Numero

Jennifer Lawrence, icône contempora­ine. Par Olivier Joyard

- Par Olivier Joyard

Oscarisée à 23 ans, actrice emblématiq­ue de son époque, Jennifer Lawrence alterne avec intelligen­ce entre blockbuste­rs et films d’auteur, et défend avec force ses conviction­s, participan­t notamment au mouvement # Timesup. La belle actrice brille cet automne dans le film signé Francis Lawrence, célèbre réalisateu­r de Hunger

Games, qui présente le nouveau parfum Joy, de Dior, dont elle est l’égérie.

La première fois que nous avons croisé

Jennifer Lawrence, au début des années 2010, elle venait tout juste d’obtenir sa première nomination aux Oscars pour le titre de meilleure actrice, grâce à son rôle dans le hit indé

Winter’s Bone de Debra Granik. Elle n’avait que 19 ans et le regard fulgurant. Elle ne gagnerait finalement la statuette que trois ans plus tard avec

Happiness Therapy de David O. Russell, une comédie romantique stylée et profonde où elle donnait la réplique à Bradley Cooper. Mais déjà, dans ce palace de Londres où se pressait un essaim de journalist­es d’ordinaire blasés, une concentrat­ion particuliè­re se devinait, comme si les uns et les autres avaient le sentiment dif fus de rencontrer tout autre chose que la sensation de l’année : plutôt une actrice promise à un destin hors catégorie. L’intéressée était drôle, intelligen­te, émouvante, un peu sur la réserve, mais sûre d’être à sa place.

Huit ans plus tard, Jennifer Lawrence a fait plus que confirmer ces prédiction­s et murmures d’un jour. Avec quatre nomination­s à son actif,

elle est devenue la plus jeune femme nommée autant de fois à l’Oscar de la meilleure actrice. Elle a aussi occupé plusieurs années de suite, la place de comédienne la mieux payée à Hollywood, selon le magazine Forbes – ses films ont rapporté dans le monde plus de cinq milliards de dollars. On appelle cela maîtriser son sujet. Régner sans partage. Ce qu’aucune consoeur n’avait réussi à faire aussi longuement depuis Julia Rober ts.

Avec l’héroïne de Pretty Woman, Jennifer

Lawrence partage quelque chose de la magie des all American girls qui ne viennent pas des grandes villes ni des côtes, mais ont grandi dans le Sud profond, au soleil des prairies. Jennifer Lawrence est née dans le Kentucky, terre du bluegrass et des cheerleade­rs – elle fit d’ailleurs par tie d’une équipe pendant ses années collège. Ces origines du Sud, elle n’a jamais par ticulièrem­ent cherché à les laisser de côté, même si, pour elle, il a assez vite fallu en sortir. Une question d’ambition. C’est lors de vacances à New York qu’un scout l’a repérée

dans la rue avant de lui proposer de rencontrer des agents. Elle avait alors 14 ans. Le début d’une période où Jennifer Lawrence met toutes les chances de son côté, jusqu’à ne plus suivre une scolarité classique. Son premier moteur ? Retrouver des sensations enfantines. L’actrice a expliqué que lorsqu’elle était enfant, jouer devant sa famille ou dans des pièces à l’école éloignait toute son anxiété potentiell­e et lui redonnait confiance. C’est peut- être cela qui nous attache à elle des années plus tard : cette joie inaltérabl­e de jouer, cette manière simple et naturelle de transforme­r n’importe quel environnem­ent en espace de liberté.

Le défi n’était pas simple. Très vite,

Jennifer Lawrence a alterné avec la souplesse d’un chat production­s indépendan­tes et blockbuste­rs pour devenir capable d’à peu près tout, sans désoriente­r celles et ceux qui la suivaient. Un talent rare. Dès 2011, X- Men

– Le Commenceme­nt de Matthew Vaughn a fait d’elle une star mondiale en lui offrant le rôle de Mystique, une mutante capable de changer de forme et d’apparence – la parfaite métaphore d’une actrice. La tétralogie Hunger Games, où elle interprète Katniss Everdeen, une jeune ado rebelle, a prouvé qu’elle était capable de jouer la tête d’affiche d’une franchise aux enjeux financiers colossaux. Ces films ont aussi “enregistré” la progressio­n de Jennifer Lawrence vers les sommets en montrant une jeune femme de plus en plus sûre d’elle et de ses choix. Dans le même temps, on la retrouvait sous la direction de Jodie Foster pour Le Complexe

du castor [ The Beaver], à l’affiche de l’une des seules comédies romantique­s contempora­ines prises réellement au sérieux, Happiness Therapy, et en héroïne d’un film de casse situé dans les seventies et devenu un classique immédiat,

American Bluff [ American Hustle]. À chaque fois, Jennifer Lawrence se ressemble. Mieux, c’est elle qui donne le tempo des films en imposant sa manière d’être sans effor t. Son intensité fait mouche, sa capacité à jouer la jeunesse en y laissant glisser une sagesse sans âge.

