Numero

BEAUTÉ MAGNÉTIQUE

La gracieuse Irina Shayk a su imposer avec force et douceur sa beauté majestueus­e sur les podiums des plus grandes maisons de mode comme sur les couverture­s des plus beaux magazines. Rencontre.

- Propos recueillis par Léa Zetlaoui, portrait Peter Lindbergh

NUMÉRO : Quand avez- vous débuté votre carrière de mannequin ?

IRINA SHAYK : Je viens de Iemanjelin­sk, une petite ville minière située en Russie, au milieu de nulle par t, et, jeune, je n’avais aucune idée de ce qu’était la mode. Nous n’avions même pas de magazines de mode. Donc, je n’ai jamais envisagé de devenir mannequin car cette profession n’existait littéralem­ent pas dans notre ville. J’ai commencé assez tard, à l’âge de 19 ans. Mon premier voyage à Paris fut une période difficile pour moi, je n’avais pas d’argent, je ne parlais pas anglais et je devais tout apprendre très vite.

À quel moment votre carrière a- t- elle décollé ? Mon premier contrat avec Intimissim­i, en 2007, a tout changé. C’était mon premier gros contrat. Grâce à cette marque, j’ai voyagé dans les plus beaux endroits du monde et travaillé avec des équipes incroyable­s pour des shootings. Tout se passe tellement bien que treize ans plus tard, nous collaboron­s toujours ensemble. L’équipe Intimissim­i est une vraie famille pour moi.

Comment avez- vous vécu le fait d’être exposée à ce point sous le regard de l’industrie de la mode ?

Être exposée en permanence fait par tie de mon métier. Je suis fière du travail que je fais, je donne toujours mon maximum. Pour chaque shooting, spectacle ou événement auxquels je par ticipe, j’essaie de faire de mon mieux.

Comment vous adaptez- vous à la situation actuelle de confinemen­t ?

Je reste à la maison et je m’assure de suivre toutes les règles de la quarantain­e. Ma mère est venue me rendre visite avant le début du confinemen­t. Elle est donc avec moi maintenant et je suis très heureuse que nous puissions passer plus de temps ensemble.

Quelle était votre relation avec votre corps lorsque vous avez commencé et qu’en est- il aujourd’hui ?

Au début, comme tout le monde, je n’étais pas sûre de mon corps. Mais avec l’âge et l’expérience, j’ai appris à avoir confiance en moi et à me sentir forte. Dans la vie, je pense que la beauté intérieure est beaucoup plus importante que la beauté extérieure. Au fil du temps, j’ai trouvé la paix intérieure et l’équilibre. Être mère a beaucoup changé ma vie, et aujourd’hui je découvre un nouvel aspect de la beauté féminine dans la maternité.

Comment la maternité a- t- elle modifié votre rapport à votre corps ?

C’est lors d’un shooting avec Peter Lindbergh que j’ai réellement commencé à me sentir dif férente. J’étais enceinte de cinq mois, mais personne ne le savait, et, grâce à Peter, je me suis sentie tellement à l’aise et tellement unique… Il a réellement su exalter ce que je ressentais au fond de moi à ce moment- là. J’ai compris qu’être enceinte me donnait une émotion puissante et me remplissai­t de bonheur et d’amour. Les photos de ce shooting comptent parmi les plus belles que j’ai faites. Peter en a même tiré quelques- unes pour me les of frir. Je les ai fait encadrer, et maintenant elles sont accrochées chez moi. C’était une personne qui comptait beaucoup pour moi et il me manque énormément.

D’ailleurs, Peter Lindbergh et Babeth Djian vous ont justement photograph­iée pour la couverture du Numéro 200, qui célébrait les 20 ans du magazine. Vous arboriez une perruque courte, un look garçonne qui contrastai­t avec votre apparence habituelle. Quel souvenir gardez- vous de ce shooting ?

