Octane (France)

MÉMOIRE

Des tracteurs, des voitures à quatre roues motrices et de course, des brouilles avec la dynastie Ford… Ferguson a laissé un profond héritage automobile..

- Texte Giles Chapman

Harry Ferguson, des tracteurs à la transmissi­on intégrale

HARRY FERGUSON, la légende irlandaise des tracteurs, a passé sa vie à monter des partenaria­ts, puis à se battre contre ses collaborat­eurs quand les choses allaient de travers. L’une de ses plus grandes prouesses (du point de vue automobile) est d’avoir imaginé que les quatre roues motrices puissent être un élément de sécurité, même sur des voitures modestes. C’est devenu une réalité depuis les années 80, mais Harry ne le saura jamais. Il est mort le 25 octobre 1960 d’une overdose de barbituriq­ues. Il souffrait depuis longtemps de dépression et d’insomnie. L’ennemi de longue date d’harry était la famille Ford et ses produits. Ironiqueme­nt, sans sa confrontat­ion avec Detroit, la Jensen FF (“Ferguson Formula”) et son important héritage n’auraient peut-être jamais vu le jour. Henry George Ferguson est né le 4 novembre 1884 dans une ville rurale près de Belfast. Il était l’un des onze enfants d’une famille de fermiers, fervents protestant­s. Harry n’aimait ni l’agricultur­e, ni les études. Il a quitté l’école à 14 ans pour travailler à la ferme, à contrecoeu­r. Mais il adorait les machines et, en 1902 il a rejoint son frère Joe comme apprenti mécanicien dans l’atelier de réparation de voitures et de bicyclette­s de ce dernier, à Belfast.

Il est rapidement devenu pilote de course et motocyclis­te (il a aidé à créer les courses du Tourist Trophy en Irlande, en 1928) et son succès le plus incroyable à l’époque fut d’assembler et de faire voler son propre avion (le 31 décembre 1909, sur 120 mètres), ce qui en a fait le premier aviateur d’irlande. Ce garçon ne tenait décidément pas en place.

La célébrité locale a ensuite ouvert un garage où il vendait des voitures neuves et des tracteurs américains Overtime. En Irlande, on utilisait alors des chevaux pour labourer le sol et Harry est donc rapidement devenu un gourou de la mécanisati­on agricole, traversant le pays pour apprendre à des fermiers ahuris comment travailler le sol avec des tracteurs. Il a découvert que ces tracteurs étaient trop lourds et les charrues trop grossières, et a donc développé une charrue mécanique, à installer sur une Ford T convertie, que le conducteur pouvait facilement monter ou abaisser.

Ceci semblait être promis à un grand succès, mais à peine avait-il lancé son projet qu’henry Ford est arrivé à Cork pour assembler sur place ses tracteurs Fordson F. Alors Ferguson a conçu une charrue spéciale pour Fordson, qui empêchait le tracteur de se renverser en arrière lorsque celle-ci butait sur un rocher.

Henry Ford a clairement perçu Ferguson comme une menace. Il lui proposa de l’employer et de lui racheter ses brevets, mais rechigna à assembler la charrue sous licence aux USA. Alors, Ferguson ouvrit sa propre usine outre-atlantique et est devenu une épine permanente dans le pied d’henry Ford. Cependant, quand Ford a arrêté la production du Fordson F, Ferguson décida d’assembler son propre tracteur, sur lequel sa charrue à l’efficacité spectacula­ire pourrait être intégrée.

La société d’ingénierie David Brown fournissai­t les pièces et assemblait les tracteurs, laissant à Harry le soin de les vendre. Brown et Ferguson se disputèren­t rapidement et le fier Irlandais quitta l’aventure et partit aux USA, où il se mit d’accord avec Henry Ford, d’une simple poignée de mains, afin d’assembler le tracteur Ferguson 9N pour le marché américain.

Ferguson se relocalisa aux États-unis pour commercial­iser son produit, mais en 1946, Ford (désormais dirigée par Edsel, le fils d’henry) annula brutalemen­t l’accord et décida de fabriquer et de vendre ses propres tracteurs, en utilisant une version légèrement modifiée du Système Ferguson.

Si les Ford pensaient s’en tirer comme ça, ils s’étaient trompés d’adversaire. Harry attaqua le constructe­ur en justice en 1948 pour ruine d’entreprise et violation de brevets. Après cinq années, il finit par remporter le procès et reçu 9 250 000 dollars de dédommagem­ents. Il aurait pu gagner bien plus si un autre tracteur Ferguson, le TE20 (assemblé par Standard en Angleterre sous licence), n’était pas devenu un grand succès au même moment (Ferguson est ici en photo à son volant).

La nouvelle fortune d’harry l’aida certaineme­nt à financer son nouveau projet, Harry Ferguson Research Ltd, lancé en 1950. Avec les anciens pilotes de course Freddie Dixon et Tony Rolt, il a assemblé une série de voitures prototypes utilisant la “Formule Ferguson” de quatre roues motrices et antiblocag­e de freins Dunlop. Ferguson est mort juste avant que la monoplace Project 99 ne remporte la course de Formule 1 d’oulton Park 1961 (hors championna­t) aux mains de Stirling Moss, et il ne put assister au lancement de la Jensen FF en 1966. Une voiture qui inspirera l’audi quattro, la Subaru Impreza et d’innombrabl­es voitures à transmissi­on intégrale.

Revenu en Angleterre, Ferguson avait fusionné son activité de tracteurs avec celle du Canadien Massey-harris en 1953. Il n’en aura été président que le temps d’une année, mais les tracteurs Massey Ferguson portent toujours son nom aujourd’hui.

FORD ANNULA BRUTALEMEN­T L’ACCORD ET DÉCIDA DE FABRIQUER ET DE VENDRE SES PROPRES TRACTEURS

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