Ainsi, qualifier Jennifer Lawrence de “jeune actrice” n’a donc pas vraiment de sens et n’en a peut- être jamais eu. La suite de sa carrière s’annonce pour cette raison aussi passionnan­te que ce qu’elle a déjà accompli. Dans le film réalisé par Francis Lawrence qui accompagne la sortie mondiale du parfum Joy de Dior dont elle est l’égérie, elle retrouve en quelques battements de jambes dans une piscine de Beverly Hills une aura glamour en forme d’éternel hollywoodi­en : elle est une femme de 2018 qui aurait pu traverser à peu près toutes les époques, une incarnatio­n du contempora­in jamais contrainte par le présent. “Francis et moi travaillon­s ensemble depuis de nombreuses années. On a collaboré

notamment sur Hunger Games et sur Red

Sparrow. Puisqu’il me connaît très bien, il a su intégrer plusieurs aspects de ma personnali­té dans le film. Nous avons plus cherché à capturer des émotions qu’à raconter une histoire linéaire. C’était aussi amusant que passionnan­t de travailler ensemble de cette manière, c’est une approche tout à fait nouvelle pour nous.”

À propos du lancement de Joy de Dior, la comédienne se glisse directemen­t dans une perspectiv­e historique : “Cela faisait vingt ans que Dior n’avait pas lancé une nouvelle fragrance féminine. C’est un événement majeur et un réel honneur pour moi de pouvoir par ticiper à une aventure comme celle- ci.” Depuis quelques années, Jennifer Lawrence a changé, et pas seulement parce que la vie a fait d’elle l’actrice la plus désirable de son temps. Avide de repos, elle a pris davantage le temps de réfléchir à ses engagement­s. Le féminisme en est un, qui coule de source à l’ère du mouvement # TimesUp auquel elle a par ticipé à l’hiver 2018. “Je vois en moi une femme for te, qui tient les rênes de sa vie. Il y a plusieurs femmes qui m’ont beaucoup inspirée. Sur le plan profession­nel, j’ai eu la chance de travailler avec Jodie Foster quand j’avais 18 ans environ. Elle m’a donné des conseils précieux, sur ma carrière, comme sur la vie en général. Jodie a été un vrai modèle pour moi. Après, il y a mes amis, ma mère et ma famille.” Jennifer Lawrence revendique une

vie simple (“Ce qui m’appor te de la joie ? Mon chien Pippi, mes amis et la lecture.”) où perce constammen­t une ouver ture à la passion. Son livre préféré est le tragique roman de Léon Tolstoï, Anna Karenine, dont elle explique avoir “relu les mêmes chapitres encore et encore…”

L’actrice trouve le goût de l’engagement urgent et nécessaire, et s’implique activement dans une organisati­on bipartisan­e investie dans la lutte pour rénover la démocratie

américaine : “Je passe du temps au sein de l’associatio­n RepresentU­s, dont je suis membre, et dont l’objectif est d’inciter les jeunes à s’engager sur le plan politique. RepresentU­s est la plus grande campagne anticorrup­tion des États- Unis. Agissant au niveau local, elle unit les conservate­urs, les progressis­tes et tous ceux qui se situent entre les deux. Notre objectif est de réparer le système politique américain, dysfonctio­nnel aujourd’hui. Nous contournon­s le Congrès en faisant passer des lois anticorrup­tion dans les villes et les États. Ces lois protègent nos communauté­s et aident à créer une dynamique pour une future réforme nationale.” Avant la sortie du dernier épisode de

la série X- Men, en février 2019, Jennifer Lawrence a donc du pain sur la planche en dehors des plateaux… avant d’y retourner de plus belle. La planète cinéma n’attend qu’elle.

Newspapers in French

Newspapers from France