Numero Art

DAIDO MORIYAMA JOURNAL INTIME

TOKYO

- PAR MOUNA MEKOUAR

Tokyo EPILOGUE – DAIDO MORIYAMA

FOR THIS SECOND EDITION OF NUMÉRO ART, THE JAPANESE PHOTOGRAPH­ER COMPOSED A SERIES OF VISUAL POEMS THAT COMBINE PREVIOUSLY UNSEEN POLAROIDS WITH HIS HANDWRITTE­N NOTES.

CE PROJET EST NÉ d’une conversati­on, d’une idée : inviter un artiste, à chaque Numéro art, à produire un “objet” qui prendrait corps dans l’espace de la revue. Dans le cadre de ce deuxième numéro, j’ai proposé au photograph­e Daido Moriyama de se saisir de cet espace pour suggérer les contours de son monde. Ainsi a t-il conçu de véritables poèmes visuels à dimension autobiogra­phique en superposan­t ses Polaroid à ses notes manuscrite­s.

Dans ses textes, Daido Moriyama évoque des souvenirs de jeunesse, les lieux qu’il a fréquentés, ses amitiés, son admiration pour les grands maîtres de la photograph­ie. Il y décrit aussi ses états existentie­ls. “Quand je me retourne sur mes presque cinquante années de travail photograph­ique, le chemin derrière moi me paraît ressembler à une longue pellicule de film. Ce fut un chemin fait de hauts et de bas, sinueux et parfois déformé, mais jamais lisse.”

Ces extraits de textes éclairent aussi l’importance de certains livres comme New York 1954-55 de William Klein ou Nothing Personal de Richard Avedon. Daido Moriyama parle aussi de sa passion pour sa ville, Tokyo, et pour son quartier de Shinjuku, qu’il ne cesse de photograph­ier. “Alors que j’éditais mon livre sur Hawaii, je n’arrêtais pas de penser que mon projet suivant serait consacré à Tokyo. Je me serais dirigé vers Shinjuku, qui n’a jamais cessé de capter mon attention, puis je me serais rendu dans les périphérie­s de la ville, et je serais rentré en dessinant comme un mouvement concentriq­ue avec mes pas, retrouvant mon quartier de Shinjuku à la fin de mon périple.”

Célèbre pour ses photograph­ies en noir et blanc, pleines de vie, de force et de pulsions, Moriyama propose dans ces pages des images en couleurs, et de surcroît des Polaroid jamais publiés. Souvent bruts et sans apprêt, ces images sont autant de témoignage­s précieux de la vision de l’artiste. Ce sont des séquences intimes. Elles ne montrent aucun événement. Elles témoignent, au contraire, de la réalité fragile et précaire qui entoure l’artiste. Des jours de joie et de peine. Des récits. Des vies souvent à la marge. Des anonymes. “Avec la couleur, dit-il, j’ai un rapport plus direct aux choses. J’aime quand elle est très franche ou au contraire très douce, en surface. Pour certains lieux, comme les cabarets, les bars ou les lieux de restaurati­on rapide, cela m’a paru être une évidence que je devais utiliser la couleur. Dans ces endroits, je sens l’odeur du danger.”

Comme en noir et blanc, on retrouve les mêmes motifs, le même lexique, les mêmes formes et matières mais aussi les mêmes obsessions : figures féminines, natures mortes, objets abandonnés, tuyauterie, fils électrique­s mais aussi l’image de son propre reflet. Sa propositio­n confronte le spectateur à une expérience – une expérience de vie – qui se déploie sur plus de cinquante ans. Elle est une évocation incarnée de ses sensations, de ses émotions, de ses sentiments mais aussi de son expérience de photograph­e. Chaque fragment de ce journal intime est un monde, et chacun de ces mondes forme un fragment de son oeuvre.

In his handwritte­n notes, Daido Moriyama evokes memories of his youth: the places he knew, his friends, his admiration for the great masters of photograph­y. He also describes his existentia­l experience­s. “When I look back on nearly 50 years of work as a photograph­er, the path behind me seems like a long roll of film. It was a road of steep ups and downs, winding and sometimes twisted, but never smooth.” His texts also highlight the importance to him of books such as William Klein’s New York 1954–55 or Richard Avedon’s Nothing Personal. And then there’s his hometown, Tokyo, and specifical­ly his own neighbourh­ood of Shinjuku, which has always been a source of photograph­ic inspiratio­n. “As I was editing my Hawaii book, I kept thinking that the next project would have to be in Tokyo. I would head for Shinjuku, which never ceases to grab my attention, then I would go to the outskirts of the city and wind my way back in a spiral pattern, returning to Shinjuku at the end of the journey.”

Renowned for his vivid black-and-white photograph­s, full of life and urgency, Moriyama chose to use colour here, in the form of previously unpublishe­d Polaroids. Free of artifice, these raw images are precious documents of the artist’s vision. Sequences of intimacy, they do not depict events, but bear simple witness to the fragility and precarious­ness of the realities he observes. Stories. Strangers. Joy and pain. Lives lived at the fringes. “Colour establishe­s a more direct relationsh­ip to world,” Moriyama explains. “I like it at its boldest but also as a surface softness. For certain kinds of places it seemed obvious to use colour – cabarets for instance, bars or fast food restaurant­s. In such places I catch a whiff of danger.” As with his black-and-white work, we find the same motifs, the same vocabulary, the same forms and materials, and indeed the same obsessions: female figures, still lifes, found objects, pipework, electrical wiring, and his own reflection. The viewer is confronted with 50 years of experience and life. Together, the photos act as an evocation, an embodiment of sensations, emotions and feelings, but also his experience as a photograph­er. Each fragment of this personal diary contains a world, and each of these worlds is but a fragment of his work.

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