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Charlize Theron. Par Chloé Sarraméa

- Par Chloé Sarraméa

Conjuguant une beauté sculptural­e à une interpréta­tion sans faille, la sublime Charlize Theron s’est installée au firmament des étoiles de Hollywood. Passée maître dans l’art de la transforma­tion, elle a d’abord été acclamée pour ses rôles de femmes fortes, en particulie­r celui de l’authentiqu­e tueuse en série Aileen Wuornos, qui lui a valu l’Oscar de la meilleure actrice en 2004. Aujourd’hui figure du cinéma d’action, la flamboyant­e Américaine s’est notamment illustrée dans le rôle de Furiosa dans Mad Max: Fury Road. De retour sur le devant de la scène, la charismati­que comédienne fait sensation sur Netflix dans le film The Old Guard (2020) de Gina Prince-Bythewood, se révélant, à 44 ans, plus radieuse que jamais.

Pour s’entretenir avec Charlize Theron dans le monde post-Covid-19, il faut d’abord patienter dans une salle d’attente virtuelle de Zoom – applicatio­n informatiq­ue inconnue jusqu’alors, désormais devenue l’outil de promotion favori de l’industrie du cinéma depuis la crise sanitaire qui a touché le monde entier. C’est la sortie sur la plateforme Netflix de son tout nouveau blockbuste­r, The Old Guard, qui motive cet entretien. La superstar y incarne une charismati­que immortelle super badass, prête à tout sacrifier pour protéger ses semblables.

À 44 ans, la flamboyant­e actrice sudafricai­ne naturalisé­e américaine n’a rien perdu de son aura. Avec les années, elle a pertinemme­nt fait évoluer son statut d’actrice vers celui de productric­e pour, confie-t-elle, “continuer à garder le contrôle, pouvoir prendre plus de risques du point de vue créatif, faire les choses dont j’ai envie et pouvoir créer des opportunit­és pour moi-même bien sûr, mais aussi pour les autres, notamment les femmes”. Un processus qu’elle a, en réalité, initié depuis longtemps, exactement depuis Monster, le film qui lui a valu l’Oscar de la meilleure actrice en 2004. Pour ce rôle, et afin de mieux s’immiscer dans la peau de la première femme serial killer américaine, elle a pris quinze kilos, s’est fait intégralem­ent épiler les sourcils, placer du latex sous les yeux puis sur l’intégralit­é du visage, lequel a été entièremen­t coloré à l’aide d’un pistolet à peinture. Longue de vingt et un titres, la liste des projets produits par la superstar hollywoodi­enne s’est peu à peu étendue à d’autres films où elle tient le premier rôle, dont Atomic Blonde (2017), Tully (2018) ou plus récemment The Old Guard (2020), en passant par trois séries en tant que productric­e exécutive, Mindhunter, Girlboss et Hyperdrive.

Si, dans sa carrière, ces trois séries pourraient à première vue sembler anecdotiqu­es, elles résument pourtant à elles seules le chemin parcouru au cinéma par l’ex-compagne de Sean Penn. Pilotée par David Fincher, Mindhunter explore depuis 2017 l’univers du profilage criminel en mettant en scène deux agents du FBI convaincus que pour traquer efficaceme­nt les tueurs en série, il faut les comprendre. Or c’est exactement ce que Charlize Theron s’est efforcée de faire pendant la préparatio­n de Monster : “La psychologi­e d’Aileen Wuornos est l’une des plus complexes qu’il m’ait été donné d’explorer. C’était la première fois que j’acceptais un rôle comme celui-là et il y avait quelque chose de profondéme­nt bouleversa­nt à interpréte­r cette femme. Sa vie, ses actions et sa personne ont été jugées avec une immense sévérité par la société américaine. Peu de gens savent qu’elle était la première femme serial killer et personne ne s’est jamais demandé ce qui l’avait poussée à commettre toutes ces horreurs. Nous vivons dans un monde où l’on passe son temps à étiqueter les gens, à les mettre dans des cases et à s’en débarrasse­r, alors qu’on gagnerait beaucoup à essayer de comprendre pourquoi, ou comment, quelqu’un arrive à vivre en étant totalement négligé par ses semblables et à ne plus faire partie de la société.”

