14 AOÛT 2006
LE JOUR OÙ JEAN-LUC GODARD S’INVITA AU MUSÉE
FR
LE 14 AOÛT 2006, “L’expo Godard” fermait ses portes au Centre Pompidou, mettant provisoirement fin à une saga hors norme. C’est en 2003 que Dominique Païni, ex-directeur de la Cinémathèque française et directeur du développement culturel du Centre, avait lancé l’invitation à Jean-luc Godard. Celui-ci proposa d’abord un ensemble de courts-métrages, puis consentit au format plus classique de neuf salles d’exposition. Pour ce projet, nommé Collage(s) de France, archéologie du cinéma d’après JLG, le cinéaste conçut 18 maquettes, dont une petite série réalisée par lui-même. On fit appel à une scénographe, mais des tensions humaines et financières vinrent y mettre un terme et, en février 2006, “JLG” emménagea littéralement au Centre Pompidou pour réaliser une autre exposition, Voyage(s) en utopie, JLG, 1946-2006, à la recherche d’un théorème perdu. Se passant définitivement, au passage, du commissaire d’exposition Dominique Païni.
En parallèle à une “rétrospective intégrale” de 140 films et 75 documents aux Cinémas 1 et 2 du Centre, l’exposition débuta le 11 mai. À l’entrée, on lisait : “Le Centre Pompidou a décidé de ne pas réaliser le projet d’exposition intitulé Collage(s) de France, en raison des difficultés artistiques, techniques et financières qu’il présentait, et de le remplacer par un autre projet intitulé Voyage(s) en utopie […]. JLG a agréé la décision du Centre Pompidou.” Les 1 200 m2 de la galerie Sud étaient divisés en trois parties : “Avant-hier”, consacrée à l’exposition annulée ; “Hier”, où dominaient les extraits de films de JLG ; et “Aujourd’hui”, avec téléphones portables cloués au mur, séries télé, films porno et télévisions diffusant TF1 et Eurosport… Mémorable, irrésolue et sensationnelle dans sa conception, l’exposition, dans sa forme, ressemblait un peu à une parodie de “l’art d’installation” des années 90. Dans le Libération du 12 juillet, Antoine de Baecque écrivit : “Godard est parvenu à monter sur le piédestal du martyr, victime de la bureaucratie prétendument radine du Centre Pompidou. C’est une posture, celle du sale gosse gâté […]. L’expo Godard est donc une ‘catastrophe’, mais l’artiste en est fier car cette défaite de l’art était le coeur même de son projet : il a réussi dans son entreprise de fond, qui était sûrement moins de proposer une exposition de son cru, de ses images et de ses collages, que de mettre en scène sa victoire sur l’institution par destruction radicale et apocalypse définitive.”
Les objets de l’exposition furent ensuite, à la demande de JLG, donnés à la communauté Emmaüs. Le Centre Pompidou ne souhaita pas faire l’acquisition des 18 maquettes, qui seront vendues à Drouot le 3 décembre 2007 (jour de l’anniversaire de JLG) pour 11 000 euros. On ne les reverra qu’en 2018, à la Miguel Abreu Gallery, à New York, dans l’exposition Memories of Utopia: Jean-luc Godard’s “Collages de France” Models.
EN
THE DAY JEAN-LUC GODARD TROLLED THE CENTRE POMPIDOU
On 14 August 2006, “the Godard show” closed its doors at the Centre Pompidou, putting an end to an extraordinary saga. In 2003, the Pompidou’s Dominique Païni had invited JeanLuc Godard to produce something for the Parisian institution. The director initially proposed a set of shorts, but finally agreed to a classic exhibition format. A scenographer was hired, but financial and personal disputes put paid to the idea. Instead, in February 2006, Godard produced another, much smaller show all by himself, Voyage(s) en utopie, JLG, 1946–2006, à la recherche d’un théorème perdu. Memorable, unresolved and sensational in its conception, the result resembled a parody of a 90s art installation. As Libération’s Antoine de Baecque put it: “Godard has managed to climb onto the martyr’s pedestal, a victim of the supposedly stingy Pompidou bureaucracy. It’s a posture – that of the spoilt kid ... The Godard show is thus a ‘catastrophe,’ but the director is proud of the result because defeating art was at the heart of his intentions: he has succeeded in his fundamental goal, which was clearly less about putting on an exhibition of his vintage work, his images and his collages than about staging a victory over the Pompidou through radical destruction and definitive apocalypse.” Afterwards, the Centre Pompidou declined to purchase the models Godard had made for the show, which were sold at auction on 3 December 2007 (Godard’s birthday) for just e11,000.