Numero

Lenny Kravitz. Propos recueillis

- Rosemont par Sophie

Avec sa dégaine unique et son charisme solaire, il incarne l’archétype de la rock star, sur qui le temps n’a aucune prise. Véritable homme- orchestre capable de jouer de tous les instrument­s, Lenny Kravitz revient avec Raise Vibration, un manifeste groovy et engagé, onzième album de sa carrière. Empreint de gospel et de chants amérindien­s, en hommage à ses racines cherokees, cet opus vibrant et intime célèbre aussi des figures telles que Michael Jackson ou Johnny Cash. Rencontre.

Couronne de dreadlocks, blouson en cuir noir, verres fumés et pistaches à por tée de main… en cette matinée parisienne grisâtre, Lenny Kravitz tient par faitement son rôle de star. À 54 ans, n’ayant rien perdu de son sex- appeal, le musicien ne fait pas son âge, le sait, et semble doté d’une confiance en béton armé. Aussi solide que les compositio­ns de son nouvel album,

Raise Vibration, son meilleur depuis longtemps. Si l’atmosphère musicale reste rock’n’roll, ses douze morceaux témoignent d’un groove contagieux, où se croisent échos tribaux, influences funky, pop mâtinée de folk, gospel revisité… Un melting- pot risqué mais réussi, grâce au timbre reconnaiss­able entre mille de Kravitz, et d’un renouveau d’inspiratio­n qui lui va plutôt bien, plongeant dans les racines de la culture afro- américaine. Ceux qui le pensaient encroûté dans un rock FM trop clinquant ont de quoi réviser leur jugement… Multiinstr­umentiste et parolier accompli, Lenny Kravitz est aussi une bête de scène – comme il le prouve à chacune de ses tournées, moment de symbiose collective étonnant à voir et auquel il est impossible de résister. La plus récente démonstrat­ion parisienne, en juin à l’AccorHotel­s Arena, était bluf fante de générosité : pas du genre à bouder ses tubes, n’économisan­t aucun solo ni effet scénique, voix sollicitée au maximum et reprises bien senties ( Get Up, Stand

Up de Bob Marley), il a offer t une vraie leçon d’enter tainment.

NUMÉRO : Votre dernier concert à Paris, en juin, était une véritable démonstrat­ion scénique, sans temps mor ts. Où puisez- vous votre énergie ?

LENNY KRAVITZ : Dans la musique. C’est ce qui me transpor te. L’énergie du public aussi. J’ai la chance qu’il me montre un amour sans faille, depuis toujours. Peut- être parce que c’est ce dont parle ma musique, qui est très positive. Les gens viennent chercher un sentiment d’unité, de rassemblem­ent. Même s’ils ne se connaissen­t pas en arrivant, ils se rapprochen­t le temps de mon concer t.

Comment est né Raise Vibration ?

Très spontanéme­nt. Je n’avais aucune idée de ce que je devais faire : le style, les sujets, l’ambiance… J’étais juste ouver t à mon inspiratio­n, quelle qu’elle soit. Non filtrée, brute. Elle m’est venue par des rêves. J’avais ces songes la nuit, des histoires fantastiqu­es, oniriques, mais aussi plus concrètes concernant ma propre vie et le monde qui nous entoure. C’est ce qui donne un aspect très visuel à ces nouvelles chansons. Vu que sur le disque je jouais de tous les instrument­s, j’ai confié la production à mon guitariste de longue date, Craig Ross, et le résultat est incroyable. Nous avons enregistré dans mon studio aux Bahamas… en huis clos, sans autre distractio­n que la nature. C’est propice à la création…

Rassurez- nous, New York reste votre ville de prédilecti­on ?

Absolument, mon coeur appar tient à New York. C’est là que je suis né, que j’ai grandi, que j’ai façonné mon sens du rythme et des couleurs. Que j’ai appris sur les autres.

Un instrument vous a- t- il semblé plus crucial sur cet enregistre­ment ?

Les percussion­s, les congas en particulie­r, m’ont apporté beaucoup de plaisir. À mes débuts je jouais de tous les instrument­s car je n’avais pas les moyens de me payer les musiciens que je voulais, et finalement, c’est devenu un choix de convenance. Passer d’un instrument à un autre est fluide pour moi, presque thérapeuti­que.

Avec des titres comme It’s Enough, qui s’insurge contre la violence subie par les Afro- Américains, peut- on parler d’album engagé ?

C’est dif ficile de ne pas se sentir concerné par ce qui se passe actuelleme­nt. Il y a dix ans, je n’aurais pas pu écrire cet album. Notre époque est vraiment sombre, per turbée, anxiogène. En 2018, des gens se font encore la guerre, le racisme et la misogynie existent encore, c’est insuppor table. Pour tant, et je ne sais pas si c’est une qualité ou non, j’ai toujours été optimiste. Je pars du principe que l’homme peut changer. Cependant, il y a de plus en plus d’actions à envisager sur cette planète et on a de moins en moins de temps. Du point de vue de l’environnem­ent notamment. Le moins que je puisse faire, c’est d’en parler, de réagir à ma manière, de sensibilis­er ceux qui m’écoutent…

Avec des morceaux dépassant largement les quatre minutes, vous ignorez les formats pop. Une volonté de votre par t ?

Oui. Les morceaux de Raise Vibration ne sont pas unidimensi­onnels comme tant de musiques d’aujourd’hui, ils prennent le temps qu’ils veulent. Ils n’ont pas été calibrés pour la radio, ni pour les auditeurs pressés. La technologi­e, c’est génial, mais le fait que certains n’écoutent que quarante secondes d’une chanson avant de passer à autre chose me semble incompatib­le avec la moindre idée de musicalité. D’ailleurs, Raise

Vibration s’écoute avant tout sur un vinyle.

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