Art diary : chronique d’un reporter infiltré.
DE PARIS À PORTO
Ce que l’on appelle le “politiquement correct” est une façon de penser
qui vise à rétablir l’équilibre quand le rapport entre deux camps est bancal. On a ainsi assisté, ces dernières années, à un réajustement tardif de la présence des ar tistes femmes au sein des institutions, et notamment des expositions. Sur le marché, les choses ne vont pas aussi vite car, sur les six premiers mois de l’année 2018, lorsqu’on combine le nombre de ventes par ar tiste avec les meilleurs produits de ventes, la première femme, la Japonaise Yayoi Kusama, ne pointe qu’à la vingtième place.
Mais ce qui est nouveau et qui dope le marché des acquisitions,
c’est la demande muséale. En effet, selon Artprice, il s’ouvre en moyenne 700 nouveaux musées par an, notamment en Chine, et il s’est construit plus de musées depuis l’an 2000 que durant les XIXe et XXe siècles réunis.
Tout l’été, cet effet de réajustement a fonctionné puisque
de nombreuses expositions – et ce n’est que le début – ont mis en avant des ar tistes issus de ce que l’on appelait traditionnellement les “minorités”. Jean- Michel Basquiat, même si l’exemple est un peu facile, fera l’objet d’une grande exposition à la rentrée à la Fondation Louis Vuitton.
Je me demande d’ailleurs si ces questions de “rééquilibrage”
intellectuel et politique précèdent ou suivent la mode des cures détox qui visent à préserver le corps de son côté acide ( versus l’alcalin). En effet, ces dernières années de nombreuses cliniques ont mis en avant le principe de la cure Mayr, en allemand
Mayr- Kur. Elle a été créée par le professeur autrichien Franz Xaver Mayr (1875-1965), qui consacra toute sa vie à l’étude de l’appareil digestif, constitué par l’oesophage, l’estomac, le foie et sur tout l’intestin, qui, comme nous le savons tous désormais, est l’organe le plus important après le cerveau. Cette cure favorise la détoxification à travers l’expulsion des toxines, qui se manifeste chez le patient par l’émission de diarrhées abondantes et putrides, d’urine à l’odeur d’ammoniac et de transpirations
malodorantes, et c’est un succès.
Cindy Sherman est une adepte – elle est même devenue l’une des égéries
de Lanserhof, l’un de ces complexes hospitaliers haut de gamme dans lesquels se croisent la crème de la crème du monde de l’art et de la mode ( et de l’industrie aussi, bien entendu). Pour tant la cure est assez simple : on y mange sur tout des patates à l’eau, car elles sont alcalines. On restera discret, car les artistes, collectionneurs et galeristes qui fréquentent ces établissements veulent demeurer anonymes, mais regardez autour de vous, ils sont là !
Enfin, on attend avec impatience Grand Basel, la nouvelle foire
qui aura lieu à Miami Beach et Hong Kong, et produite par la même maison qu’Ar t Basel – sauf qu’au lieu d’oeuvres d’ar t il s’agit de voitures. Le marché semble juteux, Sotheby’s vient de vendre une Ferrari 250 GTO de 1962 pour 48,4 millions de dollars. Grand Basel a un comité d’advisors trèc chic puisque Sylvie Fleury et Lapo Elkann en font par tie.
L’ar t peut être dangereux, un visiteur en a tristement fait l’expérience
au musée Serralves de Por to, il est tombé dans le trou d’une installation d’Anish Kapoor en s’approchant trop près de l’une de ces cavités de pigments illusionnistes dont on ne saisit pas bien la structure en trompe- l’oeil. Profond ? Pas profond ? On s’approche… et boum !
Anish Kapoor et son exposition auront eu une couverture médiatique
sans précédent, c’est dommage que les grands médias ne s’attachent qu’aux anecdotes sur l’art contemporain.