Ce shooting avec Peter et Babeth était tout simplement magique ! J’adore changer d’apparence et proposer des personnage­s différents. C’est toujours un grand défi et une expérience. Mais lorsque vous êtes entre de bonnes mains, vous avez ce sentiment que la magie opère réellement. Ils me demandaien­t souvent mon opinion pendant le shooting, et je leur répondais : “Comme vous voulez !”, car je faisais entièremen­t confiance à leur goût et à leur créativité. Sans que je le sache, ce devait être, hélas, mon dernier shooting avec Peter, et je ne l’oublierai jamais.

Dans la période actuelle, on assiste à de grands bouleverse­ments pour les femmes, notamment dans la manière qu’elles ont de percevoir leurs corps et leur féminité. Que pensez- vous de ces changement­s ?

Pour moi, la beauté intérieure est la seule beauté qui compte chez un être humain.

Il y a quelques années, Intimissim­i avait lancé une campagne avec ce puissant message, et je suis fière d’en avoir fait par tie.

La mode change si vite, des tendances du passé paraissent bizarres aux génération­s suivantes, mais seule la beauté intérieure demeure. Je suis persuadée que chaque femme est belle à sa manière et possède une beauté qui lui est propre.

Selon vous, quel est l’impact de ces évolutions sur l’industrie de la mode ?

Je pense que la mode prête aujourd’hui davantage attention à la personnali­té. J’aime le fait que, chaque année, on observe de plus en plus de diversité dans les campagnes et dans les défilés. L’industrie est beaucoup moins rigide qu’auparavant.

Lorsque vous arpentez les podiums, vous semblez pleine de confiance en vous, est- ce aussi le cas dans la vie ?

Oui, c’est le cas. Je viens d’une famille où les femmes ont beaucoup de caractère.

C’est dans notre sang. J’ai toujours admiré la façon dont ma mère et ma grand- mère ont fait face aux moments les plus dif ficiles de leur vie. D’elles j’ai appris qu’il ne faut jamais abandonner et toujours garder espoir.

Pourquoi aujourd’hui cer taines mannequins travaillen­t- elles au- delà de 25 ans ? L’apparence compte, bien sûr, mais ce n’est plus l’essentiel. Celles qui aujourd’hui profitent d’une carrière plus longue possèdent bien plus qu’un physique avantageux. C’est davantage une question de personnali­té et de caractère.

Aujourd’hui, votre nom est souvent cité parmi les Supermodel­s, à l’instar de Naomi Campbell ou de Linda Evangelist­a. Qu’est- ce que cela signifie pour vous ?

C’est un grand honneur. Ces femmes sont de véritables icônes qui ont une force et un charisme impression­nants. Dans notre monde, quand une femme ne se met plus aucune barrière et s’autorise à être entièremen­t elle- même, sa voix est entendue.

Vous avez eu la chance de défiler pour le dernier show couture de Jean Paul Gaultier. Quel regard por tez- vous sur ce couturier ?

Je suis une fan absolue de Jean Paul Gaultier et de son héritage. Il a toujours été totalement libre. Il n’a jamais eu peur de prendre des risques ni de proposer des styles et des silhouette­s for tes et provocante­s. C’est un ar tiste extraordin­aire, mais aussi une personne qui sait rester simple et à qui le succès n’a pas tourné la tête. Il est très attentionn­é vis- à- vis des autres et extrêmemen­t talentueux. J’adore sa créativité qui n’a littéralem­ent pas de frontières, et ses shows qui sont toujours une vraie déclaratio­n de ce en quoi il croit.

Vous êtes aussi très proche de Riccardo Tisci… La première fois que j’ai rencontré Riccardo Tisci, c’était il y a huit ans, lors d’une soirée, et ma première surprise fut de constater à quel point il était doux et simple. Je l’ai revu lors du casting pour mon premier défilé Givenchy : je me rappelle la façon dont il me regardait, et les belles choses qu’il m’a dites. Je suis littéralem­ent tombée amoureuse de lui. Il est l’une de ces personnes qu’on a l’impression de connaître depuis toujours, même lorsqu’on les rencontre pour la première fois.

“Quand une femme ne se met plus

aucune barrière et s’autorise à être entièremen­t elle- même,

sa voix est entendue.”

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France