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MONEY IS CLEARLY NOT AN ISSUE: LOGSDAIL HAS STUMPED UP SIX-FIGURE SUMS FOR CERTAIN PROJECTS, AMONG THEM AI WEIWEI’S EXHIBITION DISPOSITIO­N, SHOWN ALONGSIDE THE 2013 VENICE BIENNALE, AND ANISH KAPOOR’S (2011) AT THE GRAND PALAIS.

LEVIATHAN L’ARGENT N’EST CLAIREMENT PAS UN PROBLÈME. LOGSDAIL N’HÉSITE PAS À FINANCER À HAUTEUR DE SOMMES À SIX CHIFFRES LES PROJETS LES PLUS AMBITIEUX DE CERTAINS DE SES “POULAINS”. CE FUT LE CAS POUR DISPOSITIO­N, L’EXPOSITION D’AI WEIWEI ORGANISÉE EN 20

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À la fin des années 70, la galerie de Logsdail devient celle de la nouvelle génération de sculpteurs britanniqu­es, qui ont le même âge que lui : Tony Cragg, Richard Deacon, Richard Long. Ils sont rejoints au début des années 80 par Anish Kapoor, l’un des deux seuls artistes que Logsdail a fait entrer chez Lisson à la fin de sa formation artistique, comme il tient à le préciser. “Son travail était tellement singulier”, décrit-il – bien qu’il réfute le principe même de “découverte”. Pour lui, “le processus consiste à identifier les artistes qui ont commencé à définir un langage qui leur est propre, d’une façon convaincan­te et qui vous parle : c’est à ce moment-là que votre radar s’active.” L’argent, lui, n’est clairement pas un problème. Logsdail n’hésite pas à financer à hauteur de sommes à six chiffres les projets les plus ambitieux de certains de ses “poulains”. Ce fut le cas pour Dispositio­n, l’exposition d’Ai Weiwei organisée en 2013 en marge de la Biennale de Venise, ou pour

Leviathan, d’Anish Kapoor, en 2011 au Grand Palais. Logsdail tient aussi à soutenir des artistes dont le travail est moins commercial. Lors de notre rencontre, l’une des galeries était occupée par un quadrillag­e de fil de fer barbelé en trois dimensions, conçu spécialeme­nt pour le lieu par Santiago Sierra. “C’est une oeuvre capitale, emblématiq­ue, qui symboliser­a peutêtre un jour la triste période que traverse notre histoire”, avance le galeriste. Lors de sa première exposition chez Lisson, Sierra avait tout simplement bloqué l’accès à la galerie par une immense plaque en métal ondulé. Pour la plus récente, les conseiller­s de riches collection­neurs ont discrèteme­nt averti Logsdail que leurs clients voulaient de l’art qui soit agréable à regarder, et pas simplement “important”. Pourquoi, dans ce cas, montrer cette pièce de Sierra à la fois hostile et aliénante ? “Parce que c’est une

grande oeuvre, et que Sierra est un grand artiste”, répond Logsdail. Depuis 1970, la galerie représente John Latham, qui, on s’en souvient, avait dû abandonner son poste d’enseignant au Central Saint Martins en 1966 pour avoir emprunté à la bibliothèq­ue universita­ire un exemplaire de l’ouvrage de référence de Clement Greenberg, Art et Culture, dont il avait mastiqué les pages avant d’en restituer “l’essence” dans une fiole remplie haute cuisine, an expensive taste that the young gallerist realized he was going to have to cover. Flavin found a restaurant with a renowned wine cellar and excellent kitchen listed in the Michelin Guide. “By about 2.30 he’d drunk his way through a bottle of Château Lafite, had had this delicious lunch – all the courses – and was very happy. He said, ‘You know, this is the most wonderful experience of my life, gastronomi­cally speaking,’” recalls Logsdail, who suggested that they both retire for a nap. “He said, ‘No, no, I don’t want to sleep. I want to do it again!’ I said, ‘What, you mean tomorrow?’ He said, ‘No, now!’” To the restaurant’s bemusement, Logsdail arranged for Flavin to eat the whole meal over again, start to finish. In the late 1970s, the gallery became home to a new generation of British sculptors, artists of Logsdail’s own age: Tony Cragg, Richard Deacon and Richard Long. They were followed, in the early 1980s, by Anish Kapoor, one of only two artists, Logsdail says, that he’s signed straight out of art school. “The work was so singular,” he recalls, though he dismisses the idea of “discoverin­g” artists: “The process is to look for artists who’ve already started to define their language in a convincing way that actually communicat­es with you. That’s what your radar picks up.” While money is clearly not an issue – Lisson has stumped up six-figure sums for certain projects, among them Ai Weiwei’s exhibition Dispositio­n, shown alongside the 2013 Venice Biennale, and Anish Kapoor’s Leviathan (2011) at the Grand Palais – Logsdail is supportive of artists whose practice is less evidently commercial. When we met, an entire gallery was filled by a site-specific three-dimensiona­l grid in razor wire by Santiago Sierra. “That just might be a major iconic work that’ll symbolize this particular era in our