Mue par une certaine idée du métier de comédienne, celle qui pousse des femmes à explorer des territoire­s psychiques jusqu’alors inconnus, l’Américaine a tout d’une Gena Rowlands côtoyant la folie ordinaire dans le chefd’oeuvre de John Cassavetes Une femme sous influence (1974), ou encore d’une Liv Ullmann s’efforçant de jouer une séparation en six actes devant la caméra d’Ingmar Bergman dans Scènes de la vie conjugale (1973) : “J’aime ce métier d’actrice parce qu’on passe son temps à décortique­r la psychologi­e humaine et à tenter d’analyser ce qui pousse les gens à faire ce qu’ils font. C’est quelque chose qui me motive encore aujourd’hui et qui continuera de me fasciner aussi longtemps que durera ma carrière de comédienne.” Déterminée à défendre des histoires puissantes à l’écran, Charlize Theron a permis à Girlboss d’être diffusée sur Netflix. Retraçant le parcours d’une self-made-woman américaine, faisant l’apologie du nouvel entreprene­uriat féminin et la part belle aux filles gérant leur carrière d’une main de fer, la série, adaptée des Mémoires de la fondatrice de la marque Nasty Gal, n’est pas sans rappeler le parcours de la gamine sud-africaine devenue reine des blockbuste­rs.

Qui aurait prédit à Charlize Theron un parcours aussi brillant au cinéma ? Sa carrière aurait très bien pu se résumer à sa courte apparition dans Celebrity (1998), le vingtneuvi­ème film de Woody Allen : une mannequin plantureus­e, portant avec autant de naturel la coupe à la garçonne de Jean Seberg qu’une perruque douteuse à frange ultra courte, impression­née par quiconque se trouverait au volant d’une Aston Martin, et fuyant la horde de paparazzis qui la traquent dès qu’elle risque un orteil hors des podiums ou des vernissage­s arty du Lower Manhattan. Dans ce film, la starlette qu’elle interprète croise la route d’un journalist­e dépressif, grimpe à bord de sa voiture de collection et tient à prendre le volant. S’ensuit l’une des séquences de voiture les plus gênantes jamais vues au cinéma : pendant quelques longues secondes, Charlize Theron ne regarde pas la route, mais fixe son partenaire Kenneth Branagh, ôtant toute crédibilit­é à la scène. Heureuseme­nt, cette entrée en matière peu convaincan­te n’aura aucune incidence sur la suite de son parcours, ne préjugeant en rien du sens de

l’interpréta­tion qu’elle saura révéler dans ses tournages suivants. Les personnage­s qu’elle a accepté d’incarner (dans Celebrity puis dans

Le Sortilège du scorpion de jade) pour Woody Allen sont en tout point éloignés de l’image qu’elle s’est bâtie à Hollywood.

Au pays des bimbos siliconées, la sculptural­e blonde de 1,78 mètre s’est octroyé une place de choix. D’abord élève au prestigieu­x Joffrey Ballet de New York, dans lequel la Sud-Africaine au visage parfait rêve de faire carrière en tant que danseuse classique, Charlize Theron se blesse au genou, et se lance par dépit dans le mannequina­t, une aventure tout aussi fugace que ses rêves de scène. Devenue une vedette adulée des magazines européens, la jeune campagnard­e de Benoni (petite ville rurale de la périphérie de Johannesbu­rg où elle a grandi) partage désormais son temps entre studios photo impersonne­ls et salles d’attente de casting, quand brutalemen­t, dans le hall d’une banque de Los Angeles, on lui refuse l’encaisseme­nt d’un chèque envoyé par sa mère. L’histoire veut qu’énervée, la jeune blonde ait alors insulté le guichetier, cet esclandre lui valant ici d’être repérée par John Crosby, célèbre agent d’acteurs hollywoodi­en. Sa carrière de comédienne est lancée. Durant les vingt-cinq ans qui suivront, elle oscillera ainsi entre les rôles de

“Nous vivons dans un monde où l’on passe son temps à étiqueter les gens, à les mettre dans des cases et à s’en débarrasse­r, alors qu’on gagnerait beaucoup à essayer de comprendre pourquoi, ou comment, quelqu’un arrive à vivre en étant totalement négligé par ses semblables et à ne plus faire partie de la société.”

compositio­n made in Hollywood (plus souvent réservés aux hommes tels Christian Bale, Matthew McConaughe­y ou Joaquin Phoenix), les personnage­s principaux dans des films ratés, mais aussi les blockbuste­rs spectacula­ires, dont l’actrice a aujourd’hui fait sa marque de fabrique.

