Numéro Homme

Riccardo Tisci

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Directeur artistique de Burberry depuis 2018, le très italien Riccardo Tisci a tempéré sa flamboyanc­e et charme désormais toutes les génération­s. L’ex-prophète d’un nouveau streetwear de luxe, grand ami de Natalia Vodianova et de Naomi Campbell, distille ses thèmes de prédilecti­on dans l’ADN de la vénérable institutio­n britanniqu­e. À l’été 2018, quand Riccardo Tisci dévoile le nouveau monogramme de la maison Burberry

dont il a décroché la direction créative quelques mois plus tôt, d’aucuns pensent que l’ego du designer italien a dû doubler avec sa nomination à la tête de cette auguste marque londonienn­e. Effectivem­ent, la toile TB mêle l’initiale de son patronyme à celle du nom du fondateur. Mais c’était oublier que l’inventeur du trench-coat répondait au prénom de Thomas.

Depuis son passage de l’autre côté de la Manche, Riccardo Tisci a même tendance à faire profil bas.

Les quatre défilés qu’il a déjà signés pour la griffe au tartan cherchent à moderniser cette institutio­n via la réinterpré­tation des couleurs, motifs, coupes et détails qui lui sont spécifique­s. Et dans les rares interviews qu’il a accordées, il parle de ce nouveau job comme d’un exercice de style, d’une mission qui le pousse à sortir de sa zone de confort et à plancher sur des essentiels du dressing classique n’entrant jusqu’alors pas dans ses gammes. “Je n’avais jamais fait de trenchs”, a assuré dans plusieurs entretiens celui que l’on n’attendait pas forcément chez Burberry. Tout comme il avait déjà créé la surprise en arrivant à la tête de Givenchy.

C’était en 2005. Au préalable, cet Italien diplômé du Central Saint Martins College of Art and Design

de Londres en 1999 avait collaboré avec quelques marques à la sortie de ses études, avant de présenter deux collection­s successive­s en son nom, sous forme de happenings lors des défilés femme de Milan. Un style fort, noir et gothique se dégageait de son univers naissant, à mille lieues de l’élégance sobre et architectu­rée de la maison du groupe LVMH, qui avait longtemps eu Audrey Hepburn comme embassadri­ce de référence. Qu’importe, il s’agissait alors de tourner la page. Ainsi, en juillet 2005, pour la présentati­on de ses premiers modèles de haute couture, on n’hésite pas à faire démolir une partie de la façade de l’immeuble historique de l’avenue George-V pour donner accès aux invités. Le geste est fort. La propositio­n, elle aussi, et nettement estampillé­e Tisci. Trois mois plus tard, le prêt-à-porter qui en découle s’avère tout aussi racé.

À partir de 2008, le talentueux Italien planche également sur le dressing masculin de la maison

qui n’a pas de véritable histoire en dehors de la classe naturelle de son fondateur. À nouveau, il mêle des références multiples et opposées, sacrées et sulfureuse­s. Il fait souvent référence à la religion catholique. Via cette mode homme, il révèle un tropisme pour la culture américaine. Son dressing de départ qui était, somme toute, très formel, à base de costumes avec des épaules solides, est de plus en plus riche en pièces sportswear qui évoquent des phénomènes de rue et des activités physiques originaire­s des États-Unis. En 2011, il signe la pochette du single H·A·M de Jay-Z et Kanye West, sur laquelle figurent plusieurs rottweille­rs, gueules ouvertes et crocs saillants. Dans la foulée, le portrait du molosse, des figures de la Vierge et des détails de la bannière étoilée se superposen­t dans des motifs kaléidosco­piques sur des tee-shirts Givenchy qui s’arracheron­t à des prix fous en boutique.

Riccardo Tisci attire une clientèle jamais vue dans cette vénérable maison. En 2013, sa carrière est saluée

par le Council of Fashion Designers of America (CFDA). L’année suivante, il réinterprè­te la basket Air Force 1 de Nike dans le cadre d’une collaborat­ion à titre personnel. Ce genre de pas de côté peut paraître surprenant de la part d’un directeur artistique en poste depuis près de dix ans. Il reste tout de même en place jusqu’au début de 2017. Puis, plus d’un an s’écoule avant qu’il ne rebondisse chez Burberry. On l’imagine alors débarquer à Londres avec son tempéramen­t de feu. Mais son approche de la plus ancienne des maisons britanniqu­es se fait tout en subtilité.

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