MICHEL JOURNIAC À LA GALERIE TEMPLON
2 MARS 1969 PARIS
LE 2 MARS 1969, et pour quatre jours, Michel Journiac (1935-1995) transforma la Galerie Daniel Templon, à Paris, en blanchisserie. Peu après, il la transformait en lieu de culte, y réalisant le 6 novembre 1969 la performance Messe pour un corps, où, en faisant office de prêtre, il conviait l’auditoire à une messe – lui qui avait quitté le séminaire sept ans auparavant – et remplaçait les hosties par des rondelles de boudin préparé avec son propre sang – il en donnait aussi la recette.
En ce début mars, la galerie ne fut pas à proprement parler convertie en blanchisserie, même si Michel Journiac y fit une performance (dans le cas de cette discipline, en France, on parlait alors plutôt d’une “action”) intitulée La Lessive. Le carton d’invitation comportait, outre les informations habituelles, un texte rédigé par François Pluchart, le théoricien de l’art corporel, qui donnait en somme le programme de ce qui allait se passer : “1. Séparer en deux tas bien distincts les oeuvres à traiter : d’une part le linge inutilisable (romanesque, esthétique, pictural, épique, narratif, picassisme, expressionnisme, cinétisme, etc.) qu’on mettra à la poubelle en vue de sa destruction-récupération en un nouveau matériau de synthèse, et, de l’autre, le linge apte à faire encore un bon usage (dadaïsme, suprématisme, immatériel, poétique, fonctionnel, etc.) qu’on mettra pièce par pièce dans une machine. 2. Introduire une ou plusieurs doses de détergent en fonction de l’ancienneté des taches et de la vulgarisation de l’idée. 3. Régler le programme de lavage selon les instructions du constructeur, mais, en général, réduire le temps de lavage en fonction de la force originelle de l’idée. 4. Sécher soigneusement afin d’éliminer tout romantisme qui pourrait laisser croire à une possible utilisation du passé pour établir le présent.”
Dans les faits, aux vêtements utilisés pendant la performance sont attachées des étiquettes avec les noms d’artistes à la mode : accompagné de Pluchart et du critique Pierre Restany, qui fut le théoricien des Nouveaux Réalistes, Journiac triait les vêtements en deux tas. D’une part, ceux des artistes “récupérables”, qui seraient passés au détergent et trempés dans la peinture blanche ; d’autre part, ceux des artistes “irrécupérables”, destinés au blanchiment rapide puis à la poubelle. Sur le carton d’invitation, toujours, Restany résumait tout cela ainsi : “LESSIVE – ouverture sur le futur –, POUBELLE – faillite dans le présent.” Dans un entretien publié quatre ans plus tard, Journiac expliquait : “Nous faisons le travail que nous faisons parce que nous sommes situés en marge. Et c’est cette notion de marge qui, à l’heure actuelle, me paraît la plus importante. Il n’y a création qu’à partir du moment où il y a perturbation du langage donné par des gens marginaux.”
Paris 2 MARCH 1969: THE DAY MICHEL JOURNIAC WASHED HIS (DIRTY) LINEN IN A GALLERY
FORTY-NINE YEARS AGO, PARIS’S DANIEL TEMPLON GALLERY HOSTED A PERFORMANCE ENTITLED LA LESSIVE ( LAUNDRY) IN WHICH MICHEL JOURNIAC UNDERTOOK A RITUAL CLEAN-OUT OF THE CONTEMPORARY-ART SCENE.
For four days in March 1969, artist Michel Journiac (1935–95) turned Paris’s Daniel Templon Gallery into a virtual laundrette. A text on the invitation, by body-art theorist François Pluchart, explained how it worked: “1. Separate the work into two distinct piles: one of unuseable laundry (novelistic, aesthetic, pictorial, epic, narrative, Picassism, Expressionism, Kinetic Art), to go in the bin with a view to its destruction/repurposing into a new synthetic material; and the other of laundry still fit for use (Dadaism, Suprematism, the immaterial, poetic, functional, etc.) which will be placed in the machine, item by item. 2. Add one or more doses of detergent according to the age of the stains and the preponderance of the idea. 3. Choose a wash cycle as per the manufacturer’s instructions but, in general, reduce the cycle time depending upon the original strength of the idea. 4. Dry thoroughly to remove any romanticism that could encourage the possible use of the past to define the present.”
The clothes were labelled with the names of fashionable artists; Journiac, helped by Pluchart and the New Realist theorist Pierre Restany, separated them into two piles, one containing “retrievable” artists, to be treated with detergent then soaked in white paint, the other “irretrievables,” destined for a swift bleaching and the bin. As Restany wrote on the invitation: “LAUNDRY – future possibilities; RUBBISH – current bankruptcy.” In a 1973 interview, Journiac explained, “We make the work we make because we’re marginalized. And it’s this idea of margins that seems most important to me right now. Creation only happens from the moment that prevailing language is perturbed by marginalized people .”
IL Y A 49 ANS, LA GALERIE DANIEL TEMPLON ACCUEILLAIT UNE PERFORMANCE BAPTISÉE LA LESSIVE. MICHEL JOURNIAC S’Y ATTAQUAIT AUX ARTISTES ALORS EN VOGUE À COUPS DE DÉTERGENT.