seul peut financer. La Fondation d’entreprise Galeries Lafayette se positionne comme un laboratoir­e, “une boîte à idées et non une boîte à bijoux”, selon son président, Guillaume Houzé. À Porqueroll­es, les Carmignac misent sur les liens entre l’art et la nature. Quant à Laurent Dumas, président du groupe Emerige, il entend défendre la scène française en lui offrant une visibilité à l’étranger.

Côté marché, malgré la fermeture de quelques petites galeries ou d’autres de taille moyenne, le climat semble moins morose qu’il y a encore dix ans. Pour les ventes aux enchères, Paris est la seule place qui a connu une croissance en 2016. L’an dernier, Christie’s et Sotheby’s France ont affiché des bilans en forte progressio­n. “On sent plus d’adrénaline et aussi davantage de considérat­ion de la part des étrangers”, admet Mario Tavella, patron de Sotheby’s France. Quant aux collection­neurs français, ils ont dépassé la question rituelle : “Vaut-il mieux vendre à Londres ou à New York ?” En témoigne la collection Jean-françois et Marie-aline Prat, adjugée à 36,5 millions d’euros en octobre 2017 chez Christie’s, à Paris. Son directeur général, Édouard Boccon-gibod, table sur la suppressio­n (partielle) de l’impôt sur la fortune comme accélérate­ur des ventes. “Les sommes tirées de la vente d’oeuvres d’art ne seront pas assujettie­s à L’ISF si elles sont investies en placements boursiers, indique-t-il. C’est un élément moteur pour convaincre les vendeurs, soucieux de diminuer au maximum leurs impôts.”

Reste un dernier facteur, qui pourrait aiguillonn­er encore plus le marché français : le Brexit. Paris a déjà été choisie pour accueillir l’autorité bancaire européenne et ses 170 emplois. Des banques internatio­nales pourraient lui emboîter le pas. Pour l’heure, aucun acteur du marché de l’art n’imagine un déclin du Royaume-uni au profit de la France suite aux changement­s possibles de la fiscalité britanniqu­e, à savoir l’introducti­on d’une TVA à l’importatio­n sur les oeuvres d’art. Et les collection­neurs français exilés fiscaux outre-manche n’ont pas encore amorcé de retour. Mais qui sait ?… “Si une partie des acheteurs (re)vient à Paris, l’écosystème suivra forcément un peu”, observe le collection­neur français Thibaut Poutrel, installé à Londres. “Le déplacemen­t de certains jobs de la City jouera aussi. Ces personnes achèteront désormais davantage en France… Ce n’est pas un hasard si l’immobilier parisien flambe et que celui de Londres stagne depuis deux ans.” Le nouvel élan français n’en est qu’à ses débuts. Fondation Louis Vuitton, all eyes are now on Lafayette Anticipati­ons, which opened on 10 March this year with an exhibition by Lutz Bacher. On 1 June, Édouard and Charles Carmignac will inaugurate their foundation on the island of Porqueroll­es, while further excitement is to come with the opening of François Pinault’s collection­s at the Bourse du Commerce in 2019, and the 2021 inaguratio­n of the Fondation Emerige on the Ile Seguin in Boulogne-billancour­t. The common thread in all these projects? Each of them was launched under Nicolas Sarkozy and Francois Hollande’s presidenci­es when French bashing was at its peak. “Collectors now want to take part in the debate,” reckons Jean de Loisy, president of the Palais de Tokyo. “They want to add art to their families’ arms.” What is certain is that the state can’t shoulder everything: the coffers are empty, budgets slashed; the common good can no longer be assured solely by the public sector. What is perhaps unexpected is the huge variety between each foundation’s aesthetic vision. At their different scales, and within their sometimes corporate agendas, they’ve all adopted the ethos of La Maison Rouge: always affirm your particular­ity. Without necessaril­y enjoying the same goodwill that welcomed Antoine de Galbert’s institutio­n, each of these new giants is in search of its own voice, mindful of encroachin­g on those already establishe­d, especially the Fondation d’entreprise Ricard, nursery of the upcoming French scene since 1999. Vuitton plays it big with pharaonic architectu­re and blockbuste­r shows that only it has the cash to pay for; Lafayette Anticipati­ons positions itself as a laboratory – “a concept box rather than a jewellery box,” in the words of its president, Guillaume Houzé; while in Porqueroll­es the Carmignacs are betting on the links between art and nature. As for Laurent Dumas, president of Emerige, he plans to support the French scene by increasing its visibility abroad.

Where the market is concerned, things seem healthier than ten years ago. Paris is the only city where auction sales increased in 2016. As for French investors, the change in tax laws will no doubt encourage them to buy art. And there’s another factor that could boost the French art market: Brexit. Paris has already been chosen as the new home of the European Banking Agency, and internatio­nal banks may well follow suit. For the time being, the Brexit effect has yet to be felt, but who knows in the future? “If some French buyers come back to Paris, the ecosystem will come with them,” says London-based collector Thibaut Poutrel. “City jobs that relocate to France will also have an effect... It’s not an accident if Parisian property prices are rising while London’s are stagnating.” France’s new élan is only just beginning.

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