Eric Broadley 1928-2017
John Simister rend hommage au génie discret qui se cachait derrière Lola et les légendaires victoires de Ford au Mans.
ERIC BROADLEY, le génie discret mais déterminé qui a fondé Lola Cars dans un petit atelier du Kent, en 1958, est mort à l’âge de 88 ans. Son entreprise est devenue l’un des constructeurs de voitures de course les plus victorieux durant quatre décennies, avec plus de 2 000 Lola produites qui se sont engagées dans la plupart des catégories sérieuses du sport automobile.
Les machines de Broadley ont remporté les 500 Miles d’indianapolis et la Can-am et elles ont dominé la Formule 5000 pendant des années. Ses designs et ses innovations ont été très influents et c’est d’un projet de Broadley, la Mk6 (à l’essai dans Octane n° 32) que la Ford GT40 est née.
Broadley était aussi un bon entrepreneur. Il faut du talent pour concevoir une voiture qui gagne des courses, mais il est peut-être encore plus difficile de créer une entreprise rentable dans le monde volatile de la course automobile, où tout tourne autour de la victoire. Inévitablement, il y a eu des hauts et des bas dans la carrière de Broadley, comme ses tentatives de percer en Formule 1. Cela l’attirait, car c’est là qu’il y avait, lui semblait-il, de l’argent à se faire, mais les aventures de Lola en F1 furent toutes malchanceuses. Pourtant, il s’est très vite orienté vers les monoplaces, sa première voiture à moteur central étant la Mk3 Formula Junior de 1961, suivie en 1962 par une Formule 1 à V8 Climax, avec le soutien de Bowmaker. Un projet qui s’évanouit en janvier 1963 quand ce dernier se retira soudainement du sport mécanique. C’est une autre décision qui allait forger l’avenir de Lola cette même année, cette fois de la Ford Motor Company. Le prototype Mk6 GT n’allait jamais devenir la voiture de route qu’elle aurait dû devenir, mais elle allait donner un virage imprévu à la carrière de Broadley. La GT aux lignes fabuleuses a été l’attraction principale du Racing Car Show de Londres, en janvier 1963, avec une conception de châssis inédite, légère et très rigide. La Lola GT avait le potentiel de rivaliser avec Ferrari et de remporter de nombreuses courses en 1963, dont les 24h du Mans, mais ni la chance ni le budget ne furent au rendez-vous. Au même moment, Ford voulait battre Ferrari au Mans sans délais. Quand la Mk6 GT fit ses débuts prometteurs dans l’épreuve, aux mains de Richard Attwood et de David Hobbs, Ford proposa immédiatement à Broadley un contrat exclusif de deux ans et de faire de Lola Cars le programme d’usine de la GT Ford.
Ainsi, la Mk6 servi de base à la première GT40, qui finira par remporter les 24h du Mans. Cependant, après des divergences avec Ford sur la direction que devait prendre la GT40, Broadley arrêta les relations entre Lola et Ford au bout d’une année seulement. Alors il reprit ce qu’il savait faire : concevoir, assembler et vendre des voitures de course. Le succès ne fut pas long à venir. Graham Hill remporta les 500 Miles d’indianapolis sur une Lola engagée par Mecom Racing et, la même année, Surtees remporta le premier championnat Can-am avec sa Lola T-70 Chevrolet.
Broadley continua de diriger l’entreprise jusqu’en 1999, avant de la vendre à Martin Birrane. Le jour où nous lui avons demandé s’il était vrai que les ingénieurs de Ford ne savaient pas très bien comment calculer les suspensions de la GT40, Broadley s’est interrompu très longuement avant de répondre : « À vrai dire… C’est vrai ! ».