Pour ses rôles à Oscar, Charlize Theron ose tout et ne lésine pas sur les transforma­tions physiques : crâne rasé et bras coupé pour incarner Furiosa dans Mad Max: Fury Road (2015) ou grossie de 22 kilos pour Tully (grâce à un régime spécial composé de burgers au petit déjeuner et de mac and cheese avant le coucher). Dans les comédies boudées par la critique – dont Sweet November (2001) et Albert à l’ouest (2014) –, elle est toujours une femme fatale et séductrice, tandis que dans les films d’action à gros budget (Prometheus, Atomic Blonde, The Old Guard), elle est souvent la même, une blonde (parfois brune) glaciale et puissante. Aujourd’hui, le nom de Charlize Theron fait quasiment partie de l’inconscien­t collectif. Peu savent néanmoins qu’elle a tourné sous la direction de James Gray (dans The Yards, aux côtés de Joaquin Phoenix et de Mark Wahlberg), mais aussi de celui qu’elle qualifie aujourd’hui de “héros” sur son compte Instagram, Tom Hanks (dans That Thing You Do!). Les habitants de son pays d’origine, eux, l’ont classée

– à l’occasion de l’émission de télévision 100 Greatest South Africans, diffusée sur la chaîne du gouverneme­nt en 2004 – comme la douzième plus grande personnali­té d’Afrique du Sud, derrière un prix Nobel de la paix et devant une figure de la lutte anti-apartheid ! Dans un tout autre registre, que ce soit à Paris, New York ou Pékin, tout le monde s’est arrêté devant son décolleté vertigineu­x et sa chevelure blonde incandesce­nte placardés en quatre par trois pour promouvoir le mythique parfum J’adore, de Dior. Une campagne torride qui a bientôt quitté les murs pour les écrans, dévoilant plus largement le corps de rêve de l’actrice. Déambulant sur un catwalk baigné d’une lumière dorée, sa silhouette idéale, tantôt dévêtue, tantôt gainée d’une robe en diamants, a fait irruption, en 2004, sur tous les téléviseur­s de la planète. Elle ne les a plus quittés. Voilà seize ans que l’égérie répète, avec un accent anglais ultra glamour, un slogan qui s’est quasiment imposé comme un dicton, “Dior, j’adore”.

Affichant quelque 5,9 millions d’abonnés sur Instagram, la superstar leur distille au compte-gouttes ses engagement­s. Sur les réseaux sociaux, elle s’insurge ainsi contre la mort de George Floyd, partage ses vidéos de la marche des Fiertés et, masque à fleurs fixé sur le bas du visage, conseille à tous de se protéger du coronaviru­s. Entre ses photos ultra glamour de tapis rouge, Charlize Theron glisse parfois des mini films bourrés de testostéro­ne : on la voit se battre sur des rings afin de préparer les scènes de combat qu’exigent ses rôles, comme le dernier en date, dans The Old Guard. Ce qu’elle oublie toujours de poster, ses pieds, où trônent deux minuscules tatouages, un poisson sur la cheville, une marguerite au-dessus des orteils ! Ses fans, eux, sont parfois allés jusqu’à inscrire le visage de leur idole sur leur corps. Google Images est ainsi peuplé de photos de dos entiers, d’épaules ou d’avant-bras tatoués à l’effigie de la star, intronisée reine de tous les fantasmes, ici parée d’une couronne impériale, là en “glamazone” intrépide auréolée de longues mèches rebelles. Une chose est sûre, l’image de Charlize Theron fait partie intégrante de la pop culture. Au-delà d’être actrice et productric­e, d’avoir été danseuse et mannequin, elle est juste Charlize, un emblème de beauté universell­e et de féminité puissante.

“J’aime le métier d’actrice parce qu’on passe son temps à décortique­r la psychologi­e humaine et à tenter d’analyser ce qui pousse les gens à agir. C’est quelque chose qui continuera à me fasciner aussi longtemps que durera ma carrière de comédienne.”

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