d’une macération de papier et de salive. Cette année, Latham se voit inviter à la Serpentine Gallery de Londres et à la Biennale de Venise. En misant sur le (très) long terme, Logsdail avait clairement fait un choix judicieux. Dans cette même veine, la galerie compte parmi ses nouvelles recrues Marina Abramovic, qui, malgré sa renommée internatio­nale, a souvent eu du mal à monétiser ses performanc­es. Logsdail l’a reçue chez lui sur l’archipel kenyan de Lamu, dans une maison qui a déjà accueilli plus d’un artiste en résidence informelle. Durant son séjour, elle a confié ses erreurs et ses errances à un âne qu’elle avait introduit dans la cour. L’âne est parti au bout d’une petite heure, et elle s’est sentie “un peu mieux”. Dans ce qu’Abramovic a pu écrire sur ses incursions londonienn­es du début des années 70, elle confesse que Lisson était sa galerie préférée, mais qu’elle était trop timide pour adresser la parole au jeune homme de l’accueil ; c’était Logsdail, qui deviendra son galeriste quarante ans plus tard. Le cinquantiè­me anniversai­re de Lisson sera salué, cette année, par la publicatio­n d’un ouvrage imaginé par Irma Boom, et par une ambitieuse exposition hors les murs intitulée Everything at Once, qui combinera un “best of” avec des oeuvres plus récentes et de nouvelles commandes, sur de multiples formats et supports. La galerie a désormais deux espaces à New York, ouverts à neuf mois d’intervalle en 2016 et 2017, et placés sous la responsabi­lité d’Alex, le fils de Logsdail. Le père ne compte pas pour autant se retirer de la gestion de la galerie. Comme pour démontrer son absence de snobisme (dont il affirme qu’elle lui vient de son ascendance norvégienn­e), Logsdail me propose aimablemen­t de poursuivre notre conversati­on durant sa visite chez le podologue – tout ceci faisant partie, dit-il, d’un effort global visant à rester d’attaque pour entamer dans les meilleures conditions le prochain chapitre de l’aventure de Lisson. “D’une certaine manière, revisiter cinquante ans d’histoire de la galerie m’a réveillé. Je me sens plein d’énergie et j’ai envie de retrouver toute ma curiosité !” conclut-il.

Everything at Once, du 5 octobre au 10 décembre, Store Studios, 180 The Strand, Londres. unfortunat­e history,” muses Logsdail. Advisers to some of the wealthiest collectors have told him they require art that’s not just important but also beautiful; so why show a Sierra piece that is hostile and alienating? “Because he’s a great artist and it’s a great work.” Since 1970, Lisson has represente­d John Latham, who infamously lost his St. Martins College teaching post in 1966 when he chewed up a library copy of Clement Greenberg’s Art and Culture and returned the book’s “essence” as a phial of fermented spit. This year Latham has been honoured with a solo show at the Serpentine and an extensive display at the Venice Biennale: Logsdail clearly banked well in playing the (very) long game. A more recent newcomer is Marina Abramovic, who, despite her fame, long struggled to monetize her performanc­e works. Logsdail has hosted Abramovic at his house on Lamu, an island off the coast of Kenya that has been the site of a number of informal artist residencie­s. While there, she confessed all the mistakes in her life to a donkey that she stationed in Logsdail’s backyard. The donkey walked off after an hour, and Abramovic felt “a little better.” (Writing about her time in London in the early 70s, Abramovic said Lisson was her “favourite” gallery, but confessed she was too shy to speak to the young man at the front desk – Logsdail – who would become her gallerist 40 years later.) Lisson’s 50th birthday will be celebrated by an Irma Boom-designed book and an ambitious off-site exhibition, Everything at Once, showing greatest hits, recent works and new commission­s. Today Lisson has two new spaces in New York, run by Logsdail’s son Alex. But papa isn’t going to step aside just yet. Looking back over Lisson’s five decades “has woken me up in a way,” he says. “I feel very energized to get back into the curiosity department!”

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CI-CONTRE YOKO ONO AU SEIN DE SON INSTALLATI­ON HALF-A-ROOM À LA LISSON GALLERY EN 1967, ANNÉE DE SON OUVERTURE.

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